Jurisprudence : CJCE, 17-09-2002, aff. C-413/99

CJCE, 17-09-2002, aff. C-413/99

A3665AZR

Référence

CJCE, 17-09-2002, aff. C-413/99 . Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1101931-cjce-17092002-aff-c41399
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c/
Secretary of State for the Home Department



ARRÊT DE LA COUR


17 septembre 2002 (1)


"Libre circulation des personnes - Travailleur migrant - Droits de séjour des membres de la famille du travailleur migrant - Droits des enfants de poursuivre leurs études dans l'État membre d'accueil - Articles 10 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 - Citoyenneté de l'Union européenne - Droit de séjour - Directive 90/364/CEE - Limitations et conditions"


Dans l'affaire C-413/99 ,


ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par l'Immigration Appeal Tribunal (Royaume-Uni) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre


Baumbast


et


Secretary of State for the Home Department,


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 18 CE et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),


LA COUR,


composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken (rapporteur) et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, M. Wathelet, V. Skouris, J. N. Cunha Rodrigues et C. W. A. Timmermans, juges,


avocat général: M. L. A. Geelhoed,


greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,


considérant les observations écrites présentées:


- pour M. et Mme Baumbast ainsi que Mlles Maria Fernanda Sarmiento et Idanella Baumbast, par MM. N. Blake et L. Fransman, QC, mandatés par Mme M. Davidson, solicitor, et pour R, par M. N. Blake et Mme S. Harrison, barrister, mandatés par M. B. Andonian, solicitor,


- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté de M. P. Saini, barrister,


- pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme B. Muttelsee-Schön, en qualité d'agents,


- pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes N. Yerrell et C. O'Reilly, en qualité d'agents,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les observations orales de M. et Mme Baumbast ainsi que de Mlles Maria Fernanda Sarmiento et Idanella Baumbast, de R, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission, à l'audience du 6 mars 2001,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 5 juillet 2001,


rend le présent


Arrêt


1.


Par ordonnance du 28 mai 1999, parvenue à la Cour le 28 octobre suivant, l'Immigration Appeal Tribunal a posé, en application de l'article 234 CE, quatre questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 18 CE et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).


2.


Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant, d'une part, M. et Mme Baumbast ainsi que Mlles Maria Fernanda Sarmiento et Idanella Baumbast (ci-après, ensemble, la "famille Baumbast") et, d'autre part, R au Secretary of State for the Home Department (ci-après le "Secretary of State") au sujet du refus opposé par ce dernier à l'octroi d'autorisations de séjour sur le territoire du Royaume-Uni.


Le cadre juridique


Les dispositions communautaires


3.


Aux termes de l'article 17 CE:


"1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.


2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité."


4.


L'article 18, paragraphe 1, CE prévoit que tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité CE et par les dispositions prises pour son application.


5.


Les articles 10 à 12 du règlement n° 1612/68 sont libellés comme suit:


"Article 10


1. Ont le droit de s'installer avec le travailleur ressortissant d'un État membre employé sur le territoire d'un autre État membre, quelle que soit leur nationalité:


a) son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge;


b) les ascendants de ce travailleur et de son conjoint qui sont à sa charge.


2. Les États membres favorisent l'admission de tout membre de la famille qui ne bénéficie pas des dispositions du paragraphe 1 s'il se trouve à la charge ou vit, dans le pays de provenance, sous le toit du travailleur visé ci-dessus.


3. Pour l'application des paragraphes 1 et 2, le travailleur doit disposer d'un logement pour sa famille, considéré comme normal pour les travailleurs nationauxdans la région où il est employé sans que cette disposition puisse entraîner de discriminations entre les travailleurs nationaux et les travailleurs en provenance d'autres États membres.


Article 11


Le conjoint et les enfants de moins de vingt et un ans ou à charge d'un ressortissant d'un État membre exerçant sur le territoire d'un État membre une activité salariée ou non salariée ont le droit d'accéder à toute activité salariée sur l'ensemble du territoire de ce même État, même s'ils n'ont pas la nationalité d'un État membre.


Article 12


Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre État membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire.


Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions."


6.


En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO L 180, p. 26), les États membres accordent le droit de séjour aux ressortissants des États membres qui ne bénéficient pas de ce droit en vertu d'autres dispositions du droit communautaire, ainsi qu'aux membres de leur famille tels qu'ils sont définis à l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive, à condition qu'ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d'une assurance maladie couvrant l'ensemble des risques dans l'État membre d'accueil et de ressources suffisantes pour éviter qu'ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l'assistance sociale de l'État membre d'accueil.


7.


Conformément à l'article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 90/364 les ressources visées au premier alinéa de ce paragraphe sont suffisantes lorsqu'elles sont supérieures au niveau de ressources en deçà duquel une assistance sociale peut être accordée par l'État membre d'accueil à ses ressortissants, compte tenu de la situation personnelle du demandeur et, le cas échéant, de celle des personnes admises en application de l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive.


8.


L'article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 90/364 prévoit que, lorsque le deuxième alinéa de ce paragraphe ne peut s'appliquer, les ressources du demandeur sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles sont supérieures au niveau de la pension minimale de sécurité sociale versée par l'État membre d'accueil.


9.


Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 90/364:


"Ont le droit de s'installer dans un autre État membre avec le titulaire du droit de séjour, quelle que soit leur nationalité:


a) son conjoint et leurs descendants à charge;


b) les ascendants du titulaire du droit de séjour et de son conjoint qui sont à sa charge."


10.


L'article 3 de la directive 90/364 prévoit que le droit de séjour demeure tant que les bénéficiaires de ce droit répondent aux conditions prévues à l'article 1er de cette directive.


Les dispositions nationales


11.


L'article 7, paragraphe 1, de l'Immigration Act 1988 (loi de 1988 relative à l'immigration) dispose:


"Une personne ne sollicitera pas l'autorisation d'entrer ou de séjourner au Royaume-Uni conformément à [l'Immigration Act 1971] lorsqu'elle y est habilitée en vertu d'un droit communautaire qu'elle peut invoquer directement ou de toute disposition prise en vertu de l'article 2, paragraphe 2, de l'European Communities Act 1972 [loi de 1972 sur les Communautés européennes]."


12.


L'article 3 de l'Immigration (European Economic Area) Order 1994 (ordonnance de 1994 relative à l'immigration en provenance de l'Espace économique européen, 1994 SI 1895, ci-après l'"EEA Order") énonce le principe général selon lequel les ressortissants d'une partie contractante à l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l'"accord sur l'EEE"), ainsi que les membres de leur famille, doivent être admis au Royaume-Uni sur simple présentation d'un document d'identité ou d'un passeport en cours de validité.


13.


En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de l'EEA Order, une "personne qualifiée" a le droit de résider au Royaume-Uni aussi longtemps qu'elle conserve cette qualité. Ce droit est étendu aux membres de la famille, y compris au conjoint, par l'article 4, paragraphe 2, de l'EEA Order.


14.


Selon l'article 6 de l'EEA Order, constitue notamment une telle "personne qualifiée" le ressortissant d'une partie contractante à l'accord sur l'EEE qui exerce au Royaume-Uni une activité de travailleur.


15.


Le point 255 des United Kingdom Immigration Rules (House of Commons Paper 395) (règles sur l'immigration adoptées par le Parlement du Royaume-Uni en 1994, ci-après les "Immigration Rules") dispose:


"Un ressortissant de l'EEE (autre qu'un étudiant), ou le membre de la famille d'une telle personne, qui a obtenu un permis de séjour ou un titre de séjour valide pour cinq ans et qui a séjourné au Royaume-Uni, conformément aux dispositions de l'EEA Order 1994, pendant quatre ans et continue à y séjourner, peut, sur sa demande, voir apposer sur son permis de séjour ou, le cas échéant, son titre de séjour une mention indiquant qu'il est autorisé à séjourner indéfiniment sur le territoire du Royaume-Uni."


Les litiges au principal


L'affaire Baumbast


16.


Mme Baumbast, de nationalité colombienne, s'est mariée au Royaume-Uni, en mai 1990, avec M. Baumbast, qui est un ressortissant allemand. Leur famille est composée de deux filles, l'aînée, Mlle Maria Fernanda Sarmiento, qui est la fille naturelle de Mme Baumbast, ayant la nationalité colombienne et la cadette, Mlle Idanella Baumbast, ayant la double nationalité allemande et colombienne.


17.


Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, pour les besoins de la demande de décision à titre préjudiciel, les parties au principal sont convenues que, s'agissant des questions de droit communautaire, Mlle Maria Fernanda Sarmiento est également considérée comme un membre de la famille de M. Baumbast. Elle est, en conséquence, désignée dans l'ordonnance de renvoi comme l'un des deux enfants de cette famille.


18.


En juin 1990, les membres de la famille Baumbast se sont vu octroyer une carte de séjour valable pour cinq ans. Entre 1990 et 1993, M. Baumbast a exercé une activité économique au Royaume-Uni, initialement en tant que travailleur, puis comme chef d'entreprise. Cependant, après la faillite de son entreprise, faute d'avoir pu obtenir un travail suffisamment bien rémunéré au Royaume-Uni, il a exercé à partir de 1993 des emplois auprès de sociétés allemandes opérant en Chine et au Lesotho. Bien que M. Baumbast ait cherché du travail au Royaume-Uni périodiquement depuis lors, sa situation professionnelle n'avait pas évolué à la date de l'ordonnance de renvoi.


19.


Pendant la période considérée, M. et Mme Baumbast possédaient une maison au Royaume-Uni et leurs filles y fréquentaient l'école. Ils n'y bénéficiaient pas de prestations sociales et, étant couverts par une assurance maladie complète en Allemagne , ils s'y rendaient, pour autant que de besoin, afin de recevoir des soins médicaux.


20.


En mai 1995, Mme Baumbast a introduit une demande d'autorisation de séjour d'une durée indéterminée ("indefinite leave to remain") au Royaume-Uni pour elle même et pour les autres membres de sa famille. En janvier 1996, le Secretaryof State a refusé de renouveler la carte de séjour de M. Baumbast ainsi que les documents de séjour de Mme Baumbast et de ses enfants.


21.


Le 12 janvier 1998, ce refus a fait l'objet d'un recours devant l'Immigration Adjudicator (Royaume-Uni). Celui-ci a relevé que M. Baumbast n'était ni un travailleur ni une personne ayant un droit général de séjour visés par la directive 90/364. Quant aux enfants, l'Immigration Adjudicator a décidé qu'ils bénéficiaient d'un droit de séjour propre en vertu de l'article 12 du règlement n° 1612/68. Par ailleurs, il a jugé que Mme Baumbast bénéficiait d'un droit de séjour pour une période correspondant à celle durant laquelle ses enfants jouiraient des droits prévus à l'article 12 dudit règlement. Selon l'Immigration Adjudicator, les droits de Mme Baumbast découlaient de l'obligation imposée aux États membres, en vertu de cette disposition, d'encourager les initiatives permettant à des enfants de suivre des cours dans l'État membre d'accueil dans les meilleures conditions.


22.


M. Baumbast a interjeté appel de la décision de l'Immigration Adjudicator à son égard devant la juridiction de renvoi. Le Secretary of State a interjeté, quant à lui, appel devant cette dernière juridiction au sujet de la décision relative à Mme Baumbast et à ses deux enfants.


L'affaire R


23.


R, de nationalité américaine, est la mère, par son premier mariage avec un ressortissant français, de deux enfants qui ont la double nationalité française et américaine. Elle s'est installée au Royaume-Uni en 1990 en qualité d'épouse d'un ressortissant communautaire bénéficiant des droits conférés par le traité CE et a été autorisée à séjourner au Royaume-Uni jusqu'en octobre 1995.


24.


R et son premier mari ont divorcé en septembre 1992, mais aucune mesure n'a été prise à l'époque par le Secretary of State quant au statut d'immigrée de R et celle-ci a continué à séjourner au Royaume-Uni. Selon les conditions applicables au divorce, les enfants devaient rester avec leur mère en Angleterre et au pays de Galles pendant une période d'au moins cinq ans à dater du divorce ou pour toute autre durée déterminée d'un commun accord par les parties. Après le divorce, les enfants ont eu des contacts réguliers avec leur père, qui réside et travaille toujours au Royaume-Uni et qui partage avec leur mère la responsabilité de leur éducation tant sur le plan affectif que sur le plan financier.

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