SOC.
PRUD'HOMMESC.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 2 juillet 2002
Rejet
M. MERLIN, conseiller doyen faisant fonctions de président
Pourvoi n° G 00-43.592
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. Marcel Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de Cassation
en date du 10 avril 2001.
Arrêt n° 2241 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Lermite, société anonyme dont le siège est Thouare-sur-Loire,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 mars 2000 par la cour d'appel de Rennes (8e Chambre sociale), au profit de M. Marcel Z, demeurant Mouzeil,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 mai 2002, où étaient présents M. Merlin, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Auroy, conseiller référendaire rapporteur, Mme Quenson, conseiller, M. Liffran, Mme Nicolétis, conseillers référendaires, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Auroy, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Lermite, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Z, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 mars 2000), que M. Z a été engagé le 29 février 1976 par la société Lermite en qualité de manutentionnaire cariste, coefficient 120, de la Convention collective nationale des carrières et matériaux ; que, le 27 décembre 1996, il a été licencié pour motif économique ; que la lettre de licenciement était motivée par l'absence de tout reclassement possible au sein de l'entreprise et par l'arrêt de la fabrication béton ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen
Attendu que l'employeur fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que le salarié devait être classé au coefficient 160 de la convention collective et de l'avoir condamné au paiement d'un rappel de salaire, alors, selon le moyen
1°/ que la classification du salarié s'apprécie au regard des fonctions réellement exercées par celui-ci dans l'entreprise ; que la société Lermite faisait valoir dans ses conclusions que M. Z n'avait jamais, en réalité, exercé des fonctions autres que celles d'un manutentionnaire sans qualification et versait aux débats les carnets établis par ce dernier justifiant de la nature des tâches réellement assurées par le salarié ; qu'en l'espèce, pour décider que M. Z devait se voir appliquer le coefficient 160, les juges du fond se sont bornés à constater que les fonctions définies par la convention collective pour désigner le coefficient 160 figurait sur un document non contractuel énumérant les tâches et compétences dévolues à M. Z ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si M. Z exerçait effectivement les fonctions consistant notamment à assurer l'entrée et la sortie des stocks avec tenue des fiches de mouvements, relevant du coefficient 160 selon la convention collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article de la Convention collective nationale des industries de carrières et métaux, alors qu'en vertu de la convention collective précitée, tandis que le coefficient 160 avait lieu de s'appliquer au personnel exécutant, suivant les directives reçues, les travaux simples du métier, le coefficient 120 était réservé au personnel exécutant des travaux très simples, sans responsabilité, ne nécessitant ni formation, ni spécialisation, ni adaptation préalable ;
2°/ que pour justifier de l'application du coefficient 120 à M. Z, la société Lermite faisait valoir que le permis de cariste dont le salarié se prévalait à titre de formation et de spécialisation, pour prétendre au coefficient 160, ne nécessitait qu'une autorisation de conduite donnée par l'employeur sans aucune formation spécifique ; qu'en se fondant dès lors sur le permis de cariste délivré à M. Z au cours de sa carrière par un organisme agréé pour décider que le salarié relevait du coefficient 160, sans répondre aux conclusions de la société qui déniaient toute valeur de spécialisation au permis de cariste, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous couvert des griefs non fondés de défaut de base légale et violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion les éléments de fait et de preuve appréciés par la cour d'appel qui, après avoir relevé que le coefficient 160 était attribué aux ouvriers qualifiés exécutant suivant les directives reçues les travaux simples du métier et, par exemple, les entrées et sorties de stock avec tenue des fiches de mouvements, a constaté que le salarié exerçait de telles fonctions ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que le principe de sécurité juridique exige que le bien-fondé de la résiliation du contrat de travail par l'employeur soit apprécié au regard des obligations qui pesaient sur lui à la date de la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour décider que le licenciement de M. Z qui lui avait été notifié par lettre du 27 décembre 1996 était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a cru pouvoir relever que la lettre de licenciement ne mentionnant pas que la cessation de l'activité béton invoquée avait eu pour conséquence la suppression du poste du salarié, la lettre de licenciement était insuffisament motivée et par conséquent le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en faisant ainsi application de la jurisprudence en vertu de laquelle la lettre de licenciement devait indiquer l'incidence des difficultés économiques invoquées sur le contrat de travail du salarié, lorsque cette jurisprudence née au mois d'avril 1997 était postérieure à la date de la notification de la lettre de licenciement, d'où il s'évinçait que cette dernière était, à la date de sa formulation strictement conforme aux principes légaux et jurisprudentiels en vigueur, la cour d'appel a méconnu le principe de sécurité juridique et les articles 1134 du Code civil, L. 122-14-2 et L. 321-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, énoncé à bon droit que la lettre de licenciement, en ce qu'elle n'indiquait pas les motifs économiques prévus par la loi et leur incidence sur l'emploi du salarié, était insuffisamment motivée, ne satisfaisait pas aux exigences posées par l'article L. 122-14-2 du Code du travail et qu'en conséquence, le licenciement n'était pas justifié ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lermite aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Lermite à payer à M. Z la somme de 150 euros ; rejette la demande de la société Lermite ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille deux.