Jurisprudence : CA Paris, 16e ch., B, 20-09-2002, n° 2001/14534



COUR D'APPEL DE PARIS
16ème chambre, section B
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2002
(N° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 2001/14534 Pas de jonction
Décision dont appel Jugement rendu le 20/03/2001 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 18ème Chambre 1ère Section
RG n° 1999/10472 Date ordonnance de clôture 19 Juin 2002 Nature de la décision CONTRADICTOIRE Décision CONFIRMATION

APPELANTE
S.A.R.L. IMPRIMERIE DE CHABROL
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège PARIS
représentée par la SCP NARRAT-PEYTAVI, avoué
assistée de Maître ... ..., Toque D1892, Avocat au Barreau de
PARIS
INTIMÉE
S.C.I. DASLE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège PARIS
représentée par la SCP HARDOUIN, avoué
assistée de Maître ... ..., Toque R80, Avocat au Barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré
PRÉSIDENT S. GARBAN
CONSEILLER C. LE BAIL
CONSEILLER M. PROVOST-LOPIN
DÉBATS
A l'audience publique du 21 juin 2002
GREFFIER
Lors des débats et du prononcé de l'arrêt
M.F. MEGNIEN
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé publiquement, par S. GARBAN, Président, laquelle a signé la minute avec M.F. MEGNIEN, Greffier.
*****************

Le 6 juillet 1998, la SCI Dasle a loué à la société Imprimerie de Chabrol des locaux situés à Paris , 69 rue Petit pour une durée irrévocable de 9 années à compter du 15 juillet 1998 moyennant "un loyer annuel en principal de 600.000 francs exceptionnellement ramené à 460.000 francs les quatre premières années savoir
1) du 15 juillet 1998 au 14 juillet 1999. loyer en principal annuel de 460.000 francs 2) du 15 juillet 1999 au 14 juillet 2000. loyer en principal annuel de 460.000 francs
3) du 15 juillet 2000 au 14 juillet 2001 . loyer en principal annuel de 460.000 francs
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4) du 15 juillet 2001 au 14 juillet 2002. loyer en principal annuel de 460.000 francs à compter de la cinquième année, soit le 15 juillet 2002, le loyer passera à 600.000 francs augmenté de la révision annuelle du 15 juillet 2001".
Les lieux loués étaient contractuellement désignés comme suit "dans le bâtiment A
1) au rez-de-chaussée sur rue, une salle d'attente, un local à usage de toilette, un entrepôt avec atelier, réserve, bloc sanitaires, cage d'escalier vers étage, 2) au 1er étage, deux bureaux de direction, deux toilettes homme-femmes, locaux-ateliers, local exposition, au fond plusieurs ateliers,
3) au 2ème étage, local à usage d'habitation, 4 pièces, salle d'eau, chaudière mixte Hydromotrix, 4) au sous-sol, caves et chaufferie représentant les lots 1, 15, 16, 17, 18 du règlement de copropriété La superficie représente environ 1.300 m2".
Aux termes du bail, la société preneuse est autorisée à exercer dans les lieux loués l'activité suivante "imprimerie, papeterie, gravure, photogravure et façonnage et toutes activités complémentaires se rapportant de près ou de loin à l'activité principale.
Edition, publicité, marketing, création d'événement, multimédia, communication" .
Aux termes d'une clause particulière du bail, la SCI Dasle s'est engagée "à participer à certains travaux pour un montant arrêté de 150.000 francs HT étant entendu que ces travaux feront l'objet d'une facturation à part, au nom du bailleur ou de son gérant, telle que définie dans le descriptif que lui remettra le bailleur" et la société locataire s'est obligée " à faire réaliser les travaux dans les six mois à compter de la prise d'effet du bail" étant convenu entre les parties que " à l'issue, un rendez-vous sera fixé avec le bailleur pour établissement d'un état des lieux et réception des travaux le 31 décembre 1998 au plus tard" .
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Le 15 décembre 1998, la société de Chabrol, relevant qu' "en l'absence d'issue de secours, de désenfumage et de désamiantage, les locaux ne peuvent être utilisés pour leur usage contractuel" a fait sommation à la société bailleresse d'avoir à effectuer les travaux dans les locaux pour les mettre en conformité avec la destination contractuelle et ce au plus tard le 15 janvier 1999 et lui a fait remettre les clés des locaux lui déclarant " qu'à défaut de satisfaire à la présente sommation, elle entendait l'y contraindre par tout moyen mis à sa disposition par la loi et notamment par l'annulation judiciaire du bail".
Le 31 décembre 1998, la SCI Dasle a fait opposition à cet acte sommant la société locataire de lui indiquer " à quel titre lui ont été remises les clés".
Par courrier du 10 février 1999, la société Imprimerie de Chabrol, estimant que la bailleresse avait failli à son obligation de délivrance, a sollicité la restitution du dépôt de garantie, fait toute réserve sur l'indemnisation de son préjudice. Elle indiquait par ailleurs confirmer que la SCI Dasle pouvait conserver les clés qui lui avaient été restituées et commencé à chercher un nouveau locataire.
Le 11 février 1999, la société bailleresse a fait délivrer à la société preneuse un commandement d'avoir à payer la somme en principal de 141.890 francs au titre du terme de janvier 1999.
Se plaignant de graves problèmes d'humidité l'empêchant de mettre en oeuvre les travaux d'aménagement qu'elle avait prévus et estimant que la bailleresse ne lui avait pas livré des locaux conformes en matière de sécurité incendie, la société Imprimerie de Chabrol l'a fait assigner le 26 mai 1999 en annulation du bail et subsidiairement en acquisition de la clause résolutoire.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 septembre 2000 devant le tribunal, la société Imprimerie de Chabrol a conclu à la résolution du bail à titre principal pour défaut de conformité de la chose louée avec sa destination contractuelle et à titre subsidiaire en application de la clause résolutoire de plein droit mentionnée dans l'annexe du bail.
Entre temps, le 18 mai 1999, la SCI Dasle a fait assigner la société locataire en résiliation judiciaire du bail aux torts de la société locataire au visa de l'article 1728 du Code civil et en paiement d'une somme de

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1.800.000 francs à titre de dommages et intérêts du chef de la perte de loyers et celle de 200.000 francs au titre des honoraires et des débours.
Les deux assignations ont été jointes.
Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 20 mars 2001, a
- débouté la société Imprimerie de Chabrol de l'ensemble de ses demandes,
- constaté que le bail a été résilié par la remise des clés par la société preneuse et l'acceptation sans réserve par la société bailleresse de ces clés, au 10 février 1999,
- condamné la société Imprimerie de Chabrol à payer à la SCI Dasle la somme de 148.222,22 francs en deniers ou quittances au titre des loyers dus jusqu'au 10 février 1999, déduction ayant été faite du montant du dépôt de garantie, mais déduction devant être faite du premier terme de loyer réglé par la société Imprimerie de Chabrol,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société Imprimerie de Chabrol aux dépens ;
La Cour,
Vu l'appel de cette décision interjeté par la société Imprimerie de Chabrol,
Vu les conclusions signifiées le 13 juin 2002 par lesquelles la société Imprimerie de Chabrol demande à la Cour
- de la déclarer recevable et bien fondé en son appel,
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réformant le jugement en toutes ses dispositions,
- de prononcer l'annulation du bail pour non-exécution par le bailleur de son obligation de délivrance d'une part des locaux exempts de troubles d'humidité et d'autre part de locaux conformes à leur destination contractuelle c'est-à-dire à l'exercice par la société Imprimerie de Chabrol dont l'effectif salarié était supérieur à 20 au moment de la conclusion du bail, de son activité d'imprimeur dans les locaux loués,
subsidiairement,
- de prononcer la résolution du bail en application de la clause résolutoire de plein droit mentionnée dans l'annexe au bail,
encore plus subsidiairement,
- de constater que la société Imprimerie de Chabrol n'a jamais disposé effectivement de la jouissance paisible de locaux exempts de trouble empêchant toute utilisation des dits locaux et en conséquence la décharger de tous loyers ou charges locatives jusqu'à la restitution effective des clés,
en tout état de cause,
- de condamner la SCI Dasle au paiement de la somme de 1.253.395 francs au titre des différents préjudices qu'elle lui a causés,
- de condamner la SCI Dasle, outre aux dépens, au paiement de la somme de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 30 mai 2002 par lesquelles la SCI Dasle demande à la Cour
- de déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondée la société Imprimerie de Chabrol en son appel,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Imprimerie de Chabrol de l'ensemble de ses demandes,
statuant à nouveau,
- de condamner la société Imprimerie de Chabrol à payer à la société Dasle à titre de dommages et intérêts la somme de 274.408,23 euros ( 1.800.000 francs)
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du chef de la perte des loyers, la somme de 30.489,90 euros (200.000 francs) du chef des frais exposés,
subsidiairement,
- de condamner la société Imprimerie de Chabrol à payer du chef de la perte des loyers la somme de 160.071,47 euros (1.050.000 francs), vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- de condamner la société Imprimerie de Chabrol et non comme indiqué la société Dasle par suite d'une erreur matérielle, outre aux entiers dépens, au paiement de la somme de 7.700 euros HT ;

Sur ce
sur la demande en annulation du bail pour défaut de délivrance de la chose louée
Considérant que la société Imprimerie de Chabrol critique le jugement entrepris de l'avoir déboutée de sa demande en résolution du bail et sollicite à titre principal de la Cour l'annulation de la convention pour non exécution par le bailleur de son obligation de délivrance de locaux d'une part exempts de troubles d'humidité et d'autre part conformes à l'exercice de son activité d'imprimerie et ce alors que l'effectif de l'entreprise de 25 lors de la conclusion du bail justifiait au regard des dispositions du Code du travail, compte tenu de la configuration particulière des lieux une deuxième issue de secours permettant de les utiliser, avec son matériel et son personnel et ce conformément à leur destination contractuelle ;
Considérant que la société appelante indique en premier lieu que la survenance de troubles d'humidité entre la conclusion du bail et la remise des clés est la première cause d'impossibilité d'utiliser les locaux et soutient
- qu'à la date d'entrée en jouissance soit au 15 juillet 1998, les lieux loués étaient affectés de graves troubles d'humidité qui rendaient leur usage impossible et empêchaient la réalisation de travaux de remise en état des locaux pour permettre le commencement de son activité d'imprimerie,
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- que l'humidité dans les locaux ne se réduit pas à un simple dégât des eaux contrairement à ce qu'affirme la société bailleresse mais a pour origine, un problème structurel lié au fait que l'un des murs du local loué, mitoyen d'une autre propriété, était en contact direct avec une masse de terre meuble et recueillait toute l'humidité contenue dans cette masse terreuse et la survenance de violents orages entre le 6 et 15 juillet 1998 alors que plusieurs vitres de la verrière étaient cassées et n'avaient pas été remises en état comme s'y était engagée la bailleresse,
- que la société Dasle a elle-même admis dans un courrier du 4 août 1998 adressé au propriétaire du fonds mitoyen que le " vaste programme de travaux (prévu au 69 rue Petit) est actuellement retardé en raison des infiltrations d'eau" ce qui implique qu'elle ne pouvait commencer les travaux de remise en état des locaux et entreprendre des travaux de peinture ou de réfection de l'installation électrique,
- que la preuve n'est pas rapportée que la société Dasle ait entrepris des travaux pour remédier à l'humidité avant la restitution des clés, soit le 15 décembre 1998, date à laquelle elle a accepté sans réserve les clés des locaux,
Considérant que la société Imprimerie de Chabrol déclare en deuxième lieu que l'autre cause d'impossibilité d'utilisation des locaux concerne les prescriptions administratives en matière de sécurité et prétend
- que la société bailleresse en sa qualité de professionnel du bâtiment savait parfaitement au moment de la conclusion du bail que ses locaux compte tenu de leur configuration particulière ( 10 m de large et 55 m de long) et de l'existence d'une seule porte pour l'ensemble des lieux étaient inutilisables par une société locataire dont l'effectif salarié était de 25 à l'époque et que cet effectif supérieur à 20 justifiait au regard des dispositions du Code du travail la création d'une deuxième issue de secours; qu'elle n'a jamais attiré l'attention de la société locataire sur ces exigences administratives ;
- que les travaux qu'a finalement proposés la société bailleresse, soit la construction aux frais de la locataire d'un tunnel de sécurité, auraient pour effet de réduire de façon significative la superficie des lieux loués et de rendre les locaux impropres à l'activité d'imprimerie en contravention avec les dispositions de l'article 1723 du Code civil, qu'en tout état de cause, si elle avait visité les locaux en vue de les louer équipés de ce tunnel, elle n'aurait donné aucune suite à la proposition de location ;
- qu'elle n'a jamais exercé son activité d'imprimerie dans ces locaux qu'elle dit inutilisables avec son matériel et son personnel, précisant qu'aucune autorité administrative n'a exigé la réalisation de travaux de transformation ou de
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réparation ;
Considérant que la SCI Dasle réplique avoir satisfait à son obligation de délivrance et prétend
- que le dégât des eaux n'a concerné que 10 m2 sur une surface de 1.300 m2 et que les travaux de réfection ont été terminés le 25 août 1998, que ce sinistre ayant pour origine l'engorgement de chéneaux aggravé par la survenance de violents orages n'a nullement empêché ni même retardé l'entrée dans les lieux, l'architecte de la société locataire ayant dans un courrier du 14 septembre 1998, considéré le problème réglé, n'en faisant nullement mention dans son rapport et confirmant que les locaux étaient secs,
- qu'elle a accepté de financer en partie les travaux que la société locataire estimait nécessaires à l'exercice de son activité d'une part en consentant une réduction de loyer sur 4 ans soit un financement de 560.000 francs et en participant à hauteur de 150.000 francs HT à certains travaux et ce sur présentation d'un devis descriptif que la société locataire n'a jamais présenté alors qu'elle s'était engagée à faire réaliser les travaux dans un délai de six mois de la prise d'effet du bail,
- que c'est en toute connaissance de cause que la société locataire, après avoir visité les locaux à plusieurs reprises avec un entrepreneur, a assumé explicitement l'obligation de faire réaliser les travaux nécessaires à son activité d'imprimeur, la participation forfaitaire du bailleur étant clairement limitée au montant indiqué dans le bail,
Considérant que le bailleur est tenu, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée conforme à l'usage auquel elle est destinée ; que c'est au moment de la conclusion du bail qu'il y a lieu d'apprécier si le bailleur a satisfait à cette obligation ;
Considérant que l'obligation de délivrance qui pèse sur le bailleur en vertu des articles 1719 et 1720 du Code civil comporte notamment celle de mettre à disposition du locataire une chose conforme à sa destination et de l'entretenir en état de servir à l'usage auquel elle est destinée ; que le bailleur doit en effet permettre au preneur d'exploiter les lieux loués pour l'usage qui a été convenu entre les parties et prendre toutes les dispositions
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nécessaires à cet effet ;
Considérant que si dans le silence du bail, l'exécution des travaux imposés par l'administration est de l'essence de l'obligation de délivrance du bailleur, compte tenu de la destination contractuelle et si ces travaux sont à sa charge qu'il s'agisse de travaux initiaux ou de travaux imposés en cours de contrat, le bailleur étant tenu d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, il en va différemment en cas de stipulations contractuelles expresses ;
Considérant qu'en la cause, la société Imprimerie de Chabrol après avoir vu les locaux le 1 avril 1998 et fait une proposition de loyer à hauteur de 420.000 francs HT et hc que la SCI Dasle a rejetée, a pris un nouveau rendez-vous avec le mandataire de la bailleresse pour une nouvelle visite qu'elle a effectuée avec un entrepreneur de bâtiment le 26 mai suivant ; que les 9 et 16 juin 1998, elle aà nouveau été sur place avant de signer le bail le 6 juillet 1998;
Et considérant qu'aux termes du bail qu'elle a signé en toute connaissance de cause le 6 juillet 1998, après avoir déclaré "parfaitement connaître les lieux pour les avoir visités et renonçant à élever aucune réclamation pour raison, soit de leur état soit même d'erreur dans la désignation ci-dessus", la société Imprimerie de Chabrol s'est engagée à assurer la totalité des frais de travaux " en cas de transformation ou réparations exigées par une autorité administrative, judiciaire ou autre pour la continuité des activités du preneur, les frais des travaux seront supportés en totalité par le preneur, le bailleur devra en être tenu informé";
Considérant que la société Imprimerie de Chabrol ne peut sérieusement reprocher à la société Dasle de ne pas lui avoir délivré des locaux conformes à la réglementation imposant des normes de sécurité incendie alors d'une part que lors de la conclusion du bail, aucun élément ne permet de justifier d'un effectif supérieur à 20 salariés même si le bilan de l'exercice 1998 mentionne un effectif de 25 et qu'il ressort d'un des courriers que la société preneuse a adressé à la SCI Dasle le 26 novembre 1998 que les locaux seraient utilisés de façon permanente avec des équipes de personnel faisant les 3 x 8, ce qui excluait au moment de la signature du bail que l'ensemble des salariés travaillent sur le site au rez-de-chaussée en même temps et alors d'autre part qu'elle s'est contractuellement obligée à faire tous travaux imposés par les autorités administratives pour assurer la continuité de son activité ;
Considérant que la société locataire affirme également ne pas avoir eu la jouissance des locaux en raison des infiltrations liées à un défaut d'entretien de la toiture et de la verrière que la bailleresse s'était engagée à remettre en état lors de l'entrée en jouissance ;
Considérant que ces désordres liés à l'humidité que ne conteste pas la bailleresse ont plusieurs causes un défaut d'entretien de la toiture, la mitoyenneté d'un des murs à celui d'une propriété voisine et la survenance de violents orages entre le 6 et 15 juillet 1998 ; qu'aucune pièce versée aux débats ne permet de vérifier l'étendue des désordres et leur durée ni d'établir que la société locataire comme elle le prétend, aurait été dans l'impossibilité de jouir de la totalité des lieux loués ; qu'à partir du 25 août 1998, - date à laquelle la société Dasle a fait dégorger l'ensemble des chéneaux, - la preuve n'est pas rapportée que les troubles liés à l'humidité aient persisté ; qu'à cet égard, dans le cadre de la sommation qu'elle a fait délivrer à la société bailleresse le 15 décembre 1998, la société Imprimerie de Chabrol n'a nullement évoqué des travaux relatifs à ces troubles générés par l'humidité dénonçant exclusivement "l'absence d'issue de secours, de désenfumage et de desamiantage"; que toutes les pièces que la société Imprimerie de Chabrol produit à l'appui de son argumentation et notamment le rapport de L'APAVE du 17 novembre 1998 et l'avis établi le 14 septembre 1998 par le Cabinet Aureg, son architecte, ne font nullement état de ces problèmes d'infiltrations ou d'humidité des locaux mais mettent en évidence la nécessité de certaines vérifications la présence ou non de carrières dans cette partie du 19ème arrondissement, la présence ou non d'amiante dans les flocages existants, la possibilité de créer une issue en fond de parcelle et de réaliser le désenfumage des locaux et des escaliers compte tenu du voisinage ;
Considérant ainsi que si les travaux et vérifications notamment concernant les normes de sécurité incendie étaient nécessaires avant de commencer l'activité d'imprimerie, il n'en demeure pas moins que leur exécution n'est pas rattachable à l'obligation de délivrance de la chose louée dès lors que la société locataire aurait du s'assurer de ce que les locaux qu'elle prenait à bail se trouvaient adaptés au choix de gestion qu'elle entendait développer pour l'entreprise, à l'usage qu'elle souhaitait en faire dans le présent et l'avenir et au nombre de salariés qu'elle employait ou qu'elle envisageait d'embaucher et qu'elle s'est obligée à faire tous travaux imposés par les autorités administratives pour assurer la continuité de son activité ; que la société Imprimerie de Chabrol ne peut reprocher à la SCI Dasle d'avoir envisagé la nature des travaux permettant de créer une deuxième issue de
secours pour lui reprocher ensuite de changer en cours de bail la forme de la chose louée et affirmer qu'elle n'aurait pas loué les locaux ainsi transformés dès lors que leur superficie serait réduite de 10 % alors qu'au demeurant, lors de la conclusion du bail, date à laquelle il convient d'apprécier si le bailleur a exécuté son obligation de délivrance, il n'est pas démontré que l'effectif de l'imprimerie ait été supérieur à 20 et ait justifié la création d'une deuxième issue de secours et que structurellement, comme l'admet elle même la société locataire, les locaux étaient parfaitement adaptés à une activité d'imprimerie ;
Que par suite, comme l'a dit le tribunal, la société Dasle n'a pas manqué à son obligation de délivrance ; que confirmant le jugement sur ce point, il y a lieu de débouter la société Imprimerie de Chabrol de sa demande en annulation du bail pour absence de cause ; qu'en l'absence de preuve de l'impossibilité totale de jouir des locaux imputable à la société bailleresse, la demande subsidiaire en dispense de paiement des loyers doit être écartée ;
sur l'application de la clause résolutoire
Considérant que la société appelante demande à titre subsidiaire que soit prononcée la résolution du bail en application de la clause résolutoire de plein droit du bail mentionnée dans l'annexe au bail ;
Mais considérant que l'annexe au bail qu'évoque la société appelante à l'appui de son argumentation n'est en fait qu'un courrier adressé le 10 juillet 1998, quatre jours après la signature du bail, aux termes duquel la société bailleresse indique à la société locataire " nous vous confirmons bien volontiers par la présente que nonobstant les clauses du bail .... le dit bail sera résilié de plein droit si pour des motifs administratifs, il était avéré que vous ne pouvez exercer dans les locaux loués en tout ou partie les activités autorisées par le bail ... Par ailleurs, nous vous confirmons notre autorisation d'effectuer dans les lieux loués les travaux nécessaires pour une mise en état des lieux conformes à votre activité" ; que ce courrier ne peut s'analyser comme un document contractuel et ce d'autant qu'il n'est pas signé du représentant de la société locataire ; que dès lors, la société locataire ne peut invoquer une clause résolutoire qui n'est pas inscrite dans le bail ; que cette demande doit être purement et simplement rejetée et pour ces motifs se substituant à ceux du tribunal, le jugement doit être confirmé ;
sur les conséquences juridiques de la remise des clés
Considérant que la SCI Dasle critique le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le bail s'est trouvé résilié par la remise des clés par la société preneuse et l'acceptation sans réserve par la société bailleresse de ces clés, au 10 février 1999 ;
Mais considérant que si à réception de la sommation en date du 15 décembre 1998 d'avoir à justifier des travaux de mise en conformité des locaux à la destination contractuelle et à la suite de la remise des clés, la société bailleresse a répondu par une autre sommation pour demander à quel titre les clés lui avaient été remises, il n'en demeure pas moins que la société bailleresse n'a manifesté aucune réserve ; qu'elle l'admet elle même dès lors que dans ses conclusions signifiées le 30 mai 2002, elle affirme, après avoir évoqué une procédure de référé qu'elle avait initiée en vain contre la société locataire, " compte tenu des délais nécessaires à l'obtention d'une décision sur le fond" ne pas avoir réagi "à la remise des clés qui lui ont été restituées spontanément par le preneur"; que par suite, sachant que la société bailleresse a immédiatement proposé à la location le local en cause ce qu'elle ne conteste pas, il y a lieu, comme l'a dit le tribunal, de constater la résiliation amiable du bail au 10 février 1999 ;
Considérant qu'au vu de ce qui précède, la société bailleresse ne peut prétendre qu'au paiement des loyers de la date d'entrée dans les lieux au 10 février 1999 soit 6 mois et 26 jours ;
Que la société Imprimerie de Chabrol est donc redevable de la somme de 263.222,22 francs, de laquelle il convient de déduire 115.000 francs au titre du dépôt de garantie, la SCI Dasle ne justifiant d'aucune dégradation des locaux imputable à la société Imprimerie de Chabrol ;
Qu'elle doit être condamnée à payer à la société Dasle 148.222,22 francs en deniers ou quittances somme de laquelle devra être déduit le montant du premier terme de loyer acquitté par la société bailleresse ; que la solution du litige implique le rejet de toute autre demande des parties ;
Considérant que la demande en paiement de la somme de
200.000 francs formée par la société bailleresse doit être rejetée dès lors qu'elle n'est fondée sur aucun élément sérieux et qu'il n'y a aucun motif qui justifierait d'imputer à la société locataire les honoraires et frais relatifs à la négociation et à la rédaction du bail ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que la société Imprimerie de Chabrol qui succombe à titre principal en ses prétentions doit supporter les entiers dépens ;

Par ces motifs
se substituant partiellement à ceux du tribunal, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
confirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
rejette toute autre demande des parties,
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
condamne la société Imprimerie de Chabrol aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
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