CIV.3
JL
COUR DE CASSATION
Audience publique du 20 mars 2002
Rejet
M. WEBER, président
Pourvoi n° M 99-11.745
Arrêt n° 583 FS P+B
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Entreprise Thelu, société anonyme, dont le siège est Calais,
en cassation de trois arrêts rendus les 30 novembre 1998, 12 décembre 1994 et 24 avril 1989 par la cour d'appel de Douai (1re chambre), au profit
1°/ de la société civile immobilière (SCI) Les Cyclades, dont le siège est Paris,
2°/ du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Cyclades, pris en la personne de son syndic en exercice, selon les mentions des arrêts, le cabinet Gapi, société à responsabilité limitée, dont le siège est Lille,
3°/ de M. Régis Y, demeurant Croix,
4°/ de la société Entreprise sanitaire du Nord (ESN), société à responsabilité limitée, dont le siège est Calais,
5°/ de M. ..., ès qualité de syndic au règlement judiciaire de la société Basset, demeurant Roubaix,
6°/ de la société Basset, société anonyme en règlement judiciaire, dont le siège est Roubaix,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 février 2002, où étaient présents M. ..., président, Mme ..., conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Villien, Cachelot, Martin, Mme Gabet, conseillers, Mmes Fossaert-Sabatier, Boulanger, Nési, M. Jacques, conseillers référendaires, M. ..., avocat général, Mme ..., greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme ..., conseiller, les observations de Me Ricard, avocat de la société Entreprise Thelu, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la SCI Les Cyclades, du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Cyclades et de M. Y, les conclusions de M. ..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Entreprise Thelu du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contrela société Entreprise sanitaire du Nord, M. ..., ès-qualités de syndic au règlement judiciaire de la société Basset et la société Basset ;
Sur le premier moyen
Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 24 avril 1989, 12 décembre 1994 et 30 novembre 1998), que la société civile immobilière Les Cyclades (la SCI) a fait construire en 1976 et 1977, pour les vendre en l'état futur d'achèvement, un immeuble collectif et des studios et villas avec le concours de la société Entreprise Thelu (société Thelu) ; que la société Thelu a assigné en paiement d'un solde de factures la SCI qui a demandé par voie reconventionnelle la réparation de désordres et de malfaçons ; qu'un jugement devenu irrévocable du 31 mars 1978 a constaté l'accord des parties sur les offres de règlement par la SCI, à peine de déchéance du terme, du solde du marché, et d'exécution par la société Thelu des travaux de réfection des malfaçons ; qu'aux résultats de l'expertise ordonnée par cette décision, la SCI a demandé la réparation de nouveaux désordres et la société Thelu le règlement de diverses sommes ; que dans le cours de l'instance d'appel, le syndicat des copropriétaires puis M. Y, copropriétaire, sont intervenus volontairement ;
Attendu que la société Thelu fait grief à l'arrêt du 24 avril 1989 de déclarer recevable l'intervention du syndicat des copropriétaires, alors, selon le moyen
1°/ que les juges du fond ne sont pas saisis de conclusions qui ne sont pas déposées, signifiées et produites ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les conclusions par lesquelles en septembre 1986 le syndic du syndicat des copropriétaires aurait déclaré intervenir spontanément en vertu de l'article 126, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile" n'ont pu être produites par aucune des parties et ne figurent pas au dossier de la cour d'appel ; qu'en retenant néanmoins que la prescription avait été interrompue par ces conclusions en faveur de la copropriété, la cour d'appel a violé les articles 961 et 962 du nouveau Code de procédure civile ;
2°/ qu'en application de l'article 554 du nouveau Code de procédure civile, si peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance, c'est à la condition que l'intervenant ne soumette pas un litige nouveau n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction ; qu'en l'espèce, la SCI Les Cyclades avait par conclusions du 18 octobre 1988 demandé qu'il lui soit donné acte de ce que l'ensemble de ses demandes est fondé exclusivement sur les rapports contractuels existant entre elle et l'entreprise Thelu, c'est-à-dire notamment sur les articles 1134 et 1142 du Code civil ; que dès lors, en déclarant que l'action engagée par la SCI restée copropriétaire de deux lots et visant les parties communes est interruptive de prescription en faveur du syndicat des copropriétaires intervenant, la garantie décennale attachée aux parties communes présentant un caractère indivisible, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la demande reconventionnelle de la SCI et l'intervention volontaire du syndicat des copropriétaires, qui tendaient à la réparation des mêmes vices, étaient indivisibles, la cour d'appel a, sans modifier l'objet du litige et abstraction faite d'un motif surabondant relatif à la date d'interruption de la prescription par les conclusions d'intervention volontaire du syndicat des copropriétaires, pu en déduire que la demande de la SCI formée avant l'expiration du délai de la garantie décennale avait interrompu le délai de cette garantie au profit du syndicat des copropriétaires ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
Attendu que la société Thelu n'ayant pas, dans ses conclusions d'appel, demandé la résolution de l'accord intervenu entre les parties tel que constaté par le jugement du 31 mars 1978, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé
Attendu, d'une part, que le pourvoi formé contre l'arrêt du 24 avril 1989 étant rejeté, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence est devenu sans portée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'elle avait été expressément saisie dans le cours de la procédure ayant donné lieu à son précédent arrêt par la société Thelu du moyen pris de l'irrecevabilité de l'intervention du syndicat des copropriétaires pour absence de mandat spécial autorisant le syndic à ester en justice conformément aux dispositions de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 et qu'il avait été statué sur cette fin de non recevoir par cet arrêt qui avait, dans son dispositif, déclaré recevable l'intervention du syndicat des copropriétaires, la cour d'appel a pu retenir, sans violer l'autorité de la chose jugée et sans être tenue de répondre à des conclusions que sa décision rendait inopérantes, que la question de la recevabilité de l'intervention du syndicat des copropriétaires avait été définitivement tranchée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen, ci-après annexé
Attendu, d'une part, que le pourvoi formé contre l'arrêt du 24 avril 1989 étant rejeté, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence est devenu sans portée ;
Attendu, d'autre part, que la société Thelu n'ayant pas, dans ses conclusions d'appel, soutenu que M. Y était irrecevable en son intervention volontaire, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;
Et attendu qu'aucun des moyens n'est dirigé contre l'arrêt du 12 décembre 1994 ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Entreprise Thelu aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Entreprise Thelu à payer à la SCI Les Cyclades, au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Cyclades et à M. Y, ensemble, la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille deux.