Jurisprudence : Cass. civ. 1, 23-10-2013, n° 12-20.560, F-D, Rejet

Cass. civ. 1, 23-10-2013, n° 12-20.560, F-D, Rejet

A4657KNS

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Cass. civ. 1, 23-10-2013, n° 12-20.560, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/10932152-cass-civ-1-23102013-n-1220560-fd-rejet
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Abstract

L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 octobre 2013 s'inscrit parfaitement dans les débats en cours, dans le cadre de la préparation de la prochaine loi relative à la famille.



CIV. 1 LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 octobre 2013
Rejet
M. CHARRUAULT, président
Arrêt no 1184 F-D
Pourvoi no W 12-20.560
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Aline Z, domiciliée Longlaville,
contre l'arrêt rendu le 10 février 2012 par la cour d'appel de Nancy (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme Fabienne Y,
domiciliée Haucourt-Moulaine,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 septembre 2013, où étaient présents M. Charruault, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bignon, conseiller doyen, Mme Nguyen, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme Z, l'avis de M. Sarcelet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 10 février 2012), que Mme Y, qui vivait alors avec Mme Z, a donné naissance, le 11 juillet 2005, à Nathan Théo Brunel YZ, sans filiation paternelle déclarée ; que Mme Y et Mme Z ont conclu le 19 décembre 2007 un pacte civil de solidarité qui a été dénoncé le 3 avril 2009, après leur séparation courant 2008 ; que, par acte du 22 avril 2009, Mme Z a assigné Mme Y devant le tribunal de grande instance afin de voir fixer la résidence de l'enfant en alternance au domicile de chacune d'elles et, à titre subsidiaire, afin d'obtenir un droit de visite et d'hébergement à l'égard de l'enfant ;

Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite et d'hébergement ;
Attendu qu'ayant relevé que, quelles qu'en soient les causes et responsabilités, la rupture entre les parties avait abouti à une rupture des relations entre l'enfant et Mme Z pendant près de trois ans, que des témoignages produits faisaient ressortir que Mme Z était devenue une étrangère pour l'enfant, qu'il avait manifesté une franche hostilité au fait de devoir la suivre à l'occasion du droit de visite et d'hébergement octroyé par les premiers juges, avec des manifestations somatiques et des régressions, enfin, que les deux avis de spécialistes produits, psychologue et psychiatre, motivés et concordants dans leurs conclusions, mettaient en évidence la "stupéfaction" de l'enfant au sujet de la revendication de Mme Z, son refus de la voir, son désarroi, et l'absence d'investissement de cette dernière comme beau-parent, la cour d'appel a souverainement estimé qu'il n'était pas de l'intérêt actuel de l'enfant de maintenir des liens avec Mme Z ; qu'elle a ainsi, sans porter atteinte à la vie privée et familiale de celle-ci, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme Z
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Z de sa demande de droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Nathan Y ;
AUX MOTIFS QUE " il ressort des pièces produites de part et d'autre que l'enfant est issu du souhait de madame Y d'être mère et que celle-ci a convaincu madame Z, sa compagne depuis deux ans, réticente à l'origine, d'y adhérer ; que les démarches en Belgique en vue d'une insémination avec donneur anonyme, puis la grossesse et la naissance, ont ensuite été vécues ensemble ; que l'enfant porte en troisième prénom le nom de famille de madame Z et son faire-part de naissance a été envoyé au nom des deux parties ; que madame Z a gardé l'enfant au domicile commun jusqu'à son entrée à l'école maternelle à l'âge de trois ans, tandis que madame Y travaillait, les deux parties se considérant chacune comme la mère de l'enfant ; que celui-ci a en particulier été accueilli au sein de la famille de madame Z comme s'il avait été le propre fils de celle-ci ; qu'il est ainsi établi que l'enfant est né d'un projet parental commun aux deux parties et que les circonstances ayant présidé à sa naissance et à son éducation durant les trois premières années et demi de sa vie rattachent son histoire personnelle à madame Z ; que le critère de l'intérêt de l'enfant tel qu'il est posé par l'article 371-4 doit être apprécié in concreto, au jour où le juge statue ; qu'il est constant que la rupture entre les parties a abouti, quelles qu'en soient les causes et responsabilités, à une rupture des relations entre l'enfant et madame Z, celle-ci n'ayant plus réussi à avoir de contacts directs avec lui a compter du mois de mars 2009, soit depuis près de trois ans ; que des témoignages produits par madame Y font ressortir que madame Z est devenue une étrangère pour lui, dont il ne situe ni la place ni le rôle qu'elle a joué dans sa petite enfance ; que de nombreux témoignages font encore ressortir que l'enfant a difficilement vécu le fait d'être un enjeu entre les parties, qu'il a manifesté une franche hostilité au fait de devoir suivre madame Z, avec manifestations somatiques et de régression et qu'il reconnaît de plus belle comme sa seule famille référente le couple actuellement formé par madame Y et sa nouvelle compagne, qui a elle-même deux enfants ; qu'une évaluation psychologique réalisée après la décision octroyant un droit de visite fin 2010 par madame Marie-Thérèse ..., psychologue psychothérapeute, a confirmé que l'enfant apparaissait "très contrarié et perturbé" par cette décision et présentait un aspect dysharmonique de son développement psychoaffectif du fait d'une sidération psychique bloquant son imaginaire,
manifestant une "stupéfaction" au sujet de la revendication de madame Z ; qu'un avis sollicité auprès du docteur Pierre ..., psychiatre psychanalyste, en date du 21 décembre 2010, va dans le même sens et met en évidence que le refus de l'enfant de voir madame Z traduit son désarroi devant une situation qui a fait brutalement retour dans sa vie depuis le mois d'octobre 2010 lorsque sa mère lui a annoncé la décision de justice, alors même qu'il avait tourné la page de ce passé commun avec madame Z depuis un an et sept mois ; que ce praticien relevait en outre qu'on ne notait pas chez l'enfant d'investissement de madame Z comme un beau-parent ou comme une mère sociale et concluait qu'il ne percevait chez l'enfant ni le besoin, ni l'attente de la revoir et que les propos et attitudes défensives de celui-ci traduisaient sa volonté propre de se protéger d'une situation qu'il estimait conflictuelle pour lui et à haut risque de déstabilisation concernant son environnement familial ; que ces deux avis spécialisés, clairs, motivés et concordants dans leurs conclusions, largement étayés par des attestations de proches de l'enfant en ce qui concerne la description du contexte du litige sur lequel ont raisonné les deux praticiens, bien qu'émanant de personnes mandatées par une partie au soutien de sa thèse, emportent la conviction et amènent à rejeter la demande subsidiaire d'expertise médico-psychologique, mesure intrusive et en l'état d'autant plus superfétatoire que madame Z ne se prévaut d'aucun élément nouveau, admet la distorsion de ses liens avec l'enfant et s'en tient à l'affirmation selon laquelle l'enfant ne peut que se croire abandonné par sa seconde mère, ce qu'elle ne met en évidence d'aucune manière ; qu'en conséquence de cette situation bloquée, qui est banalement la résultante d'une séparation conflictuelle dont les adultes n'ont pas su tenir l'enfant a l'écart et qui est loin d'une issue apaisée en considération du fait que les parties ont encore des intérêts pécuniaires communs à liquider et partager, il n'est pas de l'intérêt actuel de l'enfant de le déstabiliser au nom de son droit moral, aujourd'hui théorique, à maintenir des liens avec un tiers qui a par le passé occupé une place privilégiée dans sa vie ; que s'il est indéniable qu'à terme, l'enfant se posera la question de la place et du rôle joué dans son existence par madame Z et éprouvera peut-être le besoin de la rencontrer, cette attente n'est simplement pas d'actualité ; que le jugement entrepris sera infirmé et madame Z déboutée de sa demande de droit de visite et d'hébergement sur l'enfant " ;
ALORS 1o) QUE chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que s'il existe un lien familial avec un enfant, l'Etat doit agir de manière a permettre a ce lien de se développer et accorder une protection juridique rendant possible l'intégration de l'enfant dans sa famille ; que la loi française ne reconnaît ni ne permet d'établir de lien juridique de nature à assurer cette protection entre le conjoint homosexuel du parent biologique d'un enfant et cet enfant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que l'enfant était né d'un projet parental commun à Madame Z et à Madame Y et que les circonstances ayant présidé à sa naissance et à son éducation durant les trois premières années et demi de sa vie ont rattaché son histoire personnelle à Madame Z ; qu'ainsi, il était établi que Madame Z et l'enfant Nathan, qui avaient vécu ensemble depuis la naissance de celui-ci jusqu'à ce que la mère biologique mette fin à cette situation, formaient une famille au sens de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que néanmoins aucune protection juridique n'ayant été prévue pour permettre de préserver le lien familial après la séparation des deux compagnes, le seul recours possible aux dispositions de l'article 371-4 du code civil, pour la détermination de son droit de visite et d'hébergement, a conduit à une atteinte à la vie privée et familiale de l'exposante en violation
- de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- des articles 8 et 14 combinés de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
ALORS 2o) QUE en toute hypothèse, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que l'intérêt de l'enfant commande que soit préservée une stabilité dans ses relations affectives et sociales avec ceux qui ont décidé, dès avant sa conception, d'être ses parents et qui en ont assumé les obligations et la responsabilité depuis sa naissance, sans que ces relations puissent être remises en cause au gré des recompositions familiales ; qu'en l'espèce, pour retenir qu'un droit de visite et d'hébergement accordé à Madame Z serait contraire à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel s'est en définitive bornée en substance à énoncer qu'un tel droit placerait l'enfant au centre du conflit opposant la mère biologique à son ex-compagne, conflit qui avait abouti à une rupture de fait des relations entre l'enfant et Madame Z ; qu'en se prononçant au regard d'une telle considération, insuffisante, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si les troubles que l'enfant pouvait présenter ne résultaient pas de manipulations dont il pouvait avoir fait l'objet de la part du parent avec lequel il vivait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 371-4 du code civil ;
ALORS 3o) QUE dans ses dernières conclusions d'appel signifiées le 11 octobre 2011, Madame Z faisait valoir qu'il ne fallait pas confondre l'intérêt réel de l'enfant avec les troubles éventuels qu'il pouvait présenter à la suite de la manipulation dont il était l'objet de la part du parent avec lequel il vivait et que cette distinction était en l'espèce primordiale ; qu'en retenant qu'un droit de visite et d'hébergement accordé à Madame Z serait contraire à l'intérêt de l'enfant sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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