Jurisprudence : CAA Marseille, 3ème ch., 28-02-2002, n° 98MA01045





MTR


N° 98MA01045.


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M. Alain CORELLOU


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M. DARRIEUTORT


Président


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M. MARCOVICI


Rapporteur


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M. DUCHON DORIS


Commissaire du gouvernement


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Arrêt du 28 février 2002


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE Marseille


(3ème chambre A)


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 juillet 1998 sous le n° 98MA01045 présentée pour M. CORELLOU, élisant domicile à la SCP DEGROUX-BRUGERE-DE PINGON et associés, avocats à la Cour, par ladite SCP ;


Classement CNIJ : 19-01-01-03-02


19-04-01-02-02


B


M. CORELLOU demande à la Cour :


1°/ d'annuler le jugement n° 93-2093 du 16 mars 1998 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d''impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984 à 1987, et condamne l'Etat à lui rembourser le montant de frais irrépétibles sur le fondement de l'article L.8-1 du code


des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;


2°/ la décharge desdites cotisations et pénalités ;


3°/ de condamner l'Etat à rembourser les frais d'honoraires d'avocats qui seront ultérieurement portés à la connaissance de la Cour ;


Il soutient que la procédure d'imposition est irrégulière dans la mesure où les échanges de courrier, mises en demeure, avis de vérification et notifications ont été adressés à une adresse à Aix-en-Provence, alors que M. Alain CORELLOU avait informé l'administration de ce qu'il n'occupait pas ce domicile et qu'au surplus les courriers auraient dû être adressés au représentant fiscal qu'il avait désigné à la demande de l'administration ou bien à son adresse professionnelle, que l'avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle a été également envoyé à une adresse erronée, que cet avis n'a fait l'objet que d'une seule présentation alors qu'il aurait dû faire l'objet de deux présentations pour être régulier, que l'administration s'est livrée à une vérification de comptabilité occulte sans mettre en oeuvre la procédure adéquate ce qui révèle un détournement de procédure ou de pouvoir, qu'en dépit d'une demande, l'interlocuteur départemental n'a pas été saisi, que la procédure est également irrégulière en raison de l'absence de saisine de la commission départementale des impôts, qu'il avait son domicile fiscal en France tant au regard des dispositions du code général des impôts que des conventions internationales applicables, que l'administration a pris formellement position sur la question de son domicile fiscal et a admis qu'il se situait à l'étranger ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu, enregistré le 2 novembre 1998, le mémoire par lequel il est conclu, pour M. CORELLOU, au sursis à exécution du jugement susvisé ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2000, présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête ; il soutient que le domicile fiscal de l'intéressé est bien situé en France puisqu'il y dispose de son foyer, que son activité professionnelle se situe en partie en France et qu'il y a le centre de ses intérêts économiques, que le droit conventionnel n'est pas applicable au cas d'espèce, qu'il ne justifie pas avoir payé ses impôts dans d'autres pays, que les conventions internationales ne lui donnent pas droit à ce qu'il réclame dès lors qu'il n'a pas une base fixe en Tunisie, ni en Espagne, que la procédure est régulière, que les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure en ce qui concerne l'année 1984 sont inopérants dès lors que l'imposition a pour seul fondement les déclarations initiales de M. CORELLOU, que la demande de désignation d'un représentant fiscal ne vaut pas reconnaissance de la qualité de non résident de M. CORELLOU, que l'article L.80 A du livre des procédures fiscales n'est pas invocable lorsque l'on se trouve en situation d'évaluation d'office, que l'administration n'était pas contrainte d'adresser ses courriers à l'interlocuteur fiscal, que l'avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle était régulier dès lors qu'il a été envoyé à l'adresse indiquée par M. CORELLOU et que son épouse était domiciliée à Aix-en-Provence, que le pli a bien été présenté deux fois conformément à la législation postale, que les procédures d'imposition d'office sont régulières, que les notifications étaient régulièrement motivées, que l'interlocuteur n'avait pas à être saisi dès lors que la demande était tardive et qu'aucun texte n'exige qu'il soit donné satisfaction à une telle demande, que l'évaluation d'office des bénéfices non commerciaux était régulière, que l'éventuelle irrégularité d'une vérification de comptabilité est sans effet sur les redressements opérés en vertu d'une imposition d'office, qu'au demeurant l'article 86 de la loi pour 1998 a validé la pratique contestée par le requérant, que la notification pour 1985 a été régulièrement envoyée, que la commission départementale des impôts n'avait pas à être réunie dès lors que l'on se situe en procédure d'office, que M. CORELLOU n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des redressements opérés, que les pénalités sont justifiées et que la demande de frais irrépétibles doit être rejetée ;


Vu, enregistré le 10 janvier 2002, le nouveau mémoire présenté pour le requérant ; il conclut comme précédemment et, en outre, que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 50.000 F au titre des frais d'instance ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la convention franco-tunisienne du 28 mai 1973 ;


Vu la convention franco-espagnole du 27 juin 1973 ;


Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2002 :


- le rapport de M. MARCOVICI, premier conseiller ;


- les observations de Me HOUILLEZ de la SCP DEPREZ-DEGROUX-BRUGE-PINGON pour M. Alain CORELLOU ;


- et les conclusions de M. DUCHON DORIS, premier conseiller ;


Considérant que M. CORELOU, qui exerce la profession d'ingénieur conseil, spécialiste dans la construction et la mise en route de complexes industriels pétrochimiques, a déposé une déclaration de revenu global au titre de l'année 1984 mentionnant un bénéfice non commercial de 5.007.950 pesetas et s'est abstenu au titre des années suivantes de toute déclaration tant d'ensemble que catégorielle ; qu'il a fait l'objet au titre de l'année 1984 d'un contrôle sur pièces de la déclaration de revenus qu'il avait déposée, puis d'une vérification approfondie de sa situation fiscale personnelle au titre des années 1985, 1986 et 1987 ; qu'il demande la décharge des impositions qui ont résulté pour lui de ces contrôles ;


Sur les impositions des années 1985, 1986 et 1987 :


Considérant qu'aux termes de l'article 164 D du code général des impôts, l'administration peut inviter "les personnes physiques exer'ant des activit's en France ou y poss'dant des biens, sans y avoir leur domicile fiscal, (...) ' d'signer dans un d'lai de quatre-vingt-dix jours ' compter de la r'ception de cette demande un repr'sentant en France, autoris' ' recevoir les communications relatives ' l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'imp't" ;


Considérant que l'administration a, au cours du mois de décembre 1985 invité M. CORELLOU a désigner un représentant fiscal, ce dont il s'est acquitté le 17 avril 1986 ; que toutefois, les pièces de procédure ont été adressées à son domicile d'Aix-en-Provence ; qu'il en est notamment ainsi de l'avis de vérification portant examen de la situation fiscale d'ensemble, en date du 10 août 1988, des mises en demeure de déposer des déclarations de revenus au titre des années en litige qui lui ont été adressées au mois de septembre et octobre 1988, et des notifications de redressements en date des 14 novembre 1988, 7 septembre 1989 et 14 octobre 1989 relativement à ses bénéfices non commerciaux et à son revenu global des années 1985, 1986 et 1987 ; que certains de ces courriers ont été renvoyés au service avec la mention "n'habite pas à l'adresse indiquée", suivie d'une adresse à l'étranger, tandis que d'autres ont été réceptionnés sans que toutefois la signature portée sur les avis de réception soit celle de l'intéressé ;


Considérant que, dès lors que le contribuable a, sur la demande de l'administration, désigné un représentant fiscal et expréssement indiqué l'adresse de ce représentant, celle-ci devait adresser toutes les notifications audit représentant, quant bien même cette dernière aurait considéré que le domicile fiscal était situé à Aix-en-Provence ; qu'en acheminant ces courriers à une autre adresse, l'administration n'a pas pris les mesures propres à assurer l'application en l'espèce, des dispositions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales aux termes duquel "les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination" ; qu'ayant été mises en recouvrement sans que les notifications puissent lui parvenir, les impositions en cause ont été établies à la suite d'une procédure irrégulière ; que M. CORELLOU est donc fondé à en demander la décharge ;


Sur l'imposition de l'année 1984 :


En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :


Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a renoncé aux redressements envisagés à la suite du contrôle sur pièces de la déclaration des revenus de l'année 1984 et a procédé à l'imposition des seuls revenus initialement déclarés par le contribuable ; que dès lors, les divers moyens tirés de l'irrégularité de la procédure du contrôle sur pièces sont inopérants ;


En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :


Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 4A du code général des impôts : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus..." ; qu'aux termes du 1 de l'article 4 B du code général des impôts : "Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A :


a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;


b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;


c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques" ;


Considérant que si M. CORELLOU indique avoir séjourné en Tunisie 183 jours et un mois en Espagne au cours de l'année 1984, il résulte de l'instruction que Mme CORELLOU est demeurée en France durant toute cette période ; que si le requérant invoque l'absence de liens affectifs avec son épouse dont il a divorcé le 13 juin 1990, cette circonstance, corroborée par la déclaration effectuée par Mme CORELLOU auprès des services de police le 17 octobre 1988 selon laquelle son mari ne vivait plus avec elle depuis 1981, n'est pas de nature à établir qu'il ne disposait pas, pour l'année 1984, d'un foyer en France au sens des dispositions précitées ; que, par ailleurs, il n'est pas contesté que M. et Mme CORELLOU sont propriétaires de deux résidences en France et ne disposent pas d'un patrimoine au moins équivalent à l'étranger et, qu'enfin, une partie des honoraires de M. CORELLOU était versée de l'étranger sur un compte bancaire ouvert en France ; que, par suite, l'intéressé ne peut être regardé comme n'ayant pas eu en France le centre de ses intérêts économiques ;


Considérant qu'il r'sulte tant des termes de l'article 3 de la convention conclue le 28 mai 1973 entre la France et la Tunisie en vue d''liminer les doubles impositions, que de ceux de l'article 3 de la convention ayant le m'me objet conclue entre la France et l'Espagne en date du 17 juin 1973, applicable en l'esp'ce, qu'au sens de ces stipulations, on entend par r'sident d'un 'tat contractant toute personne qui, en vertu de la l'gislation dudit Etat, est assujettie ' l'imp't dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa r'sidence, de son statut juridique, de son si'ge de direction ou de tout autre crit're analogue ; que M. CORELLOU pr'tend avoir s'journ' en Tunisie 183 jours en 1984 et produit une attestation de la soci't' TRACPLANT-INGEST en date du 8 juin 1989 pr'cisant qu'il a travaill' sur deux chantiers dans ce pays et que la soci't' a pris en charge les imp'ts et les taxes relatifs aux services ainsi rendus ; que, toutefois, ces 'l'ments ne sont pas suffisants pour justifier d'un assujettissement ' l'imp't en Tunisie au titre de l'ann'e 1984 ; que, par ailleurs, la seule circonstance que l'int'ress' d'clare avoir s'journ' un mois en Espagne et la production d'une note d'h'tel sont, de m'me, insuffisants ; que, par suite, faute pour le requ'rant d''tablir sa qualit' de r'sident de Tunisie et d'Espagne, il ne peut revendiquer l'application des conventions pr'cit'es ; que, d's lors, les revenus d'clar's au titre de l'ann'e 1984 ont, ' bon droit, 't' impos's en France ;


Considérant, en second lieu, que l'administration n'a pris aucune position formelle sur l'appréciation de la situation du contribuable quant au lieu de son domicile fiscal, en s'abstenant de réagir pendant une période de 20 mois à la désignation, par l'intéressé, d'un représentant fiscal, à la suite de la demande du service ou en opérant la décharge, par une décision qui ne comporte aucune motivation, de la taxe professionnelle à laquelle M. CORELLOU avait été assujetti au titre de l'année 1983 ; que ce dernier ne peut, par suite, revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. CORELLOU n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande qu'il a formulée au titre de l'année 1984 ;


Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :


Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code des tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel : "Dans les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;


Considérant qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. CORELLOU les sommes qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :


Article 1er : M. CORELLOU est déchargé des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1985, 1986 et 1987 et des pénalités y afférentes.


Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de MARSEILLE en date du 3 juillet 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.


Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. CORELLOU et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Copie en sera notifiée au Trésorier-payeur-général des Bouches-du-Rhône et à Mme CORELLOU.


Délibéré à l'issue de l'audience du 24 janvier 2002, où siégeaient :


M. DARRIEUTORT, président de chambre,


M. GUERRIVE, président assesseur,


M. MARCOVICI, premier conseiller,


assistés de M. BOISSON, greffier.


Prononcé à Marseille, en audience publique le 28 février 2002.


Le président,


Le rapporteur,


Signé


Signé


Jean-Pierre DARRIEUTORT


Laurent MARCOVICI


Le greffier,


Signé


Alain BOISSON


La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


Pour expédition conforme,


Le greffier,


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