Jurisprudence : CAA Lyon, 2e ch., 24-05-2000, n° 96LY00682

CAA Lyon, 2e ch., 24-05-2000, n° 96LY00682

A8222AZK

Référence

CAA Lyon, 2e ch., 24-05-2000, n° 96LY00682. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1115260-caa-lyon-2e-ch-24052000-n-96ly00682
Copier
Cour administrative d'appel de Lyon

Statuant au contentieux
SARL L'ORANGERAIE


M. GAILLETON, Rapporteur
M. MILLET, Commissaire du gouvernement


Lecture du 24 mai 2000



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour respectivement les 21 mars et 24 juillet 1996, présentés pour la SARL L'ORANGERAIE, dont le siège est situé 1 place Charles de Gaulle, 06570, Saint-Paul-de-Vence, par la SCP d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez ;

    La SARL L'ORANGERAIE demande à la cour :

    1°) d'annuler le jugement n° 90-2535 en date du 25 janvier 1996 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1984 ;

    2°) de prononcer la décharge demandée et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    Vu les autres pièces du dossier ;

    Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2000:

    le rapport de M. GAILLETON, premier conseiller ;

    les observations de Me THIRIEZ, avocat de la SARL L'ORANGERAIE ;

    et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;


    Sur la régularité de la procédure d'imposition :

    Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1er alinea de l'article L 57 du livre des procédures fiscales : 'L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ... Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée' ; qu'il résulte de ses énonciations que la notification de redressements en date du 23 décembre 1986, qui indique explicitement à la SARL L'ORANGERAIE les motifs de droit et de fait, ainsi que les calculs précis, justifiant les redressements envisagés, notamment en ce qui concerne la réintégration des provisions en litige, permettait à la société de formuler utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait le 20 février 1987 ; qu'elle satisfait, par suite, aux prescriptions de l'article L. 57 ; qu'il en est de même de la réponse de l'administration aux observations du contribuable, qui indique en détail pour chaque chef de redressement maintenu les motifs justifiant la position du service ;

    Considérant, en second lieu, que si la société requérante entend maintenir les autres moyens qu'elle a également invoqués à l'encontre de la régularité de la procédure d'imposition dans sa requête sommaire, mais qu'elle n'a pas repris dans son mémoire complémentaire, elle ne les assortit d'aucune précision permettant d'en apprécier la pertinence ;

    Sur le bien-fondé de l'imposition :

    Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : 'Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ...notamment : ...5°) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été constatées dans les écritures de l'exercice ...';

    En ce qui concerne les provisions pour pertes liées à la remise en cause de l'authenticité d'oeuvres vendues par la société et pour frais de justice :

    Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise peut valablement, jusqu'à l'expiration du délai de déclaration, porter en provisions et déduire des bénéfices imposables les sommes correspondant aux pertes ou charges qu'elle ne supportera qu'ultérieurement, à la condition notamment qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux événements en cours à la date de clôture de l'exercice ; que, par suite, et dès lors que lesdits événements étaient en cours à cette date, l'entreprise est en droit de constater ces pertes ou charges sous forme de provision dans les écritures dudit exercice jusqu'à l'expiration du délai de déclaration, alors même qu'elle n'aurait eu connaissance des événements dont s'agit que postérieurement à sa clôture ;


____Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL L'ORANGERAIE, qui exploite une galerie d'oeuvres d'art à Saint-Paul-de-Vence, a vendu au cours de l'année 1983, notamment à un collectionneur allemand, M. Kraft, différentes sculptures en bronze de Picasso, Rodin, Gauguin, Bonnard, Daumier et Renoir, des lithographies de Dali, ainsi qu'une gouache de Modigliani, qu'elle avait acquises peu de temps auparavant d'un négociant parisien en tant que pièces originales; qu'à la suite d'une plainte pour débit d'oeuvres artistiques contrefaites déposée au cours du mois d'avril 1984 par M. Kraft ainsi que par les ayants droit de Picasso, une procédure judiciaire fut diligentée dès le début du mois de mai 1984 à l'encontre notamment de la SARL L'ORANGERAIE_; qu'informée de l'existence de cette procédure à l'occasion d'une perquisition de la police dans ses locaux effectuée dans le courant du mois de juin 1984, soit quelques jours après la clôture de son exercice comptable, en date du 31 mai 1984, celle-ci a, avant la date d'expiration du délai de déclaration, le 31 août 1984, comptabilisé au titre dudit exercice deux provisions pour pertes, d'un montant respectif de 2 106 553 francs pour les oeuvres de Dali, et de 1 625 755 francs pour les autres oeuvres, destinées à faire face au risque de remboursement de ces marchandises dépréciées du fait de la mise en doute de leur authenticité_; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration n'était pas en droit de contester le bien fondé de ces écritures au seul motif pris de l'absence de connaissance par la société de cette procédure à la date de clôture de son exercice_; qu'il résulte de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment des expertises auxquelles avaient fait procéder M. Kraft et les consorts Picasso avant le dépôt de leur plainte, que la société requérante pouvait, à la date de clôture de l'exercice 1984, tenir pour probable l'absence d'authenticité des oeuvres vendues ; qu'elle pouvait ainsi, même si la plainte avait été initialement déposée contre 'X' avant d'être dirigée nommément contre son dirigeant et son fournisseur, regarder comme étant probable la perte correspondante, dont le quantum n'est pas contesté, compte tenu de sa responsabilité vis à vis de son client, M. Kraft, qu'en sa qualité de professionnelle elle ne pouvait éluder même en l'absence de délit de la part de son dirigeant ; que c'est, dès lors, à tort que l'administration a réintégré les provisions en litige dans les résultats imposables de l'exercice 1984 ;

    Considérant, en revanche, qu'aucune action judiciaire n'ayant été engagée à son encontre, la SARL L'ORANGERAIE n'était pas fondée à constater au titre de cet exercice une provision pour frais de justice du seul fait du dépôt d'une plainte à l'encontre de l'un de ses dirigeants ; que, par suite, l'administration a réintégré à bon droit ladite provision dans les résultats de cet exercice ;

    En ce qui concerne les provisions pour dépréciation d'oeuvres en stocks :


    Considérant qu'il résulte également des dispositions précitées de l'article 39-1-5° que si une entreprise, pour tenir compte de la perte future qui résultera pour elle de la différence entre le prix de revient des marchandises qu'elle possède en stocks et la valeur de revente, probablement inférieure, de ces mêmes marchandises, a la faculté de constituer en fin d'exercice une provision correspondant au montant probable de cette perte, le mode de calcul de la provision retenu par l'entreprise doit être propre à exprimer avec une approximation suffisante le montant de la perte qu'elle s'attend à supporter ;

    Considérant qu'à supposer même que, eu égard notamment aux particularités du marché des oeuvres d'art, les oeuvres de Maurice Mendjisky et de divers autres artistes que la SARL L'ORANGERAIE détenait en stocks au 31 mai 1984 aient été effectivement dépréciées à cette date du seul fait de l'ancienneté de leur acquisition, la société requérante, qui a pratiqué un abattement forfaitaire de 30 % sur la valeur de l'ensemble de ces oeuvres et qui ne peut utilement se prévaloir des usages en vigueur dans le commerce des livres, n'a pas respecté son obligation de calculer ses provisions avec une précision suffisante ; que la circonstance que l'abattement pratiqué serait confirmé par des constations faites au cours des exercices ultérieurs ne saurait être utilement invoquée pour justifier leur bien-fondé ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration les a réintégrées dans les résultats de l'exercice en litige ;

    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL L'ORANGERAIE, qui ne fait par ailleurs valoir aucun autre moyen à l'encontre du bien-fondé des autres redressements dont procède également l'imposition litigieuse, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice n'a pas prononcé la réduction de sa base d'imposition à hauteur d'une somme de 3 732 308 francs, et à demander la réformation en ce sens du jugement attaqué ;

    Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel:

    Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la SARL L'ORANGERAIE une somme de 6 000 francs en application de ces dispositions ;


Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés auquel la SARL L'ORANGERAIE a été assujettie au titre de l'année 1984 est réduite d'une somme de 3 732 308 francs.
Article 2 : La SARL L'ORANGERAIE est déchargée de la différence entre l'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 1984 et celui résultant de la réduction de la base d'imposition mentionnée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 janvier 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat est condamné à payer à la SARL L'ORANGERAIE une somme de 6 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Domaine juridique - CONTRIBUTIONS ET TAXES

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.