Directive communautaire
DIRECTIVE 96/61/CE DU CONSEIL
du 24 septembre 1996
relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution
LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 130 S paragraphe 1,
vu la proposition de la Commission (1),
vu l'avis du Comité économique et social (2),
statuant conformément à la procédure prévue à l'article 189 C du traité (3),
(1) considérant que les objectifs et les principes de la politique communautaire en matière d'environnement, tels que définis à l'article 130 R du traité, visent notamment à la prévention, à la réduction et, dans la mesure du possible, à l'élimination de la pollution, en agissant par priorité à la source, ainsi qu'à assurer une gestion prudente des ressources naturelles, dans le respect du principe du "pollueur payeur" et de la prévention de la pollution;
(2) considérant que le cinquième programme d'action en matière d'environnement, dont l'approche générale a été approuvée par le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, dans leur résolution du 1er février 1993 (4), accorde la priorité à la réduction intégrée de la pollution, en tant qu'élément important de l'évolution vers un équilibre plus durable entre activité humaine et développement socio-économique, d'une part, et les ressources et la capacité régénératrice de la nature, d'autre part;
(3) considérant que la réalisation d'une approche intégrée pour réduire la pollution nécessite une action au niveau communautaire afin de modifier et de compléter la législation communautaire existante relative à la prévention et à la réduction de la pollution en provenance des installations industrielles;
(4) considérant que la directive 84/360/CEE du Conseil, du 28 juin 1984, relative à la lutte contre la pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles (5), a institué un cadre général requérant une autorisation préalable à l'exploitation ou à une modification substantielle des installations industrielles susceptibles de provoquer une pollution atmosphérique;
(5) considérant que la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté (6), a introduit une obligation d'autorisation pour le rejet de ces substances;
(6) considérant que, bien qu'il existe une législation communautaire relative à la lutte contre la pollution atmosphérique et à la prévention ou à la réduction à un minimum des rejets de substances dangereuses dans les eaux, il n'existe pas de législation communautaire comparable destinée à prévenir ou à réduire les émissions dans le sol;
(7) considérant que des approches distinctes visant à réduire les émissions dans l'air, les eaux ou les sols de façon séparée sont susceptibles de favoriser des transferts de pollution entre les différents milieux de l'environnement, plutôt que de protéger l'environnement dans son ensemble;
(8) considérant que l'objectif d'une approche intégrée de la réduction de la pollution est de prévenir, partout où cela est réalisable, les émissions dans l'atmosphère, les eaux et les sols, en prenant en compte la gestion des déchets, et, lorsque cela s'avère impossible, de les réduire à un minimum afin d'atteindre un haut niveau de protection de l'environnement dans son ensemble;
(9) considérant que la présente directive établit un cadre général de principes pour la prévention et la réduction intégrées de la pollution; qu'elle prévoit les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de la prévention et de la réduction intégrées de la pollution afin d'atteindre un niveau élevé de protection de l'environnement dans son ensemble; que l'application du principe d'un développement durable est favorisée par une approche intégrée de la réduction de la pollution;
(10) considérant que la présente directive s'applique sans préjudice de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (7); que, lorsque des informations ou des conclusions obtenues à la suite de l'application de cette dernière directive sont à prendre en considération pour l'octroi de l'autorisation, la présente directive ne porte pas atteinte à la mise en oeuvre de ladite directive;
(11) considérant que des dispositions nécessaires doivent être prises par les États membres pour qu'il soit assuré que l'exploitant satisfait aux principes généraux de certaines obligations fondamentales; que, pour ce faire, il suffit que les autorités compétentes tiennent compte de ces principes généraux lorsqu'elles établissent les conditions d'autorisation;
(12) considérant que les dispositions adoptées conformément à la présente directive doivent être appliquées aux installations existantes soit après un délai déterminé pour certaines de ces dispositions, soit dès la date de mise en application de la présente directive;
(13) considérant que, dans le but de s'attaquer aux problèmes de pollution de façon plus efficace et plus rentable, il convient que les aspects concernant l'environnement soient pris en compte par l'exploitant; que ces éléments doivent être communiqués à l'autorité compétente afin qu'elle puisse s'assurer, avant l'octroi de l'autorisation, si toutes les mesures appropriées préventives ou de réduction de la pollution sont prévues; que des procédures de demande d'autorisation très différentes peuvent générer des niveaux différents de protection de l'environnement et de sensibilisation du public; que, partant, les demandes d'autorisation au titre de la présente directive doivent comporter un minimum de données;
(14) considérant qu'une coordination adéquate de la procédure et des conditions d'autorisation entre les autorités compétentes permettra d'atteindre le niveau le plus élevé de protection de l'environnement dans son ensemble;
(15) considérant que l'autorité compétente n'accordera ou ne modifiera une autorisation que lorsque des mesures de protection de l'environnement intégrées de l'air, des eaux et des sols ont été prévues;
(16) considérant que l'autorisation comprend toutes les mesures nécessaires pour remplir les conditions de l'autorisation afin d'atteindre ainsi un niveau élevé de protection de l'environnement dans son ensemble; que, sans préjudice de la procédure d'autorisation, ces mesures peuvent également faire l'objet de prescriptions contraignantes générales;
(17) considérant que des valeurs limites d'émission, des paramètres ou des mesures techniques équivalents sont à fonder sur les meilleures techniques disponibles, sans prescrire l'utilisation d'une technique ou d'une technologie spécifiques, et en prenant en considération les caractéristiques techniques de l'installation concernée, son implantation géographique et les conditions locales de l'environnement; que, dans tous les cas, les conditions d'autorisation prévoient des dispositions relatives à la minimisation de la pollution à longue distance ou transfrontière et garantissent un niveau élevé de protection de l'environnement dans son ensemble;
(18) considérant qu'il revient aux États membres de déterminer comment pourront être prises en considération, en tant que de besoin, les caractéristiques techniques de l'installation concernée, son implantation géographique et les conditions locales de l'environnement;
(19) considérant que, lorsqu'une norme de qualité environnementale nécessite des conditions plus sévères que celles pouvant être atteintes par l'utilisation des meilleures techniques disponibles, des conditions supplémentaires sont notamment requises par l'autorisation, sans préjudice d'autres mesures pouvant être prises pour respecter les normes de qualité environnementale;
(20) considérant que, puisque les meilleures techniques disponibles sont appelées à évoluer avec le temps, particulièrement en fonction des progrès techniques, les autorités compétentes doivent se tenir au courant ou être informées de ces progrès;
(21) considérant que des modifications apportées à une installation sont susceptibles d'entraîner une pollution; qu'il est, dès lors, nécessaire de communiquer à l'autorité compétente toute modification qui pourrait entraîner des conséquences pour l'environnement; qu'une modification substantielle de l'exploitation doit être soumise à l'octroi d'une autorisation préalable en conformité avec la présente directive;
(22) considérant que les conditions d'autorisation doivent être périodiquement réexaminées et, si nécessaire, actualisées; que, dans certaines conditions, elles seront réexaminées en tout état de cause;
(23) considérant que, afin d'informer le public au sujet de l'exploitation d'installations et de leur impact potentiel sur l'environnement, et afin de garantir la transparence de la procédure d'autorisation dans l'ensemble de la Communauté, le public doit avoir accès, avant toute décision, aux informations relatives aux demandes d'autorisation de nouvelles installations ou de modifications substantielles, et aux autorisations elles-mêmes, à leurs actualisations et aux données de contrôle y afférentes;
(24) considérant que l'établissement d'un inventaire des principales émissions et sources responsables peut être considéré comme un instrument important permettant notamment une comparaison des activités polluantes dans la Communauté; que la mise en place de cet inventaire sera établie par la Commission assistée à cet effet par un comité de réglementation;
(25) considérant que les progrès et les échanges d'informations au niveau communautaire en ce qui concerne les meilleures techniques disponibles permettront de réduire les déséquilibres au plan technologique dans la Communauté, favoriseront la diffusion au plan mondial des valeurs limites et des techniques utilisées dans la Communauté et aideront les États membres dans la mise en oeuvre efficace de la présente directive;
(26) considérant que des rapports sur la mise en oeuvre et l'efficacité de la présente directive devront être élaborés régulièrement;
(27) considérant que la présente directive traite des installations et des substances dont le potentiel de pollution et, partant, la pollution transfrontière sont importants; qu'une consultation transfrontalière est organisée lorsque les demandes d'autorisation concernent de nouvelles installations ou des modifications substantielles aux installations, qui sont susceptibles d'avoir un impact négatif et significatif sur l'environnement; que les demandes relatives à ces propositions ou modifications substantielles seront accessibles au public de l'État membre susceptible d'être affecté;
(28) considérant qu'un besoin d'action peut être identifié au niveau communautaire visant à fixer des valeurs limites d'émission pour certaines catégories d'installations et de substances polluantes visées par la présente directive; que le Conseil fixera en conformité avec les dispositions du traité ces valeurs limites d'émission;
(29) considérant que les dispositions de la présente directive s'appliquent sans préjudice des dispositions communautaires en matière de santé et de sécurité sur le lieu du travail,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:
Article premier
Objectif et champ d'application
La présente directive a pour objet la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des activités figurant à l'annexe I. Elle prévoit les mesures visant à éviter et, lorsque cela s'avère impossible, à réduire les émissions des activités susvisées dans l'air, l'eau et le sol, y compris les mesures concernant les déchets, afin d'atteindre un niveau élevé de protection de l'environnement considéré dans son ensemble, et cela sans préjudice de la directive 85/337/CEE est des autres dispositions communautaires en la matière.
Article 2
Définitions
Aux fins de la présente directive, on entend par:
1) "substance": tout élément chimique et ses composés, à l'exclusion des substances radioactives au sens de la directive 80/836/Euratom (8) et des organismes génétiquement modifiés au sens de la directive 90/219/CEE (9) et de la directive 90/220/CEE (10);
2) "pollution": l'introduction directe ou indirecte, par l'activité humaine, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l'air, l'eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de l'environnement, d'entraîner des détériorations aux biens matériels, une détérioration ou une entrave à l'agrément de l'environnement ou à d'autres utilisations légitimes de ce dernier;
3) "installation": une unité technique fixe dans laquelle interviennent une ou plusieurs des activités figurant à l'annexe I ainsi que toute autre activité s'y rapportant directement qui est liée techniquement aux activités exercées sur le site et qui est susceptible d'avoir des incidences sur les émissions et la pollution;
4) "installation existante": une installation en service ou, dans le cadre de la législation existante avant la date de mise en application de la présente directive, une installation autorisée ou ayant fait l'objet de l'avis de l'autorité compétente d'une demande complète d'autorisation, à condition que cette installation soit mise en service au plus tard un an après la date de mise en application de la présente directive;
5) "émission": le rejet direct ou indirect, à partir de sources ponctuelles ou diffuses de l'installation, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l'air, l'eau ou le sol;
6) "valeur limite d'émission": la masse, exprimée en fonction de certains paramètres spécifiques, la concentration et/ou le niveau d'une émission, à ne pas dépasser au cours d'une ou de plusieurs périodes données. Les valeurs limites d'émission peuvent être fixées également pour certains groupes, familles ou catégories de substances, notamment celles visées à l'annexe III.
Les valeurs limites d'émission des substances sont généralement applicables au point de rejet des émissions à la sortie de l'installation, une dilution éventuelle étant exclue dans leur détermination. En ce qui concerne les rejets indirects à l'eau, l'effet d'une station d'épuration peut être pris en considération lors de la détermination des valeurs limites d'émission de l'installation, à condition de garantir un niveau équivalent de protection de l'environnement dans son ensemble et de ne pas conduire à ces charges polluantes plus élevées dans le milieu, sans préjudice de la directive 76/464/CEE et des directives adoptées pour son application;
7) "norme de qualité environnementale": une série d'exigences devant être satisfaites à un moment donné par un environnement donné ou une partie spécifique de celui-ci, telles que spécifiées dans la législation communautaire;
8) "autorité compétente": la ou les autorités ou les organismes qui sont chargés, en vertu de la législation des États membres, de remplir les tâches découlant de la présente directive;