SOC.
SÉCURITÉ SOCIALEC.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 17 janvier 2002
Cassation partielle sans renvoi
M. SARGOS, président
Pourvoi n° E 00-13.091
Arrêt n° 239 FS P+B+R
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Corse, dont le siège est Ajaccio ,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 janvier 2000 par la cour d'appel de Bastia (Chambre sociale), au profit de la société Corse air international, société anonyme dont le siège social est Rungis Cedex,
défenderesse à la cassation ;
La société Corse air international a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 novembre 2001, où étaient présents M. Sargos, président, M. Duffau, conseiller rapporteur, MM. Gougé, Ollier, Thavaud, Dupuis, Mme Duvernier, M. Trédez, conseillers, MM. Petit, Paul-Loubière, Mme Slove, conseillers référendaires, M. Bruntz, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Duffau, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Corse, de Me Luc-Thaler, avocat de la société Corse air international, les conclusions de M. Bruntz, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales dues par la société Corse air international la valeur des uniformes fournis au personnel navigant, le coût du logement de celui-ci en hôtel pendant le déroulement des escales, ainsi que les allocations forfaitaires de repas versées à ce personnel bénéficiaire d'une déduction fiscale supplémentaire pour frais professionnels dont le montant avait déjà été exclu par l'employeur de la base de calcul de ses cotisations ; que la cour d'appel (Bastia, 25 janvier 2000) a débouté la société de son recours en ce qui concerne les frais d'hébergement et les allocations forfaitaires de repas du personnel navigant ;
Sur les deux moyens réunis du pourvoi incident, le premier pris en ses deux branches
Attendu que la société Corse air fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi, alors, selon le premier moyen
1°/ que sont engagées pour le compte de la compagnie aérienne, et constituent donc pour celle-ci des charges d'exploitation et non des fraisprofessionnels, des dépenses d'hébergement des personnels navigants pendant le temps d'arrêt entre les vols longs et moyens courriers, qui est imposé par les dispositions du Code de l'aviation civile et au cours duquel le personnel reste à la disposition de l'employeur sans que le lien de subordination soit rompu ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1er et 4 de l'arrêté du 26 mai 1975 ;
2°/ que constituent des frais d'entreprise et non des frais professionnels les dépenses qui sont imposées dans leur nature et leur montant par l'employeur au salarié ; qu'en l'espèce, la compagnie Corse air faisait valoir dans ses conclusions qu'elle était tenue pour des raisons évidentes d'organisation et de sécurité de loger l'ensemble des personnels navigants sur un même site et de réserver en permanence des nuits d'hôtel de façon à éviter à ces personnels d'avoir à rechercher un hébergement au gré de leur fortune personnelle et du remplissage des hôtels, ce dont il résultait que les salariés n'avaient pas le choix de leur hébergement qui leur était imposé par l'employeur ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a encore violé le même texte ;
et alors, selon le second moyen, que selon l'article 4 de l'arrêté du 26 mai 1975, l'employeur qui pratique un abattement forfaitaire pour frais professionnels sur l'assiette des cotisations doit réintégrer dans cette assiette les indemnités allouées aux salariés à moins qu'il n'en soit disposé autrement en matière fiscale ; que l'administration fiscale admet expressément, s'agissant des personnels navigants employés par les compagnies aériennes, qui, bénéficiant d'un abattement forfaitaire pour frais professionnels, doivent réintégrer dans leur base d'imposition les indemnités allouées au titre des repas pris hors de leur résidence, que les indemnités de repas allouées pour les escales à l'étranger ne doivent être prises en compte que pour le montant qu'elles atteindraient en francs si elles étaient déterminées d'après le tarif applicable aux déplacements effectués sur le territoire métropolitain ; qu'en l'espèce, le montant de l'allocation de repas allouée par la société Corse air international à ses personnels navigants pour compenser la différence entre les prix de repas pris et payés en France et ceux pris et payés à l'étranger est calculé selon des barèmes prenant en compte pour chaque pays concerné le taux de change et le contexte économique local ; que dès lors, en décidant que la somme correspondant à cette différence, expressément exclue par l'administration fiscale de l'application de la règle de non-cumul de l'abattement forfaitaire pour frais professionnels et la déduction des frais réels, devait être réintégrée dans l'assiette des cotisations, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'arrêté du 26 mai 1975 ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté interministériel du 26 mai 1975, lorsque l'employeur déduit de la base de ses cotisations le montant de l'abattement forfaitaire pour frais professionnels consenti à ses salariés par l'administration fiscale, la base des cotisations est constituée, sauf dérogation expresse de cette Administration, non seulement par les indemnités versées à titre de remboursement de frais professionnels, mais par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, gratifications ou autres, acquises aux intéressés ; que l'arrêt relève que les frais pris en charge par la société Corse air ainsi que les allocations forfaitaires de repas constituent des avantages liés à la fonction ou à l'emploi ; qu'ayant fait ressortir qu'aucun des chefs de redressement litigieux n'entrait dans la catégorie des frais d'entreprise, la cour d'appel, qui a constaté que la société Corse air ne justifiait pas d'une décision expresse de l'administration fiscale lui reconnaissant le droit de pratiquer une déduction supplémentaire, a exactement décidé que ces avantages devaient être réintégrés pour leur montant global dans l'assiette des cotisations sociales dues par l'employeur ; qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal
Vu l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour annuler le redressement portant sur la fourniture de vêtements au personnel navigant et dire que celle-ci constitue des frais d'entreprise exclusifs de toute cotisation sociale, la cour d'appel retient que la mise à disposition d'uniformes dont le port est obligatoire et qui confère à l'équipage une marque distinctive visible immédiatement des passagers contribue à l'exécution par l'entreprise de son activité commerciale et de ses obligations d'information et de sécurité vis-à-vis de sa clientèle ;
Attendu, cependant, que la prise en charge de vêtements ou équipements par l'employeur ne constitue le remboursement de frais professionnels que s'ils sont destinés à assurer la protection des salariés ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le redressement portant sur la fourniture de vêtements au personnel navigant, l'arrêt rendu le 25 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette le recours de la société Corse air international ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Corse et de la société Corse air international ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille deux.