COUR D'APPEL DE PARIS
1ère chambre, section A
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2002
(N° ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 2001/13275
Décision dont appel Jugement rendu le 16/05/2001 par le Tribunal de grande instance de PARIS (1ère Chambre, 1ère section)
RG n° 2000/12428 Date ordonnance de clôture 25 Juin 2002
Nature de la décision CONTRADICTOIRE
Décision CONFIRMATION
APPELANT
Monsieur Z AlainZ
demeurant LESCHES
représenté par la SCP COSSEC, avoué
assisté de Maître J. ..., Toque E1656, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ
Y L'Y Y Y Y Y
dont les bureaux sont sis PARIS CEDEX 13
représenté par la SCP JOBIN, avoué
assisté de Maître I. ..., Toque P141, avocat au barreau de Paris,
plaidant pour la SCP NORMAND SARDA
61 II
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré,
Président Monsieur Francis CAVARROC
Conseiller Madame Christine PENICHON
Conseiller Monsieur Henri LE DAUPHIN
MINISTÈRE PUBLIC
représenté lors des débats par Madame B. ..., substitut du Procureur Général, qui a développé ses observations orales.
GREFFIER
Lors des débats Madame ...
et du prononcé de l'arrêt Madame ...
DÉBATS
A l'audience publique du 10 septembre 2002
ARRÊT
contradictoire
Prononcé publiquement par Monsieur CAVARROC, Président, lequel a signé la minute avec Madame BOISDEVOT, Greffier -
* * *
Par arrêt de cette cour en date du 21 septembre 1998, M. Alain Z a été déclaré coupable des délits de corruption passive et prise illégale d'intérêts et condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, à 500.000 francs d'amende et à 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille.
Par arrêt du 1er mars 2000, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. Z à l'encontre de cette décision.
Faisant valoir que la procédure qui avait été alors suivie devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation méconnaissait les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la CEDH), ainsi que cela résultait de l'arrêt rendu le 31 mars 1998 par la Cour européenne des droits de l'homme (Reinhardt et Slimane-Kaïd contre France), de sorte qu'il avait été privé de son droit à un procès équitable, M. Z a, par acte du 28 juillet 2000, assigné l'Agent judiciaire du Trésor en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts.
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lq,
Par jugement du 16 mai 2001, le tribunal de grande instance de Paris a débouté M. Z de ses prétentions.
La cour,
Vu l'appel formé par M. Z à l'encontre de cette décision ;
Vu les conclusions en date du 22 janvier 2002 par lesquelles l'appelant demande à la cour
- de dire que l'intervention du ministère public dans la présente instance constitue une violation de l'article 6 de la CEDH et de déclarer ses écritures irrecevables,
- de dire, au vu de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme en date du 31 mars 1998, que l'arrêt le concernant de la Chambre criminelle de la Cour de cassation a été rendu en violation des dispositions de l'article 6 de la CEDH,
- que partant, il y a faute, ouvrant droit à réparation à son profit,
- de dire, subsidiairement que ces faits caractérisent un "dysfonctionnement judiciaire" et une faute entrant dans le cadre de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire,
- de dire qu'ayant été privé "volontairement, intentionnellement, en violation de la loi et sans juste motif' d'un procès équitable, il a subi un préjudice égal au montant des condamnations prononcées contre lui,
- de condamner l'Agent judiciaire du Trésor à lui payer, à titre de dommages-intérêts les sommes de 3.048,98 euros, 76.224,51 euros, 45.734,70 euros et 7.622,45 euros ;
Vu les conclusions en date du 22 janvier 2002 par lesquelles l'Agent judiciaire du Trésor demande à la cour de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur ce
Sur l'intervention du ministère public
Considérant que, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'agent judiciaire du Trésor a seul qualité pour représenter l'Etat dans la présente affaire et que l'intervention du ministère public en qualité de partie jointe, pour faire connaître son avis sur l'application de la loi, n'est pas en contradiction avec les exigences d'un procès équitable au sens de l'article 6 de la CEDH ;
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Sur le fond
Considérant que M. Z fait valoir que l'arrêt susvisé de la Chambre criminelle de la Cour de cassation a été rendu après communication au seul avocat général du rapport et du projet d'arrêt du conseiller rapporteur et en l'absence de communication aux requérants des conclusions de l'avocat général ;
Considérant que l'absence de communication du sens des conclusions de l'avocat général aux demandeurs en cassation constituait, comme l'ont relevé les premiers juges et ainsi que cela ressort de l'arrêt Reinhardt et Slimane-Kaïd c/ France invoqué par l'appelant (point 106), une pratique abandonnée lors de l'examen du pourvoi de ce dernier ;
Considérant, en revanche, qu'il est constant qu'à cette occasion, l'intégralité du rapport et le projet d'arrêt établis par le conseiller rapporteur ont été communiqués, avant l'audience, à l'avocat général mais non à l'avocat de M. Z ;
Considérant que, selon l'appelant, la mise en oeuvre lors de l'instance de cassation d'une telle pratique, contraire aux exigences d'un procès équitable, ainsi que l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme par l' arrêt du 31 mars 1998, précité, constitue une faute ouvrant droit à réparation ; qu'il fait valoir, à titre subsidiaire, que cette faute entre dans le cadre de l'article L.781-1 du Code de l'organisation judiciaire et qu'il est fondé à demander réparation sur ce fondement ;
Mais considérant, d'abord, que dès lors que l'action de M. Z tend à la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor au paiement d'une indemnité du fait du fonctionnement prétendument défectueux du service public de la justice, ladite action ne peut avoir d'autre fondement que les dispositions de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ;
Considérant, ensuite, que si l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice ; que constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ;
Et considérant que s'il est exact que lors de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt précité du 1er mars 2000, l'intégralité du rapport du conseiller rapporteur et du projet d'arrêt préparé par celui-ci ont été communiqués à l'avocat général alors que ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance du conseil de M. Z et que la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que le déséquilibre ainsi créé ne s'accordait pas avec les exigences du procès équitable, ce fait ne traduit pas pour autant l'inaptitude du service de la
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justice à remplir la mission dont il est investi ; qu'en effet le ministère public près la Cour de cassation n'a d'autre mission que de veiller librement, en toute matière, à la correcte application de la loi et qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que la pratique en cause ait eu pour effet de détourner l'avocat général de l'exercice de cette mission ;
Considérant, en conséquence, que les prétentions de M. Z ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'accueillir la demande formée par l'intimé en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs,
Déclare l'intervention du ministère public recevable ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties, le 16 mai 2001 par le tribunal de grande instance de Paris ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. Alain Z aux dépens d'appel, lesquelles seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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