Avis portant sur le projet de loi pour la sécurité intérieure
(Adopté le 14 novembre 2002)
(La Commission Nationale Consultative des Droits de l'homme (CNCDH) a procédé d'office à un examen du projet de loi pour la sécurité intérieure et regrette de n'avoir pas été en mesure, faute de saisine officielle, d'émettre un avis avant l'ouverture des travaux parlementaires.
La sécurité des personnes et des biens, qui correspond à un objectif de valeur constitutionnelle (notamment Conseil Constitutionnel, décision du 18 janvier 1995) et constitue un droit fondamental, condition de l'exercice des libertés et de la réduction des inégalités, est un devoir pour l'Etat comme l'a expressément affirmé le législateur (loi du 15 novembre 2001). Ce devoir est d'autant plus impératif que l'ensemble des citoyens est de plus en plus attentif au sort réservé aux victimes et que la sécurité des personnes est de plus en plus invoquée par ceux qui sont en charge de l'assurer sur le terrain : sapeurs pompiers, policiers, gendarmes, transporteurs de fonds, agents de surveillance municipaux ou privés.
Mais la CNCDH rappelle que la sécurité ne s'oppose pas aux libertés, notamment le respect de la dignité humaine, la liberté d'aller et venir, les droits de la défense, sans lesquelles il n'est pas de véritable sécurité.
C'est au regard de cette double exigence que la CNCDH se prononce.
A titre préliminaire, la CNCDH formule une observation de fond :
L'inflation des règles encadrant l'exercice des libertés publiques et parfois même la vie privée des individus suscite l'inquiétude de notre société démocratique (question analysée par le Conseil d'Etat dans son rapport de 1991).
L'action à mener contre l'insécurité ne légitime pas certaines mesures de répression d'ordre moral.
Les sanctions prévues par le projet de loi s'ajoutent parfois à des dispositions préexistantes.
Les nouvelles dispositions de la loi risquent d'accroître inutilement les contrôles sur le plus grand nombre, sans faire progresser pour autant la sécurité, et sans, à tout le moins, donner aux individus les garanties qui leur sont dues. Tout est d'abord une question de volonté politique traduite par la mise en place de moyens matériels.
Mais, la CNCDH entend exprimer ses préoccupations et ses remarques sur des points particuliers dans trois domaines visés par le texte, en n'omettant pas la nécessité de répondre à un besoin collectif de sécurité.
- Les nouvelles incriminations pénales et les causes d'intervention (I)
- Les moyens mis en uvre (II)
- Exercice des pouvoirs conférés par la loi (III)
La CNCDH considère comme un progrès les dispositions du titre II qui renforcent la réglementation sur les armes, et du titre IV qui visent à encadrer les activités de sécurité privée.
I. Les nouvelles incriminations pénales et causes d'intervention
A. Incriminations pénales
La CNCDH exprime sa préoccupation au regard d'un certain nombre de nouvelles incriminations pénales.
Elle note que les dispositions visant au renforcement des moyens de répression des organisateurs de réseaux de prostitution et le proxénitisme en général apportent une réponse satisfaisante et de nature à atteindre la finalité souhaitée.
La CNCDH ne méconnaît pas la nécessité de lutter contre les réseaux mafieux souvent internationaux dont les premières victimes sont les personnes qui y sont soumises. La Commission souhaite mettre l'accent sur les actions de prévention notamment en offrant prestations et secours aux personnes se trouvant dans une situation de détresse. On ne protège pas les victimes en les mettant en prison.
Mais souligne que la prostitution qui représente une atteinte grave à la dignité humaine doit faire l'objet d'une réflexion particulièrement approfondie de la part de la société française, à laquelle la CNCDH se propose de participer. Elle considère qu'en l'état, les sanctions pénales proposées concernant les seul(e)s prostitué(e)s ne peuvent être admises.
Trois remarques doivent aussi être faites :
- Si la condamnation pénale des prostitué(e)s devait avoir pour effet leur reconduite à la frontière, cela aboutirait à les mettre autant, sinon plus, sous l'emprise de la criminalité organisée.
Il est regrettable que l'Office de la Répression de la Traite des Etres Humains, faute de moyens suffisants donnés à ce service, ne puisse exercer pleinement sa mission.
La Commission s'émeut d'autre part du sort réservé aux prostitué(e)s d'origine étrangère, victimes de réseaux organisés et violents : la remise d'un titre de séjour provisoire est liée à un témoignage ou à un dépôt de plainte alors que ce titre, limité à la durée de la procédure judiciaire, aura pour effet d'exposer le bénéficiaire ainsi que sa famille, à de graves mesures de rétorsion, voire de violences sans qu'il y ait même en contrepartie la possibilité pour elle d'avoir l'espoir de s'extraire de la prostitution et de s'insérer.
- La deuxième remarque tient à la définition trop large de l'infraction qui risque de permettre une atteinte policière à la liberté d'aller et venir, compte tenu de ce que " la tentative " est punissable. Est ainsi créée une incrimination qui ne correspond pas au fondement même du droit pénal.
- Enfin il faut rappeler que l'application des dispositions de l'article R 625-8 du Code pénal suffisent si des moyens nécessaires sont mis en uvre.
* La création d'un nouveau délit relatif à la mendicité " agressive " parait trop vague. Il demande à être précisé afin d'être compatible avec le principe de légalité. Une disposition du Code Pénal réprime l'extorsion de fonds sous menace ou avec violence et la jurisprudence a toujours considéré l'usage d'animaux dangereux comme des armes et des violences (article 312-1 du Code Pénal).
La CNCDH constate que le projet de loi crée un déséquilibre au regard des dispositions du Chapitre V du Code pénal : mineurs, prostituées et mendiants étaient protégés contre ceux qui les exploitent, et désormais pour la mendicité, le projet établit des infractions consistant en une exploitation (article 22) ; pour la prostitution (article 18), il réprime non seulement l'exploitation en application du nouvel article 225-12-1 nouveau du Code Pénal mais le fait même de racolage (article 225-10-1) visant donc la prostituée elle-même.
* La CNCDH exprime sa préoccupation sur la création du délit d'entrave portée, de " manière délibérée, à l'accès et à la libre circulation des personnes " (...) " lorsque les faits sont commis en réunion dans les entrées, cages d'escalier ou autres parties communes d'immeuble ", alors qu'il n'y a pas nécessairement voie de fait ou menaces.
La peine (deux mois de prison, 3.750 euros d'amende) n'est pas proportionnée aux faits incriminés. Ce délit concerne essentiellement la réunion de mineurs et de jeunes au pied d'un immeuble qui ne peut être considérée comme nuisible en elle-même.
La présence effective des forces de l'ordre susceptibles de constater éventuellement une contravention est suffisante. Il s'agit d'une question relevant de la mise en place de moyens d'information et d'application des textes, sans nécessaires modifications du droit existant.
* S'agissant du délit constitué par l'installation en réunion en vue d'établir une habitation sur un terrain appartenant, soit à une Commune, soit à tout autre propriétaire, sans autorisation :
- La CNCDH observe tout d'abord que cette disposition qui vise quasi exclusivement les gens du voyage, les pénalise tout particulièrement dans la mesure où la sanction (de six mois d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende) peut être assortie en outre d'une confiscation du véhicule, c'est à dire de leur lieu d'habitation ou de retrait du permis de conduire le véhicule qui peut permettre de tracter leur habitation.
- La Commission a pris note de ce que le délit ne serait constitué que pour le cas où la Commune, lorsqu'elle y est tenue, ne se serait pas conformée aux obligations légales en matière de terrain d'accueil.
Il faut rappeler que face à cette rigueur le non-respect des obligations légales par les communes n'est susceptible d'aucune sanction. Il faut noter que les communes sans aires de stationnement spécifiques sont nombreuses, ce qui semble souvent à l'origine d'occupations indues de propriétés publiques ou privées.
La CNCDH rappelle également que les procédures d'urgence en matière civile permettent parfaitement d'ordonner l'expulsion, en cas d'occupation illégale, dans des délais extrêmement brefs. La réponse réside ici essentiellement dans la volonté des autorités administratives d'exécuter des décisions de justice.
Il apparaît dès lors à la CNCDH que la création de cette nouvelle incrimination et les sanctions prévues seraient inopérantes et préoccupantes.
La CNCDH rappelle s'être déjà exprimée sur la situation des victimes de la pauvreté et de l'exclusion qui doivent faire l'objet d'une attention particulière et de protections spécifiques. (cf. loi relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion de juillet 1998).
B. Causes d'intervention et de sanction
Il s'agit tant des dispositions relatives aux investigations judiciaires (article 4, 6, 15, 28, de la loi) que de la modification de dispositions déjà existantes (article 5).
La CNCDH entend affirmer son attachement à un système pénal cohérent, où l'incrimination pénale déterminée et précise est une garantie contre l'arbitraire et en relation cohérente avec le principe de la présomption d'innocence.
A cet égard, les modifications apportées par les articles 4, 6 et 15 concernant les contrôles d'identité (l'article 78-2 du CCP), la visite des véhicules ou les empreintes génétiques, visent les personnes à l'égard desquelles il devrait y avoir, à tout le moins, un " indice faisant présumer... ".
Le texte nouveau (présenté comme une mise en cohérence avec les dispositions du Code de procédure pénale et avec la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme), met en cause les personnes à l'encontre desquelles il existe " une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner... ".
La CNCDH avait déjà rejeté cette modification lors de l'examen de la loi du 4 mars 2002. La " raison plausible " est une notion floue susceptible d'entraîner, au-delà même du contrôle d'identité (article 78-2 du CCP) ou de la visite des véhicules (article 78-2-3 du CCP), la conservation sur un fichier, des empreintes génétiques enregistrées concernant des personnes ayant fait l'objet d'investigations judiciaires par les officiers de police (article 15 706-54 du CCP).
* La CNCDH considère comme contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, les dispositions de l'article 28 concernant la situation des étrangers et le retrait de carte de séjour ou de visa. Ce retrait, dans le cas ou l'étranger aurait commis des " faits justiciables de poursuite pénale ", appréciés par la seule autorité administrative et en dehors de toute appréciation par l'autorité judiciaire, n'est pas admissible.
* La CNCDH rappelle son avis du 29 octobre 2001 sur les dispositions législatives proposées par le Gouvernement en vue de renforcer la lutte contre le terrorisme et concernant plus spécialement les contrôles et visites des véhicules, circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans les lieux accessibles au public.
Elle avait exprimé ses réserves concernant le champ d'application de ces procédures dérogatoires au droit commun qui devaient être strictement circonscrites à la lutte contre le terrorisme.
La CNCDH s'était déjà inquiétée de ce que ces procédures exceptionnelles ne constituaient pas une cause de nullité des procédures incidentes.
Elle relève que les réquisitions du Procureur de la République n'ont toujours pas à être motivées alors qu'elle l'avait expressément souhaité dans son précédent avis.
La CNCDH avait expressément demandé la limitation dans le temps de ces mesures, afin qu'elles soient reconsidérées au 31 décembre 2002 ; elle regrette la prolongation du délai prévue par le projet de loi.
Elle réitère son opposition à ce que la perquisition du véhicule puisse avoir lieu en dehors de tout témoin dès lors qu'il y aurait un risque pour une personne d'y assister.
La CNCDH réaffirme donc la totalité des réserves qu'elle avait exprimées à l'occasion du projet de loi pour la sécurité intérieure (article 5) alors que le projet ajoute les infractions de vol et de recel à l'énumération des cas de visite des véhicules.
Il s'agit, en effet, d'une généralisation du pouvoir de contrôle de police qui pourrait constituer une atteinte à la liberté d'aller et venir.
* Ainsi, ces nouvelles dispositions n'apparaissent ni souhaitables ni proportionnées à l'objectif recherché. Les perquisitions par les forces de l'Ordre, au motif " qu'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçons existantes contre un conducteur ou un passager en cas de tentative de crime ou délit flagrant " confère un réel pouvoir d'arrêter en réalité tout véhicule.
Ce texte doit être rapproché du nouvel article 78-2-4 du Code de procédure pénale qui prévoit que " pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens ", un conducteur devra soit accepter la fouille de son véhicule, soit attendre une demi-heure sur place que le Procureur de la République donne l'autorisation de fouiller.
Le droit reconnu dans le texte au conducteur ou au propriétaire du véhicule présent, de solliciter un procès-verbal mentionnant les seuls actes matériels, paraît difficile à mettre en uvre et sans possibilité de voir constater d'éventuels abus.
La rédaction d'un procès-verbal déterminant l'heure d'immobilisation du véhicule et les raisons explicitant les motifs pour lesquels la visite est sollicitée, permet de respecter des principes fondamentaux tels que les droits de la défense.
II. Les moyens mis en uvre
Il s'agit des moyens automatisés d'informations (chapitre III) et des dispositions relatives aux moyens de polices techniques et scientifiques (chapitre IV).
A. Moyens automatisés
* La CNCDH s'interroge sur la portée des dispositions concernant le traitement automatisé d'informations, les personnes auxquelles il s'applique et généralement la constitution et des conditions de sorties des fichiers. S'ajoutent des préoccupations résultant des personnes qui y ont accès (traités au point III du présent avis).
La Commission constate d'abord le déséquilibre qui résulte de la définition dans le projet de loi des conditions d'entrée dans les fichiers et le renvoi à un décret des conditions dans lesquelles une information nominative en est retirée. S'agissant de la protection des libertés publiques et individuelles, il apparaît nécessaire que la loi traite de l'ensemble du sujet.
La Commission constate qu'il n'y a aucun contrôle judiciaire au niveau de l'information elle-même et de la mise en uvre du traitement automatisé, même si le traitement des informations est opéré sous le contrôle du Procureur de la République qui peut demander leur rectification ou leur effacement.
La CNCDH demande que la loi soumette au contrôle du Juge, en conformité avec l'article 66 de la Constitution et plus particulièrement du Juge des libertés et de la détention, l'autorisation d'inscription des données fournissant des informations, sans limitation d'âge, sur les personnes à l'encontre desquelles sont réunis, lors de l'enquête préliminaire, de l'enquête de flagrance ou sur commission rogatoire, des indices ou des éléments graves et concordants, attestant ou faisant présumer leur participation à la commission des faits, objets de l'enquête.
Compte tenu de l'importance de ce fichier et de son accès, un contrôle judiciaire constitue une garantie fondamentale.
De la même façon, le Juge des libertés et de la détention devra autoriser toute modification des informations enregistrées.
* La CNCDH s'étonne que n'aient été retenus, comme cause d'effacement dans le fichier que les cas de relaxe ou d'acquittement.
Il serait paradoxal qu'une affaire ayant fait l'objet de réquisition du Parquet devant le Tribunal, n'ayant pas entraîné de condamnation, soit traitée différemment de celle qui n'a pas permis un renvoi devant le tribunal. Elle aurait donc, en quelque sorte, bénéficié au présumé innocent sans qu'il ait à se défendre pour obtenir une relaxe ou un acquittement.
La loi doit donc viser la décision de non-lieu ou de classement parmi les cas de retrait automatique du fichier.
De la même façon, pour les mineurs, la loi doit fixer l'effacement de plein droit à leur majorité. Il faut rappeler sur ce point, que le casier judiciaire est suffisant pour informer les Parquets et que le traitement automatisé des informations doit être limité à une durée raisonnable, qui devrait être celle de la procédure judiciaire.
La CNCDH constate que la constitution du traitement automatisé sans limitation d'âge a pour effet de remettre en cause l'ordonnance de 1945 concernant les mineurs tant en ce qu'elle créé un véritable casier judiciaire qu'en ce qu'elle va à l'encontre de la volonté affirmée d'intégration des jeunes d'origine étrangère dans la communauté nationale (article 13).
Eu égard à la gravité de ces dispositions en matière de libertés publiques, la CNCDH approuve la disposition de la loi prévoyant un décret pris après avis de la CNIL, et sur avis conforme du Conseil d'Etat, fixant les modalités d'application. Elle souligne qu'il est nécessaire que la loi sur l'informatique et les libertés soit expressément rappelée dans ce texte, et qu'elle s'applique à tous les fichiers dont elle autorise l'application.
B. Le fichier des empreintes génétiques
* La CNCDH considère que le principe d'intégrité, de même que le droit au silence et la garantie des droits de la défense justifient que la personne, même susceptible des nouvelles incriminations visées, ait le droit de refuser de se soumettre à des prélèvements.
Le texte dont le champ d'application a été élargi (article 15-706-55 du CPP) pour avoir recours aux traces et empreintes génétiques, prévoit une échelle de peine selon l'infraction en cause et des condamnations pénales en cas de refus de se soumettre à un prélèvement biologique, avec une aggravation (deux ans d'emprisonnement, 30.000 euros d'amende) lorsqu'il s'agit d'une personne condamnée pour crime. Cette peine se cumule sans possibilité de confusion avec les peines éventuellement prononcées pour l'infraction ayant fait l'objet de la procédure.
Indépendamment de l'énumération des infractions, ce traitement est réservé aux personnes pour lesquelles il existe " une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner... ", il ne s'agit pas d'" indices ".
En outre, des personnes " concernées par la procédure ", sans même être soupçonnées y sont soumises. Ainsi, un simple témoin d'un crime doit s'y soumettre sous contrainte d'une sanction pénale (article 16 (55-1)).
* Les conditions d'effacement des empreintes sont soumises à l'appréciation du Juge des libertés et de la détention si le Procureur n'a pas réservé une suite favorable à la demande qui lui a été faite par l'intéressé (article 15-78-2-2).
Or, le critère d'effacement vise le cas où " la conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de " la finalité du fichier ". L'absence de précision sur la finalité du fichier ne donne aucune garantie à la personne concernée.
En effet, la loi réserve les condamnations pénales aux refus de prélèvements biologiques pour certaines infractions :
- Les infractions de nature sexuelle.
- Les crimes contre l'Humanité et les crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie des personnes, de tortures, actes de barbarie, violences volontaires, menaces d'atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d'atteintes aux libertés de la personne et de proxénétisme.
- Les crimes et les délits de vols, extorsions, de destructions, dégradations et détériorations de menaces d'atteinte aux biens prévus par les articles 311-1..., etc.
Si la finalité concernant les infractions de nature sexuelle apparaît clairement, il n'en est pas de même pour les délits de vol par exemple, pouvant en la matière porter gravement atteinte à la présomption d'innocence.
La CNCDH observe enfin que si le fichier des empreintes génétiques peut aider considérablement à la recherche des criminels sexuels, en particulier lorsque les enfants sont victimes, le texte dans son ensemble présente néanmoins un risque certain. Il devrait être limité aux personnes mises en examen et condamnées.
III. Exercice des pouvoirs de contrôle et d'incrimination
La CNCDH constate que la pluralité des forces de l'ordre est de nature à garantir les libertés publiques.
Toutefois, une clarification du texte serait opportune en ce qui concerne les pouvoirs des Préfets au regard des activités administratives de la police nationale.
La Direction départementale du Travail, dont l'indépendance est garantie par la Convention 81 de l'OIT, ratifiée par la France, a, du fait de la loi (article L.611-1 du Code du Travail) et du Décret du 10 mai 1982, une autonomie. Ses actions d'inspection de l'application de la législation du travail, ne relèvent pas de la compétence du Préfet. Il est demandé une clarification de l'alinéa 4 de l'article 1er du projet de loi.
* Il a été expressément demandé que soit supprimé à l'article 9 (alinéa 5), la mention de " police de sécurité " concernant les informations qui peuvent être communiquées dans le cadre des missions " de police administrative ou de sécurité ", le terme étant impropre.
* S'agissant de l'accès au fichier, la CNIL a précisé que le système de traitement des infractions constatées est à la disposition des Officiers de Police Judiciaire habilités, ce qui concernerait environ 40.000 personnes.
Si le projet de loi est adopté en l'état, environ 400.000 personnes seraient aptes à solliciter l'accès à cette base de données.
La CNIL a rappelé, tout comme la CNCDH, les graves dangers d'atteinte aux libertés individuelles et au respect des droits des personnes résultant de l'utilisation des fichiers de police judiciaire pour les enquêtes et autres tâches administratives. A cet égard, l'utilisation notamment à l'occasion d'embauche est très préoccupante, sous réserve toutefois des embauches dans des emplois liés à la défense et à la sécurité.
Il y a donc lieu de limiter les catégories de personnes dépositaires du pouvoir de consultation des fichiers aux seules autorités de police et de justice.
* La CNCDH insiste sur le contrôle des garanties équivalentes lors de la transmission à des organismes de coopération internationale des données personnelles (article 12). Elle souhaite que cette comparaison tienne compte du présent avis pour déterminer les protections du droit interne.
* Concernant les mineurs et les jeunes, la CNCDH exprime sa préoccupation résultant de la multiplication possible des contrôles d'identité (notamment celle des mineurs présents dans les véhicules). Des sentiments de révoltes pour des contrôles systématiques ou des interventions multiples (voir notamment les agents des sociétés privées, article 29) pourraient naître chez certaines jeunes se considérant comme spécialement visés.
* La CNCDH approuve l'existence d'un statut pour les entreprises de sécurité privée mais émet des réserves sur l'absence d'obligations concernant la qualification, la formation et la clause de conscience, ainsi que sur diverses dispositions concernant le droit du travail.