ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N° 222179
M. MANSEAU
M. Salesse, Rapporteur
Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement
Séance du 27 mai 2002
Lecture du 21 juin 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,
(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juin et 20 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques MANSEAU, demeurant 250 bis, boulevard St-Germain à Paris (75007) ; M. MANSEAU demande que le Conseil d'Etat
1°) annule l'arrêt en date du 11 avril 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 5 décembre 1997 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1987 et 1989 ;
2°) statuant au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le décharge desdites impositions;
3°) condamne l'Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique
- le rapport de M. Salesse, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. MANSEAU,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un examen approfondi de la situation fiscale d'ensemble de M. et Mme MANSEAU et d'une vérification de compatibilité afférente à l'activité d'avocat de M. MANSEAU, l'administration a, en premier lieu, réintégré dans les bénéfices non commerciaux de l'année 1987 de M. MANSEAU une somme de 1 561 900 F qu'il avait portée en recettes de l'année 1988, en deuxième lieu, refusé au titre de l'année 1989 la déduction de dépenses pour travaux d'aménagement de son cabinet, et, en troisième lieu, refusé la déduction de son revenu global de dépenses relatives à un édifice inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques;
Sur la somme de 1 561 900 F
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12, 92 et 93 du code général des impôts que les recettes à retenir au titre d'une année déterminée pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sont celles qui ont été mises à la disposition du contribuable au cours de ladite année, notamment par versement à un compte sur lequel l'intéressé a opéré ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ; que la cour administrative d'appel a relevé que la Banque Nationale de Paris avait versé à M. MANSEAU 1 561 900 F d'honoraires par un virement dont le montant a été inscrit au crédit de son compte ouvert dans cet établissement bancaire le 31 décembre 1987 et que, si le requérant n'avait reçu l'avis de ce virement que le 9 janvier 1988, il n'établissait pas qu'il aurait été dans l'impossibilité d'être informé le jour même de ce que le virement était effectué et de disposer de ladite somme ; que de ces faits qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, la cour administrative d'appel a pu légalement déduire que l'administration était fondée à rattacher cette somme à l'année 1987 ;
Sur les dépenses d'aménagement et de réfection du cabinet de M. MANSEAU
Considérant que, pour la détermination des bénéfices non commerciaux imposables, les dépenses déductibles comprennent, notamment, selon les dispositions du 2° du 1 de l'article 93 du code général des impôts, "les amortissements effectués suivant les règles applicables en matière de bénéfices industriels et commerciaux" ; qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code, relatif à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux, "le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués (...)" ; qu'en vertu de ces dispositions seuls peuvent être regardés comme "effectués" au titre d'une année les amortissements portés sur le registre des immobilisations prévu à l'article 99 du même code, avant l'expiration du délai de déclaration des bénéfices ;
Considérant que la cour administrative d'appel a relevé qu'il était constant que M. MANSEAU n'avait pas inscrit audit registre les amortissements des immobilisations acquises en contrepartie de dépenses afférentes à des travaux d'aménagement et de réfection de son cabinet, qu'il avait passées en charges déductibles ; que, de ces faits qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, la cour administrative d'appel a pu déduire, par une exacte application des dispositions précitées du code général des impôts, que M. MANSEAU ne pouvait prétendre à ce que la réintégration de ces dépenses effectuée par l'administration soit compensée par la prise en compte d'annuités d'amortissement non comptabilisées ;
Considérant que le moyen par lequel M. MANSEAU se prévaut d'une instruction administrative du 17 février 1967 est nouveau en cassation et, par suite, irrecevable ;
Sur les charges afférentes au château inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques
Considérant que M. MANSEAU a demandé la déduction de l'intégralité de ces charges;
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts
"L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 1° ter Dans les conditions fixées par décret, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire (...)" ; qu'en vertu des dispositions de l'article 41 F de l'annexe III audit code, pris pour application des dispositions précitées, la déduction est égale, si le public n'est pas admis à visiter l'immeuble, à 50 % des dépenses de réparation et d'entretien, ainsi que des autres charges foncières énumérées aux a à d du 1° et au a du 2° du I de l'article 31 du code général des impôts, les participations aux travaux de réparation ou d'entretien exécutés ou subventionnés par l'administration des affaires culturelles étant, toutefois, déductibles pour leur montant total ;
Considérant que la cour administrative d'appel a relevé que M. MANSEAU ne contestait plus devant elle que le château de Montpensier dont il est propriétaire à Vézières (Vienne) n'était pas ouvert au public au cours des années en litige et que, s'il soutenait pour la première fois en appel que les travaux réalisés sur cet édifice auraient été exécutés par l'administration des affaires culturelles, il ne l'établissait pas en se bornant à faire état de ce que ces travaux avaient été engagés, mis en oeuvre et vérifiés en application d'arrêtés du préfet de la région Poitou-Charentes ; que, de ces faits qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, la cour administrative d'appel a pu déduire, sans méconnaître les dispositions du code général des impôts précitées, que M. MANSEAU ne saurait prétendre à un montant de charges déductibles de ce chef supérieur à celui qu'a admis le service ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme MANSEAU ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qui est suffisamment motivé ;
Sur les conclusions de M. et Mme MANSEAU tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme MANSEAU la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. et Mme MANSEAU est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jacques MANSEAU et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.