Jurisprudence : CAA Paris, 5e ch., 03-12-1998, n° 96PA00600

CAA Paris, 5e ch., 03-12-1998, n° 96PA00600

A0218AXD

Référence

CAA Paris, 5e ch., 03-12-1998, n° 96PA00600. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1115144-caa-paris-5e-ch-03121998-n-96pa00600
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Abstract

19-01-03-01-03 La charte des droits et obligations du contribuable vérifié, opposable à l'administration en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales à partir du 1er janvier 1988, rend obligatoire un débat oral et contradictoire entre le contribuable et le vérificateur au cours d'un examen de situation fiscale personnelle. Le vérificateur est tenu d'offrir au contribuable la possibilité d'engager un tel dialogue sur les discordances qu'il a relevées à partir des documents, tels les comptes bancaires, dont il dispose, avant d'adresser le cas échéant à l'intéressé des demandes de justifications écrites.

Cour administrative d'appel de Paris

Statuant au contentieux
Perrodo

Mme Camguilhem, Président
M. Bossuroy, Rapporteur
M. Haïm, Commissaire du gouvernement


Lecture du 3 décembre 1998



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    (5ème Chambre)
    VU la requête, présentée par M. Hubert PERRODO, demeurant 6, rue des Marronniers, 75016 Paris, enregistrée le 7 mars 1996 au greffe de la cour admi-nistrative d'appel de Paris ; M. PERRODO demande à la cour :
    1 ) d'annuler le jugement n 9100427/1 en date du 30 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987 et l'a condamné à une amende de 5.000 F pour recours abusif ;
    2 ) de prononcer la décharge demandée ;
    VU les autres pièces du dossier ;
    VU le code général des impôts ;
    VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 1998 :
    - le rapport de M. BOSSUROY, premier conseiller,
    - et les conclusions de M. HAÏM, commissaire du Gouvernement ;


    
Considérant que la requête de M. PERRODO tend à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris qui, dans son article 1er, a rejeté sa demande de décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987 par voie de taxation d'office sur le fondement des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales, à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle, et, dans son article 2, l'a condamné à une amende de 5.000 F pour requête abusive ;
    Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué :
    Sur la régularité du jugement attaqué :
    Considérant que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce qu'en consultant le 3 septembre 1987 le fichier des comptes bancaires avant la réception par le contribuable, le 20 avril 1988, de l'avis de vérification, l'admi-nistration aurait violé les dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 1994 doit être annulé ;
    Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. PERRODO devant le tribunal administratif ;
    Sur la régularité de la procédure d'imposition :
    En ce qui concerne l'examen de situation fiscale personnelle :
    Sur les moyens tirés d'une violation des dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales :
    Considérant qu'aux termes de l'article L.47 du livre des procédures fiscales : 'Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix' ;
    Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que l'administration ne peut effectuer aucune démarche tendant à recueillir, auprès du contribuable ou auprès de tiers, des informations ou des documents pour les besoins d'un examen de situation fiscale personnelle, avant que se soit écoulé un délai suffisant pour permettre à l'intéressé de se faire assister d'un conseil de son choix après réception d'un avis de vérification ; que, d'une part, la consultation le 3 septembre 1987 du fichier des comptes bancaires prévu par l'article 164 FC de l'annexe IV au code général des impôts, ne constitue pas une démarche auprès d'un tiers ; que, d'autre part, si le requérant soutient que l'administration avait effectué le 18 mars 1988 des démarches auprès des autorités fiscales britannique et américaine, il résulte de l'instruction que cette date est celle à laquelle le service chargé du contrôle a demandé à l'administration centrale de mettre en oeuvre l'assistance internationale ; que cette demande ne constitue pas, non plus, une démarche auprès d'un tiers ;


    Considérant, en second lieu, qu'il n'est nullement établi que l'admi-nistration ait porté atteinte au droit de M. PERRODO de choisir librement son conseil ;
    Sur le moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article L.12 du livre des procédures fiscales :
    Considérant qu'aux termes de l'article L.12 du livre des procédures fiscales : 'Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification' ; qu'il résulte de l'instruction que l'examen de la situation fiscale personnelle de M. PERRODO au titre de l'année 1987 s'est achevé le 3 avril 1989, date de la notification de redressements qui lui a été adressée à la suite de ce contrôle, moins d'un an après la réception de l'avis de vérification intervenue le 20 avril 1988, qui marque le point de départ du délai d'un an susrappelé ; que si M. PERRODO entend soutenir que l'examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 1985 et 1986 aurait duré plus d'un an, le moyen est inopérant dès lors que seule l'année 1987 est en litige ; que, dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'examen aurait duré plus d'un an ni, en tout état de cause, qu'il aurait dû être averti de la prolongation de ce délai ;
    Sur le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire au cours du contrôle :


____Considérant qu'aux termes de l'article L.10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1988_: 'Avant l'enga-gement d'une des vérifications prévues aux articles L.12 et L.13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié_; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration'_; et qu'aux termes de cette charte_: 'En cas de vérification de comptabilité, le dialogue n'est pas formalisé. Il repose, pour l'essentiel, sur un débat oral et contradictoire entre le vérificateur et le contribuable vérifié qui se déroule sur le lieu du contrôle ... Dans le cadre de l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle, le dialogue oral joue également un rôle très important. Mais lorsque des points restent sans explication, une procédure écrite de demande d'éclaircissements ou de justifi-cations, définie de façon précise, est mise en oeuvre. Ce dialogue oral doit vous permettre de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose'_; qu'il résulte de ces dispositions qu'au cours d'un examen de situation fiscale personnelle, le vérificateur est tenu d'offrir au contribuable la possibilité d'engager avec lui un dialogue oral et contradictoire, notamment sur les discordances ressortant des documents, tels les comptes bancaires, dont dispose le service, avant l'envoi éventuel de demandes écrites d'éclaircissements ou de justifications_; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est entretenu oralement avec le mandataire du contribuable les 25 mai, 31 mai et 6 septembre 1988_; que ce dernier rendez-vous a eu lieu après la communication au service des comptes bancaires de l'intéressé_; que, dans ces conditions, M. PERRODO n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la possibilité d'engager un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
    Sur le moyen tiré du défaut de communication de renseignements ou informations obtenus de tiers :
    Considérant que si le requérant fait valoir qu'il n'a pas été tenu informé des démarches entreprises par le vérificateur auprès de tiers, et notamment des autorités fiscales britannique et américaine, et qu'il n'a pas reçu communication des rensei-gnements ou informations obtenus auprès de ceux-ci, il résulte de l'instruction que les redressements litigieux ne sont fondés sur aucun élément de cette nature ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
    Sur le moyen tiré de l'irrégularité de mises en demeure :
    Considérant que l'irrégularité dont seraient entachées les mises en demeure de déclarer les éléments de train de vie qui ont été adressées le 6 novembre 1987 au contribuable au titre des années 1985 et 1986 est, en tout état de cause, sans incidence sur l'imposition en litige, établie au titre de l'année 1987 ;
    En ce qui concerne la procédure de taxation d'office :
    Sur le moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article L.69 du livre des procédures fiscales :


____Considérant qu'aux termes de l'article L.16 A du livre des procédures fiscales_: 'Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite'_; et qu'aux termes de l'article L.69 du même livre_: ' ... sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclair-cissements ou de justifications ...'_; qu'en réponse à la lettre du 5 octobre 1988 par laquelle l'administration a demandé à M£ PERRODO de justifier l'origine et la nature de dépôts de chèques et de versements d'espèces sur ses comptes bancaires, qui n'était pas de nature à l'induire en erreur sur la nature des justifications à apporter, le contribuable a fait état, pour les premiers, de versements de jetons de présence et de dividendes et, pour les seconds, du remboursement d'un prêt consenti par un résident de Singapour et de cadeaux de son beau-père, résident de Hong Kong_; que le service l'ayant mis en demeure, le 16 janvier 1989, de compléter ses réponses sur ces diffé-rents points, M. PERRODO a fourni la traduction en français de certaines pièces qu'il avait déjà produites_; qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue de cette procédure, les réponses fournies par le contribuable demeuraient imprécises et invérifiables_; que, dans ces conditions, le service qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'avait pas demandé au contribuable de justifications sur des avoirs ou des revenus d'avoirs à l'étranger, était en droit de regarder ce dernier comme s'étant abstenu de répondre et d'établir l'imposition litigieuse par voie de taxation d'office ; que, ce faisant, l'admi-nistration n'a méconnu ni les stipulations de l'article 27 de la convention signée le 9 septembre 1974 entre la France et Singapour relative à l'échange d'informations en matière fiscale, ni l'étendue des compétences de la commission départementale des impôts appelée, le cas échéant, à donner un avis sur les justificatifs produits ;
    Sur le moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales :


    Considérant qu'aux termes de l'article L.76 du livre des procédures fiscales : 'Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L.69, à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L.59' ; qu'aucun texte n'oblige l'administration à informer le contribuable de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts lorsqu'elle lui notifie les bases d'une imposition d'office effectuée notamment en application de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, ni ne lui interdit d'offrir un délai de réponse non prévu par la loi ; que l'instruction du 15 avril 1988 référencée 13 L-6-88 prescrivant l'indication de la faculté de saisine de la commission est inopposable à l'administration dès lors qu'elle concerne la procédure d'imposition ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration l'aurait induit en erreur sur l'étendue de ses droits, en omettant de lui indiquer la faculté de saisir la commission sur le document en date du 3 avril 1989 par lequel elle lui notifiait les bases d'imposition et en lui offrant un délai de réponse de trente jours ;
    Sur le moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article L.48 du livre des procédures fiscales :
    Considérant qu'aux termes de l'article L.48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : 'Lorsque des redressements sont envisagés à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ... l'administration doit indiquer aux contribuables qui en font la demande les conséquences de leur acceptation éventuelle sur l'ensemble des droits ou taxes dont ils sont ou pourraient devenir débiteurs' ; que si M. PERRODO soutient qu'il n'aurait pas reçu la lettre du 5 mai 1989 l'informant des conséquences des redressements, le moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté dès lors que les dispositions précitées ne sont pas applicables en cas de taxation d'office ;
    Sur le moyen tiré d'une méconnaissance du mandat confié au conseil du contribuable :
    Considérant que la circonstance que la lettre du 5 mai 1989, d'ailleurs non obligatoire ainsi qu'il vient d'être dit, et celle du 16 juin 1989 portant motivation des pénalités n'ont pas été adressées au mandataire que M. PERRODO avait désigné pour suivre la procédure est sans incidence sur la régularité de celle-ci dès lors qu'il résulte de l'instruction que ces courriers ont été effectivement reçus par le contribuable lui-même ;
    Sur le bien-fondé de l'imposition :
    Considérant que M. PERRODO, régulièrement taxé d'office, supporte la charge de la preuve de l'exagération de l'imposition litigieuse, en application des dispositions de l'article L.193 du livre des procédures fiscales ;


    Considérant, en premier lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, les lettres de la société Techfor, dirigée par M. PERRODO, en date du 28 janvier et du 12 février 1988, faisant état, respectivement, de versements en 1987 de jetons de présence pour 16.800 F et de dividendes pour 387 F ne suffisent pas à établir l'origine des chèques de 9.140 F, 39.000 F, 9.600 F et 19.584 F portés au crédit du compte bancaire de l'intéressé ;
    Considérant, en deuxième lieu, que les lettres de M. PERRODO à M. David Ho, en date du 15 décembre 1979, et de ce dernier au contribuable, en date du 12 novembre 1984 et du 13 février 1987, ne sont pas de nature à établir que les deux versements d'espèces de 200.000 F effectués les 10 et 24 mars 1987 correspondent au remboursement, à hauteur de 70.000 dollars, d'un prêt de 250.000 dollars accordé par M. PERRODO à M. Ho ;
    Considérant, en troisième lieu, que l'origine des versements d'espèces de 199.500 F, 200.000 F et 250.000 F intervenus respectivement les 9 juin, 19 juin et 9 juillet 1987 n'est pas établie par les lettres de M. Jun Ming, père de Mme Perrodo, lui annonçant l'envoi à titre de cadeaux de 400.000 F et de 250.000 F ;
    Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué :
    Considérant que la requête de première instance n'était pas abusive ; que c'est, dès lors, à tort que les premiers juges ont condamné le requérant au versement d'une amende de 5.000 F pour requête abusive sur le fondement de l'article R.88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. PERRODO devant le tribunal administratif de Paris doit être rejetée ; que le requérant est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris lui a infligé une amende pour requête abusive ;


Article 1er : Le jugement n 9100427/1 en date du 30 juin 1994 du tribunal admi-nistratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. PERRODO devant le tribunal administratif de Paris tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987 est rejetée.

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