Jurisprudence : CE 9/10 SSR,08-03-2002, n° 221465

CE 9/10 SSR,08-03-2002, n° 221465

A2556AYC

Référence

CE 9/10 SSR,08-03-2002, n° 221465. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1086160-ce-910-ssr08032002-n-221465
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Abstract

L'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, stipule que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". Par un arrêt du 8 mars 2002, le Conseil d'Etat confirme que la matière fiscale ne relève ni de la matière civile ou privée, ni de la matière pénale.

ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

N° 221465

MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT

c/ société COFIFAP

M. Mahé, Rapporteur
M. Goulard, Commissaire du gouvernement

Séance du 22 février 2002
Lecture du 8 mars 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours, enregistré le 25 mai 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT; le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 mars 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société COFIFAP la décharge de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux à laquelle elle a été assujettie au titre des travaux autorisés par un permis de construire en date du 10 décembre 1991 délivré en vue de la démolition et de la reconstruction d'un bâtiment à usage de bureau situé 7-9, avenue de Messine et 8-10, rue de Téhéran, dans le huitième arrondissement de Paris;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 60-790 du 2 août 1960 ;

Vu la loi n° 82-1020 du 3 décembre 1982 ;

Vu le décret n° 68-193 du 23 février 1968 ;

Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 ;

Vu le décret n° 83-1261 du 30 décembre 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique

- le rapport de M. Mahé, Auditeur,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la compagnie financière et foncière à Paris (COFIFAP),

- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme, qui reprend en les codifiant des dispositions issues de la loi n° 60-790 du 2 août 1960 : "Dans les zones comprises dans les limites de la région d'Ile-de-France, il est perçu une redevance à occasion e a construction e locaux a usage e bureaux..." ; qui résulte es énonciations e l'arrêt attaqué qu'à la suite de la démolition et de la reconstruction d'un immeuble de bureaux situé dans le huitième arrondissement de Paris, la société COFIFAP, aux droits de laquelle vient la société White Sas, a, en application de ces dispositions, été assujettie à une redevance dont le montant a été fixé à 12 977 728 F par une décision du maire de Paris en date du 23 avril 1992 ;

Considérant que le montant de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux est, aux termes de l'article R. 520-6 du code de l'urbanisme, "arrêté par décision du ministre chargé de l'urbanisme ou de son délégué" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 23 février 1968, "délégation est donnée au préfet de Paris et aux préfets des départements de la région parisienne pour prendre au lieu et place du ministre de l'équipement et du logement toutes décisions prévues par la loi n° 60-790 du 2 août 1960...", au nombre desquelles figurent celles relatives à la fixation du montant de la redevance pour création de locaux à usage de bureau; que, lorsque le maire a reçu compétence pour la délivrance des permis de construire, le premier alinéa de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme dispose que: "La détermination de l'assiette et la liquidation des impositions dont la délivrance du permis de construire constitue le fait générateur peuvent être confiées, sur sa demande ou avec son accord, à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, lorsqu'elle est autre que l'Etat , par arrêté du préfet pris sur proposition du responsable du service de l'Etat dans le département, chargé de l'urbanisme" ; que le deuxième alinéa du même article précise que "cette autorité est substituée au responsable du service de L'Etat dans le département, chargé de l'urbanisme, pour exercer cette mission au nom de l'Etat" ; que par un arrêté du 30 mars 1984 pris en application de ces dispositions, le préfet de Paris a transféré au maire de Paris la compétence qu'il tenait du décret du 23 février 1968 précité pour fixer le montant de la redevance pour création de locaux à usage de bureau;

Considérant qu'il résulte du premier alinéa de l'article R. 424-1 précité que la délégation de pouvoir qu'il prévoit au profit des maires peut être instituée pour l'ensemble des impositions dont la délivrance du permis de construire constitue le fait générateur et non uniquement pour celles d'entre elles qui sont assises et liquidées par le responsable du service de l'Etat chargé de l'urbanisme ; que la redevance pour création de locaux à usage de bureaux dont l'avis de mise en recouvrement doit en vertu de l'article L. 520-2 du code de l'urbanisme être émis dans les deux ans qui suivent la délivrance du permis de construire ou les déclarations qui lui sont assimilées en vertu des articles L.520-9 et 8.422-3 du même code entre, pour l'application de l'article R. 424-1 précité, dans la catégorie des impositions dont le permis de construire constitue le fait générateur; qu'en se fondant sur le motif que la fixation du montant de cette redevance ne relevait pas de la compétence du responsable du service de l'Etat chargé de l'urbanisme pour juger que le préfet ne pouvait faire usage de la délégation de pouvoir prévue par l'article 8.424-1 et pour en tirer la conséquence que la décision du maire de Paris du 23 avril 1992 fixant le montant de l'imposition contestée était entachée d'incompétence, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit être annulé pour ce motif;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, par un jugement en date du 13 décembre 1995, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la redevance contestée au motif que l'arrêté du 30 mars 1984, fondant la compétence du maire de Paris pour fixer le montant de cette redevance, n'aurait pu entrer en vigueur faute de mesures de publicité suffisantes ;

Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la loi du 29 décembre 1997: "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont réputées régulières les impositions assises et liquidées jusqu'au 9 novembre 1995 en application de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme et sur le fondement de l'arrêté du préfet de Paris en date du 30 mars 1984, en tant qu'elles seraient contestées pour un motif tiré de l'incompétence du maire de Paris résultant du défaut d'affichage de l'arrêté précité" ; que ces dispositions font obstacle à ce que les contribuables puissent utilement se prévaloir de la publicité insuffisante dont l'arrêté du 30 mars 1984 aurait fait l'objet ; que si la société redevable soutient qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles: "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle", il résulte du texte même de cet article qu'il ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt, qui, en l'absence de contestation propre aux pénalités, ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ; qu'ainsi, le motif tiré de l'incompétence du maire de Paris pour fixer le montant de la redevance contestée, sur lequel le tribunal administratif de Paris s'est fondé pour prononcer sa décharge, ne peut être maintenu ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant en appel que devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le maire de Paris a fixé le montant de la redevance contestée par une décision du 23 avril 1992, postérieure au fait générateur de cette imposition, constitué par la décision du 10 décembre 1991 délivrant un permis de construire à la société COFIFAP en vue de procéder à la démolition et à la reconstruction d'un immeuble de bureaux ; qu'aucune disposition de nature législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de différer jusqu'au début des travaux la fixation du montant de la redevance pour création de locaux à usage de bureau ; que la société n'est donc pas fondée à soutenir que, faute d'avoir attendu le commencement des travaux pour arrêter ce montant, le maire de Paris aurait entaché d'irrégularité sa décision du 23 avril 1992 ;

Considérant que si, aux termes de l'article A. 520-4 du code de l'urbanisme

"La décision .... liquidant le montant de la redevance... est adressée au directeur départemental des services fiscaux, dans le délai de trois mois à compter de la date du permis de construire...", ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité ; qu'il y a donc lieu d'écarter également le moyen tiré de ce que le maire de Paris aurait tardé à prendre et à transmettre au directeur des services fiscaux la décision fixant le montant de la redevance contestée ;

Considérant que, par la généralité de ses termes, l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme est applicable à toutes les constructions de locaux à usage de bureaux, sous réserve des exonérations prévues par certaines dispositions du code précité, alors même qu'il s'agirait, comme en l'espèce, d'une construction destinée à remplacer un immeuble entièrement démoli qui était déjà à usage de bureaux ; que la société n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû être taxée sur le simple agrandissement de la surface de bureaux résultant de l'opération de reconstruction qu'elle a réalisée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT. DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 décembre 1995, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société COFIFAP de la redevance pour création de locaux à usage de bureau à laquelle elle a été assujettie au titre des travaux autorisés par le permis de construire du 10 décembre 1991 ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société White Sas la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE:

Article 1er : L'arrêt du 16 mars 2000 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 13 décembre 1995 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La redevance pour création dé locaux à usage de bureau à laquelle la société COFIFAP a été assujettie pour un montant de 12 977 728 F (1 978 441,88 euros) au titre des travaux autorisés par le permis de construire du 10 décembre 1991 est remise à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de la société COFIFAP tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et à la société COFIFAP.

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