société Marine Yachting service société Rocca
Cour de Cassation
COMM.
Audience publique du 20 Février 1996
N° de pourvoi 93-14.533
Demandeur société Marine Yachting service, société à responsabilité limitée
Défendeur société Rocca, société anonyme et autres
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Marine Yachting service, société à responsabilité limitée, dont le siège est Marseille, en cassation d'un arrêt rendu le 25 février 1993 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre A), au profit
1 / de la société Rocca, société anonyme, dont le siège est Marseille, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié Aubagne,
2 / de la société Le Crédit du Nord, agence marseillaise castellane, dont le siège est Marseille,
3 / de M. W, administrateur judiciaire, demeurant et domicilié Marseille,
4 / de la société Prestation Méditerranée, société à responsabilité limitée, dont le siège est Les Milles, défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 janvier 1996, où étaient présents M. Bézard, président, M. Lacan, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M le conseiller référendaire Lacan, les observations de la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat de la société Marine Yachting service, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Le Crédit du Nord, agence marseillaise castellane, de Me Pradon, avocat de la société Rocca, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par acte du 20 janvier 1988, la société Prestation Méditerranée a cédé à la société Marine Yachting Service (la société Marine) un fonds de commerce moyennant la somme de 100 000 francs ;
qu'en règlement d'une partie de ce prix, la société Marine a remis plusieurs lettres de change acceptées à la société venderesse, laquelle les a endossées au profit du Crédit du Nord ;
que créancière de la société Prestation Méditerranée depuis le 6 janvier 1988 d'une somme de 94 945 francs en principal, la société Rocca a formé opposition au paiement du prix et assigné la société Marine, en sa qualité d'acquéreur du fonds, en paiement de la somme de 100 000 francs, tandis que le Crédit du Nord, à qui l'assignation avait été dénoncée, réclamait à cette même société le paiement du montant des lettres de change ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société Marine reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Rocca, alors, selon le pourvoi, qu'en relevant d'office le moyen nouveau mélangé de fait et de droit tiré de l'article 3, dernier alinéa, de la loi du 17 mars 1909, sans avoir ouvert les débats pour permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, 4, 5, 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que c'est en sa qualité de créancier du vendeur, opposant au paiement du prix, que la société Rocca avait assigné la société Marine, et qu'elle avait invoqué, à l'appui de ses prétentions, "les règles impératives édictées en matière de vente de fonds de commerce", la cour d'appel a pu décider que le moyen tiré de l'inopposabilité à l'égard des tiers du paiement fait par l'acquéreur avant l'expiration du délai prévu par l'article 3, quatrième alinéa, de la loi du 17 mars 1909 était dans le débat ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que la société Marine reproche encore à l'arrêt d'avoir accueilli la demande du Crédit du Nord, alors, selon le pourvoi, qu'en condamnant le tiré-accepteur Marine Yachting ... à payer le montant des lettres de change au porteur à l'échéance, sans avoir constaté que ledit porteur aurait bénéficié d'un endossement à titre de propriétaire, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 122 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'en l'absence de toute indication sur la nature de l'endossement, celui-ci est réputé translatif ;
que la société Marine n'ayant nullement, dans ses conclusions, tenté de combattre cette présomption, la cour d'appel n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen
Vu les articles 1131, 1134 et 1235 du Code civil, ensemble les articles 116, 121 et 128 du Code de commerce ;
Attendu que, pour rejeter la demande formée par la société Marine aux fins d'être garantie par la société Prestation Méditerranée des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Rocca et du Crédit du Nord, l'arrêt retient que la condamnation prononcée au profit de la société Rocca procède d'une obligation personnelle de la société Marine envers un tiers opposant, trouvant sa source dans la loi du 17 mars 1909, et que la condamnation prononcée au profit du Crédit du Nord procède d'une obligation cambiaire, dont les conséquences préjudiciables trouvent leur source dans la remise prématurée à la société venderesse des effets acceptés en paiement du prix du fonds de commerce, et en déduit qu'à aucun titre la société Marine n'est fondée à demander la garantie de la société Prestation Méditerranée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation cambiaire du tiré-accepteur envers le porteur de la lettre de change ne le privant pas de son droit de recours contre le tireur, fondé sur ses rapports personnels avec celui-ci, la société Marine, qui avait été condamnée à régler le prix du fonds entre les mains de la société Rocca, était en droit d'opposer à la société venderesse, qui avait émis les lettres de change, l'absence de provision de ces effets, afin que cette société la garantisse de sa condamnation à en payer le montant à la banque qui les avait escomptés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur la demande de mise hors de cause présentée par la société Rocca
Attendu que la cassation à intervenir est limitée au chef de l'arrêt ayant rejeté le recours en garantie formé par la société Marine à l'encontre de la société Prestation Méditerranée ;
que la société Rocca ne profite pas de cette disposition ;
qu'il y a donc lieu, sur sa demande, de la mettre hors de cause ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté le recours en garantie formé par la société Marine à l'encontre de la société Prestation Méditerranée, l'arrêt rendu le 25 février 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Marine à payer à la société Rocca la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne le Crédit du Nord, M. W et la société Prestation Méditerranée, envers la société Marine Yachting service, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M le président en son audience publique du vingt février mil neuf cent quatre-vingt-seize.