TA Cergy-Pontoise, du 30-07-2024, n° 2114762
A34185U7
Référence
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 15 novembre 2021 et 6 septembre 2022, Mme B A, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 par lequel le directeur de l'hôpital Louis-Mourier l'a suspendue de ses fonctions sans traitement à compter de cette même date ;
2°) d'enjoindre à l'hôpital Louis-Mourier de rétablir sa rémunération à compter du 15 septembre 2021 et, à défaut, de la réintégrer sur son poste et de rétablir le versement de son traitement à compter du 1er septembre 2022.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en l'absence d'information préalable sur la possibilité de prendre des congés payés et sur les moyens de régulariser sa situation, il ne lui a pas été proposé de poser des congés ou de télétravailler en méconnaissance de la circulaire du 10 août 2021 ;
- son employeur a refusé de lui permettre de travailler en présentant un test PCR négatif de moins de 72 heures ;
- cette situation est injuste alors qu'elle travaille depuis 1999 au sein de l'AP-HP ; elle a toujours été exemplaire, elle a trois enfants ;
- il doit être mis fin à son préjudice moral et matériel en la réintégrant sur son poste ;
- elle doit être réintégrée à compter du 1er septembre 2022.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2024, le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2024 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 30 juillet 2022🏛 mettant fin aux régimes d'exception créés pour lutter contre l'épidémie liée à la covid-19 ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986🏛 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021🏛 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le décret n°2021-1059 du 7 août 2021🏛 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Colin, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chabrol, rapporteure publique.
1. Mme A a été recrutée en qualité d'adjointe administrative titulaire par l'hôpital Louis-Mourier du groupe hospitalo-universitaire AP-HP. Par un arrêté du 15 septembre 2021, le directeur des ressources humaines de l'hôpital Louis-Mourier l'a suspendue de ses fonctions à compter du 15 septembre 2021 au motif qu'elle n'avait pas présenté l'un des documents prévus par les articles 12 à 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021🏛🏛 instaurant pour certains agents publics des secteurs sanitaire et médico-social une obligation vaccinale à l'encontre de la Covid-19. Par la présente requête, elle demande l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. [0]Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 susvisée, relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique🏛 () ". Aux termes de l'article 13 de cette même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent :
/ 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12 ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " B. - À compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du
15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / () / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. À défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'hôpital Louis-Mourier relève des établissements dont les personnels sont soumis à l'obligation vaccinale prévue par les dispositions de l'article 12 de la loi du 5 août 2021. D'autre part, l'obligation vaccinale s'impose selon les cas prévus par cette même loi à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé, que cette personne ait ou non des activités de soins et soit ou non en contact avec des personnes fragiles ou des professionnels de santé. Mme A, adjointe administrative, est ainsi soumise à ces dispositions.
4. D'autre part, il ressort des dispositions précitées du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 que l'employeur, qui constate que l'agent ne peut plus exercer son activité en application du I du même article, informe celui-ci sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi, ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Cette information, qui doit intervenir à compter du constat d'impossibilité d'exercer de l'agent, est nécessairement personnelle et préalable à l'édiction de la mesure de suspension. Toutefois, cette procédure d'information préalable n'impose nullement une obligation pour l'employeur de tenir un entretien. Par ailleurs, il ressort des dispositions précitées qu'eu égard aux objectifs poursuivis par le législateur et aux obligations qui pèsent sur les établissements de santé en matière de protection des personnes vulnérables, les moyens de régulariser sa situation ne peuvent que concerner les modalités par lesquelles les personnes qui y exercent leur activité s'engagent dans un processus de vaccination. La faculté qui est offerte à l'agent d'utiliser des jours de congés payés, sous réserve de l'accord de son employeur, n'a que pour objet de permettre à l'agent de différer la date d'effet de la mesure de suspension découlant de l'impossibilité dans laquelle il s'est placé d'exercer ses fonctions, mais n'est pas une modalité de régularisation de la situation de l'agent au regard de son obligation vaccinale.
5. En premier lieu, en tant qu'agent de la fonction publique hospitalière, Mme A ne saurait utilement se prévaloir des prescriptions de la circulaire du 10 août 2021 portant sur les mesures issues de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire applicables aux agents publics de l'Etat.
6. En second lieu, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 3 du présent jugement, l'obligation vaccinale s'impose à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, quel que soit l'emplacement des locaux en question et que cette personne ait ou non des activités de soins et soit ou non en contact avec des patients ou des professionnels de santé et également quelle que soient les modalités selon lesquelles elle exerce son activité, fût-ce en télétravail, sa quotité de travail, son service d'affectation et les éventuelles décharges dont elle peut bénéficier, aucune autre affectation au sein de l'hôpital n'aurait permis à la requérante de s'exonérer de son obligation vaccinale. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que son employeur devait lui permettre d'exercer ses fonctions en télétravail ou lui proposer une autre affectation au sein de l'hôpital compatible avec son état vaccinal.
7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction d'une part, que les courriels adressés par l'AP-HP à l'ensemble du personnel les 22 juillet, 30 juillet, 6 août et 13 août 2021, le flyer du 9 août 2021, le courriel du 26 août 2021, le flyer joint au bulletin de salaire du mois d'août 2021, et les courriels des 2 et 9 septembre 2021 comportaient les informations requises par les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021. Mme A a ainsi été suffisamment informée des conséquences qu'emportait cette interdiction d'exercer sur son emploi et sa rémunération ainsi que des moyens de régulariser sa situation. D'autre part, Mme A a été reçue en entretien le 14 septembre 2021 par la référente des ressources humaines de l'hôpital pour lui signifier la décision de suspension de ses fonctions au motif qu'elle ne remplissait plus les conditions nécessaires à l'exercice de son activité, faute de satisfaire à l'obligation vaccinale contre le virus de la covid-19 et qu'il lui a été remis le document " obligation de la vaccination des professionnels -PASS sanitaire " indiquant les moyens de régulariser sa situation. À supposer même que la possibilité de poser des congés ne lui ait pas été proposée et alors que la faculté de télétravailler n'était pas obligatoire, Mme A, qui ne soutient ni même n'allègue qu'elle avait la volonté de s'engager dans un processus de vaccination, n'est pas fondée à soutenir que la procédure a été irrégulièrement menée en méconnaissance des dispositions citées au point 2. Au demeurant en l'absence d'une première dose de vaccin, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la possibilité de travailler en présentant un test PCR de moins de 72 heures.
8. Il résulte de ce qui précède, que la requête de Mme A doit être rejetée.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A ayant été rejetées, le présent jugement n'implique aucune mesure d'exécution. Il s'ensuit que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées. Au surplus, l'obligation de vaccination contre la covid-19 des professionnels et étudiants prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 susvisée a été suspendue par l'article 1er du décret n°2023-368 du 13 mai 2023🏛.
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Le Griel, présidente ;
Mme Colin, première conseillère ;
M. Jacquelin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juillet 2024.
La rapporteure,
signé
C. Colin
La présidente,
signé
H. Le Griel
La greffière,
signé
H. Mofid
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour ampliation, la greffière.
N°211476
Loi, 83-634, 13-07-1983 Article, L6111-1, C. santé publ. Loi, 86-33, 09-01-1986 Loi, 2021-1040, 05-08-2021 Décret, 2021-1059, 07-08-2021 Loi, 30-07-2022 Directeur Absence d'information Préjudice moral Préjudice matériel Directeur général de l'assistance publique Secteur sanitaire Obligations vaccinales Contre-indication médicale Établissement par une personne Durée de validité Jour de congé Contrat de travail Paiement d'une rémunération Période de travail Protection sociale complémentaire Professionnel de la santé Suspension Procédure d'information Entretien Fonction publique hospitalière Ressource humaine Mesure d'exécution