Jurisprudence : CAA Nantes, 1ère ch., 19-06-2002, n° 99NT00400

Cour administrative d'appel de Nantes

Statuant au contentieux
M. Raymond DENIS


M. GRANGE, Rapporteur
Mme MAGNIER, Commissaire du gouvernement


Lecture du 19 juin 2002



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 mars 1999, présentée par M. Raymond X...,  ;

    M. X... demande à la Cour :

    1°) d'annuler le jugement n°s 9302923, 9403318, 9403414 en date du 10 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1987 et 1988 et du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période couvrant les années 1987 à 1989 ;

    2°) de prononcer la décharge demandée ;

    3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    Vu les autres pièces du dossier ;

    Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

    Vu le code de justice administrative ;

    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2002 :

    -le rapport de M. GRANGE, premier conseiller,

    -les observations de M. X...,

    -et les conclusions de Mme MAGNIER, commissaire du gouvernement ;


    Sur l'étendue du litige :

    Considérant que, par des décisions postérieures à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Rennes a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, d'une part à concurrence des sommes de 143 334 F (21 851,13 euros) et 54 987 F (8 382,71 euros) des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. X... a été assujetti au titre respectivement des années 1987 et 1988, et, d'autre part, à concurrence de la somme de 31 961 F (4 872,42 euros) du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui a été mis à sa charge au titre de la période correspondant aux années 1987 à 1989  ; que les conclusions de la requête de M. X... relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

    Sur les impositions issues de la vérification de comptabilité :

    Considérant que M. X..., qui exploitait à Paimpont (Ille-et-Vilaine) un commerce de café- épicerie-quincaillerie-bazar-carburants, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les années 1987 et 1988 en matière de bénéfices industriels et commerciaux et la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1989 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

    En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

    Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée au siège de l'entreprise de M. X... en présence de celui-ci ; que le requérant, en se bornant à faire valoir que le vérificateur n'aurait pas pris en considération des relevés de prix effectués par le contribuable et se serait refusé à procéder, comme cela lui était demandé, à la détermination de coefficients de bénéfices bruts pratiqués dans l'entreprise, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il aurait été privé du débat oral et contradictoire auquel il avait droit ;

    Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de la notification de redressements du 21 mai 1990 que le vérificateur a informé le contribuable des noms et des activités des entreprises qu'il utilisait comme termes de comparaison, et des coefficients de bénéfices ressortant de ces comparaisons ; que ces indications étaient suffisantes pour permettre au contribuable de présenter utilement ses observations sur ce point, nonobstant la circonstance que les chiffres d'affaires de ces entreprises et leurs zones de chalandise n'aient pas été indiqués ;

    Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de la réponse de l'administration aux observations du contribuable sur les redressements notifiés que le vérificateur a expliqué les raisons qui le conduisaient à écarter les coefficients de bénéfices bruts proposés par celui-ci en indiquant que ces coefficients conduisaient à des chiffres d'affaires inférieurs à ceux qui ressortaient des déclarations et qu'ils étaient, dès lors, manifestement inférieurs à la réalité de ses pratiques commerciales ; que cette réponse doit être regardée comme suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;


    Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 1999 en date du 30 décembre 1999, publiée postérieurement à l'enregistrement de la requête  :

    'II. B. - Sont réputés réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressements effectuées avant le 1er janvier 2000 en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, pour ce qui concerne les informations mentionnées à l'article R. 256- 1 du livre des procédures fiscales, à la seule notification de redressement' ; que ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que la régularité de l'avis de mise en recouvrement émis le 10 janvier 1992 pour avoir paiement des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. X... soit discutée par la voie contentieuse par le motif tiré de ce que l'avis se réfère, pour l'indication des éléments de calcul et du montant des droits et pénalités, à la notification de redressements du 21 mai 1990, alors que les redressements notifiés ont fait l'objet d'une réduction en réponse aux observations du contribuable ;

    En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

    Considérant qu'il est constant que M. X... n'a pas présenté au vérificateur les documents comptables de l'entreprise, et que celui-ci a dressé le 24 avril 1990 un procès-verbal constatant l'absence de grand-livre, de livre-journal, de journaux auxiliaires à l'exception d'un livre d'achat, d'inventaires des stocks et de pièces justificatives de caisse ; que la comptabilité étant ainsi défaillante, le vérificateur a procédé à une reconstitution de recettes  ; qu'estimant qu'il lui était impossible d'établir un échantillon représentatif des différentes catégories de ventes de l'entreprise, il a appliqué aux achats des exercices des coefficients de bénéfice brut propres à chaque catégorie d'activité par référence aux éléments recueillis dans des entreprises exerçant des activités similaires  ; qu'une telle méthode de reconstitution ne saurait être regardée comme sommaire eu égard à la grande diversité et à la nature des activités exercées ;

    Considérant que M. X... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article L.192 troisième alinéa du livre des procédures fiscales, à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, du caractère exagéré des impositions, en se bornant, d'une part, à critiquer dans son principe le recours à des coefficients de la profession, et d'autre part, à soutenir sans l'établir, que les coefficients des secteurs 'vêtements-chaussures et bazar-soldes' s'élèveraient à 1,30 et 1,28 au lieu de 1,55 ;

    Sur les impositions issues de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle :

    Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après les dégrèvements susmentionnés intervenus en cours d'instance, l'imposition subsistante résultant de l'examen de situation fiscale personnelle ne concerne que l'année 1987 ;


    Considérant que l'administration peut adresser la demande de justifications prévue au troisième alinéa de l'article L.16 du livre des procédures fiscales à un contribuable imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux si elle peut faire état d'indices sérieux pouvant donner à penser que ce contribuable a disposé de revenus d'une autre source ; que de tels indices sont notamment réunis lorsque l'administration a établi une balance-espèces faisant ressortir que l'excédent des espèces employées par rapport aux disponibilités en espèces provenant tant des retraits bancaires que de la partie perçue en espèces des revenus déclarés est d'une importance significative au regard des recettes réelles qui ont pu résulter de l'activité commerciale déclarée ;

    Considérant que M. et Mme X... ont fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle dans le cadre duquel l'administration leur a demandé de justifier, en application de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, le solde d'une balance de trésorerie en espèces s'établissant à 670 078 F pour 1987  ; qu'il résulte de l'instruction que ce solde, en l'absence de tout retrait en espèces sur les comptes bancaires privés ou professionnels des contribuables, représentait des paiements en espèces se rapportant notamment à des achats immobiliers et à des travaux sur ces immeubles ; que ce solde était suffisamment significatif au regard des recettes commerciales réelles reconstituées s'établissant à 2 933 574 F HT et du montant des revenus déclarés s'élevant à 132 840 F pour autoriser l'administration à procéder à la demande de justifications dont il s'agit, sans que le vérificateur ait à établir, contrairement à ce qui est soutenu, que les sommes en cause correspondraient à des ressources entrées dans le patrimoine des contribuables pendant la période vérifiée ;

    Considérant que les contribuables, en réponse à cette demande, et après mise en demeure de la compléter, se sont bornés à faire état du paiement par chèques de certaines dépenses, de la vente de meubles anciens à hauteur de 8 000 F, et de la possession d'économies ; que, hormis l'indication des paiements par chèques qui ont été justifiés et pris en compte pour diminuer la base d'imposition, ces réponses présentaient un caractère invérifiable  ; que l'administration était dès lors en droit, en vertu de l'article L.69 du live des procédures fiscales, de procéder à la taxation d'office des revenus dont l'origine demeurait inexpliquée  ; qu'il appartient au requérant, en vertu de l'article L.193 du même livre, d'apporter la preuve de l'exagération de ces impositions ;

    Considérant que si M. X... soutient qu'il a conservé une partie de ses recettes au cours des cinq années précédant la période vérifiée, à hauteur de 884 243 F, sous forme de bons anonymes, pour faire face à ses dépenses de même nature et pour épargner en vue de la construction de son habitation principale dans la perspective de sa mise à la retraite, il n'apporte aucune justification à l'appui de cette allégation ; que, sur ce point, il ne peut utilement se borner à faire valoir qu'il n'aurait pu se procurer pendant la seule année 1987 des ressources lui permettant de financer son projet immobilier ;


    Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a entendu faire droit, par le dégrèvement susmentionné afférent à l'impôt sur le revenu de l'année 1987, et afin d'éviter toute double taxation, au moyen tiré de ce que les suppléments de bénéfices imposés à la suite de la vérification de comptabilité de l'activité professionnelle devaient venir en déduction des soldes des balances de trésorerie établies dans le cadre de l'examen de situation fiscale personnelle ; que le requérant ne soutient pas que ce moyen aurait été pris en compte pour un montant insuffisant ;

    Sur les pénalités :

    Considérant qu'aux termes de l'article L.48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce  : 'A l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L.57 du livre des procédures fiscales, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements ...' ;

    Considérant, d'une part, qu'il ressort de la notification de redressements du 21 mai 1990 consécutive à la vérification de comptabilité que l'administration a informé M. X..., pour chacune des années 1987 et 1988, du montant des pénalités mises à sa charge comprenant les intérêts de retard et une majoration prévue en cas de mauvaise foi ; que toutefois, en indiquant des montants globaux, sans ventilation ni entre l'impôt sur le revenu et la taxe sur la valeur ajoutée, ni entre les intérêts de retard et les majorations pour mauvaise foi, l'administration ne peut être regardée comme ayant satisfait aux exigences légales précitées ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder au requérant la décharge des pénalités subsistantes en matière d'impôt sur le revenu ;

    Considérant, d'autre part, que les moyens relatifs aux pénalités infligées aux contribuables à l'issue de l'examen de situation fiscale personnelle sont inopérants, dès lors qu'il résulte de l'instruction que ces pénalités ont été intégralement dégrevées ;

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, s'agissant des impositions restant en litige, M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté en totalité le surplus des conclusions de ses demandes ;

    Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

    Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


Article 1er  : A concurrence des sommes de, d'une part, 21 851,13 euros (vingt et un mille huit cent cinquante et un euros treize centimes) et 8 382,71 euros (huit mille trois cent quatre vingt deux euros soixante et onze centimes) en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. X... a été assujetti au titre des années respectivement 1987 et 1988, et, d'autre part, de la somme de 4 872,42 euros (quatre mille huit cent soixante douze euros quarante deux centimes) en ce qui concerne le supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui a été mis à sa charge au titre de la période correspondant aux années 1987 à 1989, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X....
Article 2  :M. X... est déchargé des pénalités subsistantes auxquelles il a été assujetti en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 1987 et 1988.
Article 3  :Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 10 décembre 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4  :Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5  :Le présent arrêt sera notifié à M. X.£. et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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