Cour de Cassation
Chambre civile 2
Audience publique du 5 Novembre 1998
Rejet
N° de pourvoi 97-12.210
Président M. GUERDER conseiller
Demandeur M. Jean-François ...
Défendeur M. Cédric ... et autres
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Jean-François ..., demeurant Franchesse,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 janvier 1997 par la cour d'appel de Riom (2e chambre civile), au profit
1 / de M. Cédric ..., domicilié Moulins,
2 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Allier, dont le siège est Moulins,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 septembre 1998, où étaient présents M. Guerder, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Pierre, conseiller rapporteur, M. Dorly, conseiller, M. Kessous, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pierre, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. ..., de Me Le ..., avocat de M. ..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Riom, 21 janvier 1997), que M. ... qui pilotait une motocyclette, de nuit, en agglomération, a été blessé dans une collision survenue dans un carrefour en tentant de doubler l'automobile de M. ... au moment où celui-ci obliquait pour tourner sur sa gauche ; que, blessé, il a assigné celui-ci en réparation de son préjudice ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir limité à la moitié l'indemnisation du préjudice subi par la victime, alors, selon le moyen, de première part, que le juge se doit de motiver sa décision et ne peut se contenter de procéder par simple affirmation ; que pour établir la témérité du comportement de M. ..., la cour d'appel, qui avait relevé par ailleurs que le site de l'accident était une intersection protégée au sens de l'article R 17 du Code de la route, a affirmé, sans aucune justification, que le dépassement avait eu lieu dans un endroit dangereux ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civil ; de deuxième part, que tout en relevant que la position sur la chaussée du véhicule dépassé et l'absence de clignotant, ne permettaient pas de prévoir que son conducteur envisageait de changer de direction, la cour d'appel, pour établir la témérité du comportement de M. ..., retient que ce dernier ne se serait pas assuré de la direction que souhaitait prendre le véhicule qui roulait à faible allure devant lui ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations qu'aucun élément ne permettait à M. ... de douter de la direction que M. ... semblait décider à suivre, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ; de troisième part, qu'il résulte de l'article R 14 du Code de la route, que tout dépassement doit s'effectuer dans un temps très bref ;
que, toujours pour établir la témérité du comportement de M. ..., la cour d'appel retient que ce dernier avait entrepris le dépassement du véhicule de M. ..., alors qu'il devait nécessairement se rabattre très rapidement devant lui pour s'engager dans la rue des Pêcheurs ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, si en reprenant sa place dans le courant normal de la circulation M. ... aurait été amené à gêner celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ; de quatrième part, que le droit pour le conducteur victime co-impliqué dans un accident de la circulation, d'obtenir de l'autre conducteur, fautif, la réparation du dommage qu'il subit ne peut être limité ou exclu, que s'il a lui-même commis une faute qui a contribué à la survenance ou à l'importance de ce dommage ; que dès lors, que la témérité du comportement du conducteur victime n'était pas établie, la cour d'appel qui a énoncé que l'état alcoolique de ce dernier, parce qu'il était, selon elle, la source exclusive de ce comportement, était en relation directe avec le dommage par lui subi, a violé l'article 4 de la loi du 25 janvier 1985 ; de cinquième part, qu'en tout état de cause, en retenant que M. ... avait commis une faute en liaison directe avec le dommage par lui subi, au seul motif que son alcoolémie aurait provoqué son comportement téméraire, sans justifier en quoi ce comportement, à le supposer téméraire, aurait lui-même contribué à la survenance ou à l'importance du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu, que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'il appartient alors au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure ;
Et attendu que la cour d'appel qui retient, par motifs propres et adoptés, que M. ..., qui pilotait sa motocyclette en dépit d'un taux d'alcoolémie important, a entrepris de doubler l'automobile de M. ... à proximité immédiate d'un carrefour, dans un endroit très fréquemment utilisé par les usagers, ce qui l'obligeait à se rabattre très rapidement sur sa droite, en a exactement déduit que M. ... avait commis une faute et, sans avoir à examiner le comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué, a souverainement apprécié la proportion dans laquelle cette faute limitait le droit à indemnisation de M. ... ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. ... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.