COMM.
L.G.
**COUR DE CASSATION**
Audience publique du **8 octobre 2002**
Cassation
M. DUMAS, président
Pourvoi n° J 00-16.361
Arrêt n° 1569 F-D
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu
l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'Institut national de l'Audiovisuel, dit INA, dont
le siège est 4, avenue de L'Europe, 94366 Bry-sur-Marne,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 mars 2000 par la cour d'appel de Paris (4e
chambre civile, section B), au profit de la société Tree Studio, représentée
par son liquidateur, M. Aa, domicilié …, … … …, … …,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation
annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 juillet 2002, où étaient présents : M.
Dumas, président, M. Sémériva, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet,
conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Sémériva, conseiller référendaire, les observations de la
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de l'Institut national de
l'Audiovisuel, de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société Tree
Studio, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'Institut national de l'Audiovisuel
(l'INA) a acquis en 1988 de la société Tree Studio les marques monégasque et
française Imagina, cette dernière déposée le 10 décembre 1985 et enregistrée
sous le numéro 1.334.357 ; que M. Ab a poursuivi en justice l'annulation
de cette marque, au motif qu'il était lui-même titulaire d'une marque
Imagina déposée le 27 novembre 1985 et enregistrée sous le numéro 769.446 ;
qu'en cours d'instance, l'INA a acquis les droits de M. Ab sur cette
marque, puis a demandé la condamnation de la société Tree Studio, qu'elle
avait entre-temps appelée en cause, à lui rembourser le prix de cette
acquisition ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1626 du Code civil ;
Attendu que pour dénier la réalité de l'éviction subie par l'INA, l'arrêt
retient que ce dernier a conservé la marque monégasque et que la principale
exploitation de la marque Imagina se situe précisément à Monaco ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Tree Studio avait cédé à
l'INA, non seulement la marque monégasque, mais également la marque française,
de sorte que la réclamation de M. Ab pouvait impliquer une éviction
partielle, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1626 du Code civil et l'article L. 712-1 du Code de la propriété
intellectuelle ;
Attendu que pour rejeter la réclamation formée par l'INA sur le fondement de
la garantie d'éviction, l'arrêt attaqué retient encore que la garantie
contractuelle qui portait sur la pleine propriété de la marque et de la
dénomination cédées ne peut jouer en l'absence d'annulation de la marque, de
preuve de cession, de licence ou de nantissement antérieurs à l'acquisition
des droits par l'INA, qui aurait pu opposer à M. Ab les droits qu'il
tenait sur la dénomination Imagina du fait de son utilisation avant décembre
1985, que la procédure poursuivie par M. Ab n'a pas été menée à son
terme, et que les droits privatifs résultant de la création du terme, attestée
par l'enveloppe Soleau déposée par le gérant de Tree Studio le 3 juin 1985,
qui avaient été transmis à l'INA par le protocole de 1988, n'ont pas été
invoqués ;
Attendu qu'en se déterminant pas ces motifs impropres à dénier le caractère
incontestable des droits de M. Ab, la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1626 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la réclamation de l'INA, l'arrêt retient enfin
qu'aucune faute contractuelle n'est établie à l'encontre de la société Tree
Studio, qui justifie par les pièces produites aux débats avoir fait avant le
dépôt de sa marque une recherche d'antériorités qui s'est révélée
infructueuse, que l'INA ne produit aucun élément pour démontrer une faute
quasi-délictuelle, alors qu'il aurait pu faire une recherche d'antériorités et
opposer à M. Ab les droits qu'il tenait sur la dénomination Imagina du
fait de son utilisation avant décembre 1985, et que les droits privatifs
résultant de la création du terme, attestée par l'enveloppe Soleau déposée par
le gérant de tree studio le 3 juin 1985, qui avaient été transmis à l'INA par
le protocole de 1988, n'ont pas été invoqués ;
Attendu qu'en écartant toute garantie du vendeur par ces motifs impropres à
caractériser l'imputabilité du préjudice à la faute du seul cessionnaire, fût-
il professionnel de l'audiovisuel, la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2000,
entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la
cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Tree Studio aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le
présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de
l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière
et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit
octobre deux mille deux.