Jurisprudence : CJCE, 06-03-2001, aff. C-274/99, Bernard Connolly c/ Commission des Communautés européennes

CJCE, 06-03-2001, aff. C-274/99, Bernard Connolly c/ Commission des Communautés européennes

A5936AYI

Référence

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Cour de justice des Communautés européennes

6 mars 2001

Affaire n°C-274/99

Bernard Connolly
c/
Commission des Communautés européennes



61999J0274

Arrêt de la Cour
du 6 mars 2001.

Bernard Connolly contre Commission des Communautés européennes.

Pourvoi - Fonctionnaires - Procédure disciplinaire - Articles 11, 12 et 17 du statut - Liberté d'expression - Devoir de loyauté - Atteinte à la dignité de la fonction.

Affaire C-274/99P.

Recueil de jurisprudence 2001 page 0000

1 Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Liberté d'expression - Limitations - Interprétation étroite

(Art. 6, § 2, UE; convention européenne des droits de l'homme, art. 10, § 2)

2 Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Exercice - Limites - Protection des droits d'autrui - Relation de confiance entre une institution et ses fonctionnaires - Marge d'appréciation de l'administration - Portée - Contrôle juridictionnel

(Convention européenne des droits de l'homme, art. 10, § 2; statut des fonctionnaires, art. 11, 12 et 17)

3 Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Exercice - Limites - Protection des droits d'autrui - Publication de textes se rattachant à l'activité des Communautés - Limitation sous forme d'autorisation préalable - Refus d'autorisation - Conditions - Contrôle juridictionnel

(Convention européenne des droits de l'homme, art. 10, § 2; statut des fonctionnaires, art. 17, al. 2)

4 Fonctionnaires - Droits et obligations - Fonctionnaire en congé de convenance personnelle - Absence d'incidence

(Statut des fonctionnaires, art. 35)

5 Pourvoi - Moyens - Simple répétition des moyens et arguments présentés devant le Tribunal - Irrecevabilité

(Statut CE de la Cour de justice, art. 51)

6 Pourvoi - Moyens - Appréciation erronée des faits - Irrecevabilité - Contrôle par la Cour de l'appréciation des éléments de preuve - Exclusion sauf cas de dénaturation - Charge et administration de la preuve

(Art. 225 CE; statut CE de la Cour de justice, art. 51)

7 Fonctionnaires - Régime disciplinaire - Procédure devant le conseil de discipline - Instruction - Présentation orale du rapport par le rapporteur - Admissibilité

(Statut des fonctionnaires, annexe IX, art. 3)

8 Procédure - Motivation des arrêts - Arrêt d'annulation - Portée

(Statut CE de la Cour de justice, art. 51)

1 Les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. À cet effet, la Cour s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La convention européenne des droits de l'homme revêt, à cet égard, une signification particulière.

Ces principes ont été repris à l'article 6, paragraphe 2, UE.

Conformément à la jurisprudence de la Cour des droits de l'homme, la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme, elle vaut non seulement pour les "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent.

La liberté d'expression est susceptible de faire l'objet des limitations énoncées à l'article 10, paragraphe 2, de la convention, lesquelles appellent toutefois une interprétation étroite. L'adjectif "nécessaire", au sens de l'article 10, paragraphe 2, implique un besoin social impérieux et, si les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour juger de l'existence d'un tel besoin, l'ingérence doit être proportionnée au but légitime poursuivi et les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier doivent être pertinents et suffisants. En outre, toute restriction préalable requiert un examen particulier.

Par ailleurs, les restrictions doivent être prévues par des dispositions normatives libellées de façon suffisamment précise pour permettre aux intéressés de régler leur conduite en s'entourant au besoin de conseils éclairés.

(voir points 37-42)

2 Les fonctionnaires et agents des Communautés européennes jouissent du droit à la liberté d'expression, y compris dans les domaines couverts par l'activité des institutions communautaires. Cette liberté comprend celle d'exprimer, verbalement ou par écrit, des opinions discordantes ou minoritaires par rapport à celles défendues par l'institution qui les emploie.

Cependant, il est également légitime, dans une société démocratique, de soumettre, en raison de leur statut, les fonctionnaires à des obligations telles que celles contenues aux articles 11 et 12 du statut, destinées principalement à préserver la relation de confiance qui doit exister entre l'institution et ses fonctionnaires ou agents. La portée de ces obligations varie selon la nature des fonctions exercées par l'intéressé ou le rang qu'il occupe dans la hiérarchie. Des restrictions spécifiques à l'exercice de la liberté d'expression peuvent en principe trouver leur justification dans le but légitime de protéger les droits d'autrui au sens de l'article 10, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l'homme, en l'occurrence ceux des institutions chargées de missions d'intérêt général sur le bon accomplissement desquelles les citoyens doivent pouvoir compter.

Les règles qui expriment les devoirs et responsabilités qui pèsent sur la fonction publique européenne poursuivent ce but. Partant, un fonctionnaire ne pourrait, par une expression verbale ou écrite, violer ses obligations statutaires, résultant notamment des articles 11, 12 et 17 du statut, à l'égard de l'institution qu'il est censé servir, en rompant ainsi la relation de confiance qui l'unit à cette institution et en rendant ultérieurement plus difficile, voire impossible, l'accomplissement, en collaboration avec ce fonctionnaire, des missions dévolues à ladite institution.

En exerçant son contrôle, le juge communautaire doit vérifier, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, si un juste équilibre a été respecté entre le droit fondamental de l'individu à la liberté d'expression et l'intérêt légitime de l'institution à veiller à ce que ses fonctionnaires et agents oeuvrent dans le respect des devoirs et des responsabilités liés à leur charge. À cet égard, quand la liberté d'expression des fonctionnaires se trouve en jeu, les devoirs et responsabilités visés à l'article 10, paragraphe 2, de la convention revêtent une importance particulière qui justifie de laisser à l'administration une certaine marge d'appréciation pour juger si l'ingérence dénoncée est proportionnée au but légitime poursuivi.

(voir points 43-49)

3 L'article 17, second alinéa, du statut soumet à autorisation la publication de tout texte dont l'objet se rattache à l'activité des Communautés. Pareille autorisation ne peut être refusée que si la publication envisagée est de nature "à mettre en jeu les intérêts des Communautés". Cette dernière éventualité, énoncée de façon limitative par un règlement du Conseil, relève de la "protection des droits d'autrui", susceptible de justifier, selon l'article 10, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l'homme, tel qu'interprété par la Cour des droits de l'homme, une limitation à la liberté d'expression. La circonstance que la limitation en cause se présente sous la forme d'une autorisation préalable ne saurait la rendre contraire, comme telle, au droit fondamental de la liberté d'expression. En effet, le régime de l'article 17, second alinéa, du statut établit clairement le principe de la délivrance de l'autorisation, laquelle ne peut être refusée qu'à titre exceptionnel. Dès lors que cette disposition permet aux institutions de refuser l'autorisation de publication et prévoit ainsi la possibilité d'une ingérence sérieuse dans la liberté d'expression, qui constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, elle doit être interprétée limitativement et appliquée dans le strict respect de certaines conditions, telles que la présence d'un besoin social impérieux, la proportionnalité par rapport au but poursuivi, la pertinence et la suffisance des motifs invoqués par l'institution dans la décision de refus. Aussi, une autorisation de publication ne peut-elle être refusée que si la publication est de nature à causer un grave préjudice aux intérêts des Communautés.

Ce régime ne s'appliquant qu'aux publications se rattachant à l'activité des Communautés, il vise uniquement à permettre à l'institution d'être informée des opinions écrites exprimées par ses fonctionnaires ou agents en rapport avec cette activité et reflète la relation de confiance qui doit exister entre un employeur et ses agents, spécialement lorsqu'ils s'acquittent de fonctions élevées de nature publique.

Une décision de refus d'autorisation est susceptible de recours, conformément aux articles 90 et 91 du statut, et peut faire l'objet d'un contrôle juridictionnel effectif permettant aux juridictions communautaires de vérifier si l'autorité investie du pouvoir de nomination a exercé sa compétence au titre de l'article 17, second alinéa, du statut dans le strict respect des limites applicables à toute ingérence dans la liberté d'expression. Dans ce contexte, l'autorité investie du pouvoir de nomination, lorsqu'elle fait application de l'article 17, second alinéa, du statut, doit mettre en balance les différents intérêts en jeu en tenant compte notamment de la gravité de l'atteinte aux intérêts des Communautés.

(voir points 51-57)

4 Il ressort de manière manifeste du libellé de l'article 35 du statut qu'un fonctionnaire en congé de convenance personnelle ne perd pas sa qualité de fonctionnaire durant la période où il est placé dans une telle position. Il demeure donc soumis aux obligations qui incombent à tout fonctionnaire, sauf dispositions expresses contraires.

(voir point 69)

5 Dans le cadre d'un pourvoi, un moyen qui tend en réalité à obtenir de la Cour un simple réexamen des arguments présentés devant le Tribunal est irrecevable dès lors qu'il échappe, aux termes de l'article 51 du statut de la Cour de justice, à la compétence de celle-ci.

(voir point 76)

6 En l'absence de dénaturation des éléments de preuve ou de violation des principes généraux de droit et des règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve, les constatations de fait ainsi que l'appréciation par le Tribunal des éléments de preuve qui lui sont soumis échappent, par principe, au contrôle de la Cour dans le cadre d'un pourvoi.

Pour ce qui est des règles en matière de charge et d'administration de la preuve, il y a lieu de relever que, de façon générale, pour emporter la conviction du juge en ce qui concerne une allégation d'une partie ou, à tout le moins, son intervention directe dans la recherche des éléments de preuve, il ne suffit pas d'invoquer certains faits à l'appui de sa prétention; il faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou leur vraisemblance.

(voir points 83, 100, 113-114)

7 S'agissant de la nécessité d'établir un rapport écrit devant le conseil de discipline, l'article 3 de l'annexe IX du statut se limite à prévoir la mission du rapporteur sans prescrire de formalités particulières pour son exécution, comme la production d'un rapport écrit ou encore la communication aux parties d'un tel rapport. Il n'est donc pas exclu qu'un rapport puisse être présenté oralement par le rapporteur aux autres membres du conseil de discipline.

(voir point 112)

8 L'obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci soit tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s'il ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis et ne repose pas sur des éléments de preuve circonstanciés.

(voir point 121)

Dans l'affaire C-274/99 P,

Bernard Connolly, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté par Mes J. Sambon et P.-P. van Gehuchten, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (première chambre) du 19 mai 1999, Connolly/Commission (T-34/96 et T-163/96, RecFP p. I-A-87 et II-463), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valsesia et J. Currall, en qualité d'agents, assistés de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, A. La Pergola, M. Wathelet (rapporteur) et V. Skouris, présidents de chambre, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, P. Jann, L. Sevón, R. Schintgen et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 12 septembre 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 19 octobre 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 juillet 1999, M. Connolly a, en vertu de l'article 49 du statut CE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 19 mai 1999, Connolly/Commission (T-34/96 et T-163/96, RecFP p. I-A-87 et II-463, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel le Tribunal a rejeté, d'une part, le recours en annulation qu'il avait introduit à l'encontre de l'avis du conseil de discipline du 7 décembre 1995 ainsi que de la décision du 16 janvier 1996 de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'"AIPN"), prononçant sa révocation sans perte de ses droits à une pension d'ancienneté (ci-après la "décision de révocation"), et, d'autre part, sa demande de dommages-intérêts.

Le cadre juridique

2 Aux termes de l'article 11 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le "statut"):

"Le fonctionnaire doit s'acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts des Communautés, sans solliciter ni accepter d'instructions d'aucun gouvernement, autorité, organisation ou personne extérieure à son institution.

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