Jurisprudence : CE 3/8 SSR, 23-01-2002, n° 216733

CE 3/8 SSR, 23-01-2002, n° 216733

A1028AYQ

Référence

CE 3/8 SSR, 23-01-2002, n° 216733. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1084606-ce-38-ssr-23012002-n-216733
Copier

Abstract

La notification qui ne donne aucune précision ni sur les termes de comparaison choisis ni sur le mode de calcul retenu pour déterminer le niveau normal d'une rémunération dont la déduction est contestée, n'est pas régulière (CE du 23 janvier 2002, n° 216733)..



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil Lebon

N° 216733

SOCIETE PROTEC

Mlle Robineau, Rapporteur
M. Austry, Commissaire du gouvernement

Séance du 19 décembre 2001
Lecture du 23 janvier 2002

484


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 17 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCiETE PROTEC, dont le siège est 23, rue du Haut Point B.P. 13 à Riedisheim (68400), représentée par son président directeur général en exercice; la SOCIETE PROTEC demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 25 novembre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 7 août 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1984 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique:

- le rapport de Mlle Robineau, Auditeur,

- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE PROTEC,

- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la SOCIETE PROTEC a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 1981 à 1984 ; qu'a notamment été réintégrée dans les résultats de l'entreprise, sur le fondement de l'article 39-1-l° du code général des impôts, une prime de 150 000 F. jugée excessive, inscrite en frais à payer au 31 décembre 1981 et versée en 1982 à son président directeur général, M. Kiss ; que la SOCIETE PROTEC se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 novembre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, confirmant le jugement du 7 août 1995 du tribunal administratif de Strasbourg, refusé de la décharger des compléments d'impôt sur les sociétés susmentionnés ;

Considérant qu'en jugeant que la portée de l'acceptation donnée par la SOCIETE PROTEC aux redressements notifiés n'a pas été affectée par les circonstances dans lesquelles cette acceptation a été donnée, la cour a suffisamment répondu au moyen que la requérante entendait tirer des prétendues pressions exercées par le vérificateur en vue de cette acceptation pour démontrer la nullité de la procédure de redressement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE PROTEC s'est bornée à alléguer sans autres précisions que les frais qu'elle a supportés pour le compte de sa filiale américaine étaient de nature à lui faciliter l'entrée sur ce marché ; que, par suite, la cour n'a pas entaché de dénaturation son appréciation souveraine des pièces du dossier en jugeant que la prise en charge de ces frais par la SOCIETE PROTEC n'avait pas de contrepartie réelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1-1° du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment: 1 ° (...) Les dépenses de personnel et de main d'œuvre (...): Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu" ; que, pour déterminer le montant des fractions de salaires considérées comme excessives versées par la SOCIETE PROTEC à M. Kiss, l'administration a additionné l'ensemble des rémunérations versées à ce dernier non seulement par la SOCIETE PROTEC, mais encore par deux autres sociétés également contrôlées et dirigées -par lui, a comparé la somme ainsi obtenue avec la moyenne des rémunérations versées à leurs dirigeants par sept entreprises retenues comme termes de comparaison, en a déduit un salaire global annuel admis comme non exagéré puis a ventilé la différence entre la somme des trois salaires annuels perçus par M. Kiss et le salaire global annuel admis comme non exagéré entre les trois entreprises de M. Kiss. en collaboration avec l'expert-comptable et le président de la SOCIETE PROTEC, sans que cette répartition soit fondée sur des critères objectifs ; qu'en procédant de la sorte, sans rechercher si le salaire versé par la seule SOCIETE PROTEC à M. Kiss était proportionné aux services rendus par ce dernier à cette société, l'administration a utilisé une méthode de reconstitution des charges normales de la SOCIETE PROTEC qui, par son caractère globalisant, était contraire aux dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts ; qu'en validant cette méthode, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit dès lors être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la requérante relatives aux compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1981 à raison de la prime de 150 000 F versée à M. Kiss ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales

"L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation" ; que par une notification de redressement en date du 22 novembre 1985, l'administration a informé la SOCIETE PROTEC qu'elle envisageait de réintégrer dans ses résultats imposables une fraction des rémunérations versées à M. Kiss, au motif que "la comparaison des rémunérations allouées à M. Kiss tant avec celles attribuées à l'ensemble des autres salariés ou cadres de la société qu'avec celles octroyées aux dirigeants d'autres sociétés exerçant une activité semblable confère à celles-ci un caractère manifestement exagéré" ; que l'administration, en ne donnant aucune précision ni sur les termes de comparaison choisis ni sur le mode de calcul retenu pour déterminer le niveau normal de la rémunération, n'a pas mis la société en mesure de formuler utilement ses observations ; que, dès lors, la procédure d'imposition est entachée d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge des impositions contestées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens ni ceux qu'invoque l'administration pour défendre le bien fondé de l'impôt, la SOCIETE PROTEC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a refusé de la décharger des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration dans ses bénéfices imposables de l'année 1981 de la prime de 150 000 F versée par la SOCIETE PROTEC à M. Kiss ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE PROTEC la somme de 2 500 euros (16 398,93 F) qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE::

Article 1er : L'arrêt du 25 novembre 1999 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la requête de la SOCIETE PROTEC relatives aux compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1981 à raison des rémunérations versées à M. Kiss.

Article 2 : Le jugement du 7 août 1995 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la requête de la SOCIETE PROTEC relatives aux compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1981 à raison des rémunérations versées à M. Kiss.

Article 3 : La SOCIETE PROTEC est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1981 à raison des rémunérations versées à M. Kiss.

Article 4 : L'Etat est condamné à payer à la SOCIETE PROTEC la somme de 2 500 euros (16 398,93 F) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PROTEC et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - CONTRIBUTIONS ET TAXES

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.