Jurisprudence : CJCE, 20-11-2001, aff. C-414/99, Zino Davidoff SA c/ A & G Imports Ltd (C-414/99)

CJCE, 20-11-2001, aff. C-414/99, Zino Davidoff SA c/ A & G Imports Ltd (C-414/99)

A5840AXL

Référence

CJCE, 20-11-2001, aff. C-414/99, Zino Davidoff SA c/ A & G Imports Ltd (C-414/99). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1076846-cjce-20112001-aff-c41499-zino-davidoff-sa-c-a-g-imports-ltd-c41499
Copier
Cour de justice des Communautés européennes

20 novembre 2001

Affaire n°C-414/99

Zino Davidoff SA
c/
A & G Imports Ltd (C-414/99)



ARRÊT DE LA COUR

20 novembre 2001 (1)

"Marques - Directive 89/104/CEE - Article 7, paragraphe 1 - Épuisement du droit conféré par la marque - Mise sur le marché en dehors de l'EEE - Importation dans l'EEE - Consentement du titulaire de la marque - Nécessité d'un consentement exprès ou implicite - Loi applicable au contrat - Présomption de consentement - Inapplicabilité"

Dans les affaires jointes C-414/99 à C-416/99,

ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 234 CE, par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patent Court)(Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Zino Davidoff SA

et

A & G Imports Ltd (C-414/99),

entre

Levi Strauss & Co.,

Levi Strauss (UK) Ltd

et

Tesco Stores Ltd,

Tesco plc (C-415/99)

et entre

Levi Strauss & Co.,

Levi Strauss (UK) Ltd

et

Costco Wholesale UK Ltd, anciennement Costco UK Ltd (C-416/99),

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 7 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), telle que modifiée par l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3),

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mme N. Colneric et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann (rapporteur), D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, L. Sevón, V. Skouris et C. W. A. Timmermans, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Zino Davidoff SA, par MM. M. Silverleaf, QC, et R. Hacon, barrister, mandatés par M. R. Swift, solicitor,

- pour Levi Strauss & Co. et Levi Strauss (UK) Ltd, par MM. H. Carr et D. Anderson, QC, mandatés par Baker & MacKenzie, solicitors,

- pour A & G Imports Ltd, par M. G. Hobbs, QC, et Mme C. May, barrister, mandatés par MM. A. Millmore et I. Mackie, solicitors,

- pour Tesco Stores Ltd et Tesco plc, par MM. G. Hobbs et D. Alexander, barrister, mandatés par Mme C. Turner et M. E. Powell, solicitors,

- pour Costco Wholesale UK Ltd, par MM. G. Hobbs et D. Alexander, mandatés par MM. G. Heath et G. Williams, solicitors,

- pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing, A. Dittrich et Mme B. Muttelsee-Schön, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement français, par Mmes K. Rispal-Bellanger et A. Maitrepierre, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement italien, par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de M. O. Fiumara, vice avvocato generale dello Stato,

- pour le gouvernement finlandais, par Mme E. Bygglin, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement suédois, par M. A. Kruse, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Banks, en qualité d'agent,

- pour l'Autorité de surveillance AELE, par Mme A.-L. H. Rolland, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Zino Davidoff SA, représentée par M. M. Silverleaf, de Levi Strauss & Co. et de Levi Strauss (UK) Ltd, représentées par MM. H. Carr et D. Anderson, de A & G Imports Ltd, représentée par M. G. Hobbs et Mme C. May, de Tesco Stores Ltd, de Tesco plc et de Costco Wholesale UK Ltd, représentées par MM. G. Hobbs et D. Alexander, du gouvernement allemand, représenté par M. H. Heitland, en qualité d'agent, du gouvernement français, représenté par Mme A. Maitrepierre, de la Commission, représentée par Mme K. Banks, et de l'Autorité de surveillance AELE, représentée par M. P. Dyrberg et Mme D. Sif Tynes, en qualité d'agents, à l'audience du 16 janvier 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 5 avril 2001,

rend le présent

Arrêt

1.

Par une ordonnance du 24 juin 1999 (affaire C-414/99) et deux ordonnances du 22 juillet 1999 (affaires C-415/99 et C-416/99), parvenues à la Cour le 29 octobre suivant, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patent Court), a posé, en application de l'article 234 CE, six questions préjudicielles, dans la première affaire, et trois questions préjudicielles identiques, dans chacune des deux autres affaires, sur l'interprétation de l'article 7 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), telle que modifiée par l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après la "directive").

2.

Ces questions ont été posées dans le cadre de trois litiges opposant deux titulaires de marques enregistrées au Royaume-Uni et un titulaire d'une licence de marque à quatre sociétés de droit anglais, à propos de la commercialisation au Royaume-Uni de produits antérieurement mis sur le marché en dehors de l'Espace économique européen (ci-après l'"EEE").

Le cadre juridique

3.

L'article 5 de la directive 89/104, intitulé "Droits conférés par la marque", est libellé comme suit:

"1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

[...]

3. Si les conditions énoncées [au paragraphe 1] sont remplies, il peut notamment être interdit:

[...]

c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe;

[...]"

4.

L'article 7 de la directive 89/104, intitulé "Épuisement du droit conféré par la marque", dispose:

"1. Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2. Le paragraphe 1 n'est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l'état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce."

5.

Conformément à l'article 65, paragraphe 2, lu en combinaison avec l'annexe XVII, point 4, de l'accord sur l'EEE, l'article 7, paragraphe 1, de la directive 89/104 a été modifié aux fins dudit accord, l'expression "dans la Communauté" étant remplacée par les mots "sur le territoire d'une partie contractante".

6.

La directive a été transposée au Royaume-Uni, avec effet au 31 octobre 1994, par la Trade Marks Act 1994 (loi de 1994 sur les marques).

Les litiges au principal

Affaire C-414/99

7.

Zino Davidoff SA (ci-après "Davidoff") est titulaire des deux marques Cool Water et Davidoff Cool Water, enregistrées au Royaume-Uni et utilisées pour une large gamme de produits de toilette et de cosmétiques. Les produits fabriqués par Davidoff ou pour son compte et portant lesdites marques avec son consentement sont vendus par elle ou pour son compte à la fois dans l'EEE et en dehors de cette zone.

8.

Ils portent des numéros de lots. Ce marquage est conçu pour respecter les dispositions de la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169), transposée au Royaume-Uni par les Cosmetic Products (Safety) Regulations 1996 (règlement de 1996 relatif à la sécurité des produits cosmétiques) (SI 2925/1996). La question de savoir si les numéros de lots visent également à d'autres fins que le respect de la directive 76/768 et des dispositions nationales de transposition n'a pas été tranchée par la juridiction de renvoi.

9.

En 1996, Davidoff a conclu un contrat de distribution exclusive avec un opérateur de Singapour. Aux termes de ce contrat, le distributeur s'engageait, d'une part, à vendre les produits de Davidoff uniquement sur un territoire déterminé, extérieur à l'EEE, à des sous-distributeurs, sous-agents ou détaillants locaux et, d'autre part, à imposer lui-même à ces cocontractants une interdiction de revente en dehors du territoire convenu. Les parties ont expressément soumis ce contrat de distribution exclusive à la loi allemande.

10.

A & G Imports Ltd (ci-après "A & G") a acquis des stocks de produits de Davidoff, fabriqués dans l'EEE, qui avaient été initialement mis sur le marché à Singapour par celle-ci ou avec son consentement.

11.

Elle a importé ces produits au Royaume-Uni et a commencé à les vendre. Elle-même ou un autre opérateur de la chaîne de distribution a retiré ou effacé les numéros de lots, en tout ou en partie.

12.

En 1998, Davidoff a assigné A & G devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patent Court), en faisant valoir, notamment, que l'importation et la vente au Royaume-Uni desdits produits violaient ses droits de marque.

13.

A & G a invoqué les dispositions des articles 5, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive, soutenant que l'importation et la vente avaient été effectuées avec le consentement de Davidoff ou devaient être considérées comme telles, compte tenu des circonstances dans lesquelles les produits avaient été mis dans le commerce à Singapour.

14.

Davidoff a contesté avoir consenti ou pouvoir être considérée comme ayant consenti à l'importation des produits concernés dans l'EEE. Elle a invoqué en outre des motifs légitimes, au sens de l'article 7, paragraphe 2, de la directive, pour s'opposer à l'importation et à la commercialisation de ses produits. Ces motifs étaient tirés du retrait ou de l'effacement, en tout ou en partie, des numéros de lots.

15.

Par décision du 18 mai 1999, la juridiction de renvoi a rejeté une demande en référé de Davidoff, considérant que le litige devait faire l'objet d'un procès complet. Elle a cependant estimé que, aux fins de celui-ci, la portée et l'effet de l'article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive devaient être précisés.

16.

Dans ce contexte, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patent Court), a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Y a-t-il lieu d'interpréter la notion de mise dans le commerce dans la Communauté avec le consentement du titulaire d'une marque, au sens de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 40, p. 1), en ce sens qu'elle inclut tout consentement tant exprès qu'implicite et tant direct qu'indirect?

2) Lorsque:

a) le titulaire d'une marque a consenti ou donné son accord au transfert de produits à un tiers dans des circonstances telles que le droit dont dispose ce dernier pour procéder à la commercialisation ultérieure des produits dépend de la loi du contrat en vertu duquel il les a achetés, et

b) que ce droit permet au vendeur d'imposer des restrictions à la commercialisation ultérieure ou à l'usage des produits par l'acheteur mais prévoit également que, à moins que des restrictions effectives au droit de l'acheteur de procéder à la commercialisation ultérieure du produit n'aient été imposées par ou pour le compte du titulaire, le tiers est en droit de commercialiser le produit dans n'importe quel pays, y compris dans la Communauté,

alors, si aucune restriction effective n'a été imposée conformément à ce droit pour limiter le droit du tiers de commercialiser les produits, y a-t-il lieu d'interpréter la directive en ce sens qu'il faut présumer le consentement du titulaire au droit ainsi acquis par le tiers de commercialiser les produits dans la Communauté?

3) S'il convient de répondre à la question [précédente] par l'affirmative, appartient-il aux juridictions nationales de déterminer si, eu égard à l'ensemble des circonstances, des restrictions effectives ont été imposées au tiers?

4) Y a-t-il lieu d'interpréter l'article 7, paragraphe 2, de la directive en ce sens que tout acte d'un tiers qui affecte considérablement la valeur, l'attrait ou l'image de la marque ou des produits sur lesquels elle a été apposée constitue un motif légitime dont le titulaire peut se prévaloir pour s'opposer à la commercialisation ultérieure de ses produits?

5) Y a-t-il lieu d'interpréter l'article 7, paragraphe 2, de la directive en ce sens que la suppression ou l'effacement par des tiers (en tout ou en partie) de n'importe quel marquage figurant sur le produit constitue un motif légitime dont le titulaire peut se prévaloir pour s'opposer à la commercialisation ultérieure de ses produits, lorsque ladite suppression ou ledit effacement n'entraînera vraisemblablement aucun préjudice grave ou considérable à la réputation de la marque ou des produits qui la portent?

6) Y a-t-il lieu d'interpréter l'article 7, paragraphe 2, de la directive en ce sens que la suppression ou l'effacement par des tiers (en tout ou en partie) des numéros de lots figurant sur les produits constitue un motif légitime dont le titulaire peut se prévaloir pour s'opposer à la commercialisation ultérieure de ses produits, lorsqu'il résulte de ladite suppression ou dudit effacement que les produits concernés

a) violent une quelconque partie du code pénal d'un État membre (qui n'est pas consacrée aux marques) ou

b) violent les dispositions de la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169)?"

Affaires C-415/99 et C-416/99

17.

Levi Strauss & Co., société constituée selon les lois de l'État du Delaware (États-Unis), est titulaire des marques Levi's et 501, enregistrées au Royaume-Uni et utilisées, notamment, pour des jeans.

18.

Levi Strauss (UK) Ltd, société de droit anglais, est titulaire, au Royaume-Uni, d'une licence de marque concédée par Levi Strauss & Co. pour la fabrication, la vente et la distribution, notamment, de jeans Levi's 501. Elle vend elle-même ces produits au Royaume-Uni ou octroie des licences à différents détaillants dans le cadre d'un système de distribution sélective.

19.

Tesco Stores Ltd et Tesco plc (ci-après, ensemble, "Tesco") sont deux sociétés de droit anglais, dont la seconde est la société mère de la première. Tesco exploite l'une des principales chaînes de supermarchés du Royaume-Uni. Elle vend, notamment, des vêtements.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.