Jurisprudence : Cass. soc., 09-04-2002, n° 99-44.534, inédit, Rejet



SOC.
N PRUD'HOMMESC.F
COUR DE CASSATION
Audience publique du 9 avril 2002
Rejet
M. SARGOS, président
Pourvoi n° B 99-44.534
Arrêt n° 1346 FS D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par le Groupement d'intérêt économique (GIE) G 3 M, dont le siège est Rueil Malmaison,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 juin 1999 par la cour d'appel de Paris (18ème chambre sociale, section C), au profit de M. Antoine Y, demeurant Marseille,
défendeur à la cassation ;
M. Y a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 février 2002, où étaient présents M. Sargos, président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Merlin, Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, conseillers, M. Poisot, MM. Soury, Liffran Besson, Mmes Maunand, Nicolétis, Auroy, conseillers référendaires, M. Bruntz, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat du Groupement d'intérêt économique G 3 M, les conclusions de M. Bruntz, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Y, engagé le 1er novembre 1983 en qualité de spécialiste d'entretien par la société Mainex et promu le 1er septembre 1991 contremaître 2e échelon coefficient 330 de la convention collective des équipements thermiques, dont le contrat de travail a été transféré le 1er avril 1996 au GIE G 3 M qui a repris le marché de maintenance de l'ensemble immobilier Maine-Montparnasse auquel il était affecté, a été licencié le 24 juin 1998 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de rappel de salaire et de prime pour la période non prescrite d'avril 1993 à août 1998, et de dommages et intérêts, en application du principe "à travail égal, salaire égal" ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 10 juin 1999) de l'avoir condamné à verser au salarié des sommes à titre de rappel de salaire pour la période du 1er avril 1996 au 31 août 1998 et à titre de congés payés correspondant, alors, selon le moyen, que
1°/ l'appréciation de la qualité du travail effectué par les salariés, portée par l'employeur sur des fiches individuelles d'évaluation interne établies à l'issue de chaque année, constitue une justification des différences entre les salaires de chacun des salariés, quand bien même ces fiches ne seraient pas signées du salarié, qu'en retenant que l'employeur ne pouvait se fonder sur de tels éléments d'évaluation pour justifier la disparité de salaire existant, la cour d'appel a violé l'article L 140-2 du Code du travail ;
2°/ les fiches d'évaluation établies en octobre et novembre 1997 par le nouvel employeur des salariés dont les contrats de travail avaient été repris en avril 1996 justifiaient la disparité entre la rémunération du salarié et celle de son collègue depuis cette date, et en tout cas, à partir de 1997 ; qu'en ne s'expliquant pas sur la justification de la disparité de salaire pour l'année 1998, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 140-2 et L 122-12 du Code du travail ;
3°/ l'employeur soutenait, dans ses conclusions d'appel, que l'expérience du salarié à des fonctions d'encadrement était moins grande que celle de son collègue ; qu'en se bornant à comparer la durée de leur expérience professionnelle respective, sans rechercher, comme elle y était invitée par l'employeur, si la différence de salaire n'était pas justifiée par la moindre expérience du salarié à un poste d'encadrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 140-2 du Code du travail ;
4°/ l'avenant du 28 janvier 1991 à la convention collective applicable, s'il permet à l'employeur de prendre en compte les diplômes pour le classement du salarié lors de son embauche et pendant l'année suivant la période d'adaptation, n'interdit nullement à l'employeur de prendre en compte les diplômes pour justifier le niveau de la rémunération d'un salarié plusieurs années après son embauche et ses promotions ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L 140-2 du Code du travail ;
5°/ l'assiduité au travail est un des critères objectifs mesurables que l'employeur peut invoquer pour justifier une différence de salaires ; qu'en retenant que la différence entre le salaire de l'intéressé et celui de son collègue ne pouvait être fondée sur ses absences pour maladie régulièrement justifiées ou sur le congé pour convenance personnelle qu'il avait pris avec l'accord de son employeur, la cour d'appel a violé l'article L 140-2 du Code du travail ;
Mais attendu qu'il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié qui a soumis au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de rémunération, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Et attendu qu'après avoir constaté la différence de traitement entre le salarié et un autre salarié exerçant les mêmes fonctions aux mêmes conditions et au même grade depuis le 1er septembre 1991, la cour d'appel qui a relevé, sans encourir les griefs du moyen, que l'employeur n'établissait pas que la distinction opérée entre les deux salariés était fondée sur des critères objectifs a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deux moyens réunis du pourvoi incident du salarié
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes de rappel de salaire avant le 1er avril 1996 et de ses demandes d'indemnités pour préjudice matériel et moral, alors, selon les moyens, que
1°/ les articles 1er et 3ème de la directive du 14 février 1977 du conseil des communautés européennes et l'article L 122-12 alinéa 2 du Code du travail s'appliquent, même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d'une entité économique concernant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, qu'en l'espèce le GIE a repris le même contrat que le cédant, que l'exploitation de l'EITMM utilise les mêmes locaux pour poursuivre cette exploitation (postes de contrôles, ateliers, outillages, magasin, ainsi que divers locaux), a repris le personnel pour poursuivre l'exploitation, et la même clientèle que celle du cédant ; que les directives européennes, la Cour de justice européenne ainsi que la Cour de Cassation réunies en assemblée plénière ont admises que le lien de droit n'était plus nécessaire entre les employeurs successifs, qu'en affirmant le contraire la cour d'appel a violé les directives européennes 77/187, 98/90 et n'a pas pris en considération les arrêts de la Cour de justice européenne et la jurisprudence de la Cour de Cassation ;
2°/ il n'est pas contesté que le GIE G3M a succédé à la société Mainex et ce pour assurer l'exploitation technique de l'ensemble immobilier de la tour Maine Montparnasse, qu'un lien de droit existe entre les deux entreprises, qu'en effet le GIE ( cessionnaire) est composé de 50 % des parts de la société SECMA, composante également de la société Mainex (cédant) ; que la cour d'appel a donc privé sa décision de base légale au regard du lien juridique existant entre les deux entreprises ;
3°/ le salarié a souffert de la discrimination salariale dont il a été victime et ce pendant plusieurs années ; que ladite discrimination s'est accentuée suite à ses arrêts pour maladie pourtant dûment justifiés, que le préjudice moral a atteint son amplitude en premier lieu par des menaces de licenciement, puis par le licenciement ; que le préjudice matériel est caractérisé par le manque à gagner durant des années, ce qui a freiné le salarié dans ses ambitions à mieux vivre, par la perte sur ses points de retraite complémentaire qui le pénalisera au jour de son droit à la retraite sa vie durant, par les indemnités moindres perçues pendant la période de chômage qui a fait suite à son licenciement ; qu'en s'engageant à demander l'égalité de salaire par-devant le conseil de prud'hommes plutôt que d'intenter une action pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a fait valoir qu'il entendait avant tout que ses capacités soient reconnues, que ce dernier a beaucoup souffert moralement durant des années de cette discrimination vexatoire, qu'ainsi la cour d'appel a reconnu que le travail du salarié n'était pas de moindre valeur que celui d'un autre salarié, qu'en affirmant que cette discrimination n'avait pas causé de préjudice moral et matériel au salarié la cour d'appel a violé l'article L 122-45 du Code du travail ;
Mais attendu d'abord qu'après avoir exactement retenu que selon l'article L 122-12-1 du Code du travail le nouvel employeur n'est pas tenu à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent par application de l'article L 122-12 du Code du travail, des obligations qui incombaient à l'ancien employeur lorsque la modification intervient dans le cadre d'une substitution d'employeurs sans convention entre ceux-ci, la cour d'appel a constaté que le GIE G3 M s'était substitué à la société Mainex sans que soit alléguée l'existence d'une telle convention, de sorte que nonobstant la présence d'un actionnaire commun dans les deux sociétés le nouvel employeur n'était pas tenu des créances éventuelles du salarié à l'encontre de son ancien employeur ;
Et attendu ensuite qu'en condamnant l'employeur au paiement d'une somme à titre de rappel de salaire en raison de la discrimination constatée, la cour d'appel a nécessairement estimé que le préjudice subi par le salarié était réparé par cette condamnation ;

D'où il suit que le moyen pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille deux.

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