COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 25 septembre 2001
Pourvoi n° 99-43.628
société La Grande Paroisse ¢
M. René Y
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société La Grande Paroisse, société anonyme dont le siège social est Toulouse,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 avril 1999 par la cour d'appel de Toulouse (Chambre sociale), au profit
1°/ de M. René Y, demeurant Fonsorbes,
2°/ de M. Jean X, demeurant Venerque,
3°/ de M. Robert W, demeurant Toulouse,
4°/ de M. Patrice V, demeurant Saint-Orens de Gameville,
5°/ de M. Alain U, demeurant Grépiac,
6°/ de M. Georges T, demeurant Frouzins,
7°/ de M. Jean-Claude S, demeurant Labarthe-sur-Lèze,
8°/ de M. Michel R, demeurant Auzeville,
9°/ de M. Serge Q, demeurant Villate,
10°/ de M. Antoine P, demeurant Plaisance-du-Touch,
11°/ de M. Jean X, demeurant Toulouse,
12°/ de M. Stéphane O, demeurant Toulouse,
13°/ de M. Dominique N, demeurant La Salvetat Saint-Gilles,
14°/ de M. Julien M, demeurant Roquettes,
15°/ de M. René Y, demeurant Toulouse,
16°/ de M. Jean-Louis L, demeurant Saint-Pierre-de-Lages,
17°/ de M. Paul K, demeurant Seysses,
18°/ de M. Georges T, demeurant Toulouse,
19°/ de M. Jean X, demeurant Venerque,
20°/ de M. Jean X, demeurant Toulouse,
21°/ de M. Pierre J, demeurant Toulouse,
22°/ de M. Michel R, demeurant Roquettes,
23°/ de M. Bernard I, demeurant Cassagne,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 juin 2001, où étaient présents M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Coeuret, conseiller rapporteur, M. Bouret, conseiller, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Coeuret, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société La Grande Paroisse, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu que, durant l'année 1993, la direction de l'établissement de Toulouse de la Grande Paroisse a élaboré un plan de productivité accompagné d'un plan social mettant en place des réductions d'effectifs ; qu'au début du mois de septembre 1994, la direction a voulu mettre en place les mesures prévues par ce plan dans deux ateliers, l'un dit NH3, où un poste devait être supprimé, l'autre dit ACD où une réorganisation du travail devait conduire à la mise en place d'une sixième équipe ; que ces deux ateliers se sont mis en grève avec préavis à quatre reprises entre le 19 septembre et le 14 octobre 1994 ; que, le 7 octobre 1994, s'est tenue une réunion extraordinaire du comité d'établissement à l'issue de laquelle un avis négatif a été donné sur la fermeture des ateliers ; que, néanmoins, dès le 13 octobre 1994, deux notes de service ont annoncé le dépostage du service NH3 et de l'atelier ACD avec perte immédiate de la prime d'alternance, suppression des paniers de nuit et des primes d'atelier, ces pertes de rémunération étant apparues sur les bulletins de salaire des mois d'octobre et novembre 1994 ; que, le 3 octobre 1995, les salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse d'une demande en remboursement de perte de rémunération et d'octroi de dommages-intérêts ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 avril 1999) d'avoir dit constitutive d'un "lock-out" illicite la mesure de fermeture de deux ateliers décidée le 13 octobre 1994 par la société La Grande Paroisse et d'avoir, en conséquence, condamné cette société à payer aux salariés les diverses primes dont le dépostage de ces ateliers pour d'autres affectations avec horaire de jour les avaient privés, alors, selon le moyen
1°/ qu'aucune disposition n'impose à l'employeur d'informer et consulter le comité d'établissement avant de décider d'une mesure de lock-out ; qu'en retenant qu'à défaut d'une telle information et consultation, la fermeture des ateliers constituait un lock-out illicite, la cour d'appel a violé l'article L. 432-3 du Code du travail ;
2°/ qu'en toute occurrence, en énonçant que la réunion du 7 octobre 1994 "ne constitue pas l'information et la consultation du comité d'établissement sur les mesures envisagées", cependant que la déclaration de l'employeur, dont la cour d'appel constate expressément la lecture, précisait les mesures envisagées entraînant le passage du personnel à un "horaire de jour", la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal de la réunion du comité d'établissement en violation de l'article 1134 du Code civil ;
3°/ qu'une déclaration effectuée lors de la réunion du comité constitue une mesure d'information et de consultation, même s'il se trouve que la discussion qui suit ne revient pas sur ses thèmes, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 432-3 du Code du travail ;
4°/ qu'en se bornant à affirmer "qu'il résulte des notes qui ont suivi la réunion du 7 octobre 1994 que la fermeture des deux ateliers constituait pour l'employeur une mesure de rétorsion et une mesure pour amener les salariés à renoncer à leur mouvement de grève", sans procéder à aucune analyse de ces notes, ni fournir aucune explication de la conclusion qu'elle en tirait, la cour d'appel a statué par une simple affirmation en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5°/ qu'en s'abstenant de rechercher si, comme le soutenait la société La Grande Paroisse et comme l'avaient retenu les premiers juges, les mesures prises n'étaient pas nécessaires pour assurer la protection du personnel et des matériels, seul critère de la licéité du lock-out, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la fermeture des ateliers avait été décidée pour amener les salariés à renoncer à leur mouvement de grève et qu'elle constituait une mesure de rétorsion illicite, a exactement décidé que ceux-ci étaient fondés dans leurs demandes de paiement des sommes qui avaient été supprimées en raison du travail de jour résultant de leur nouvelle affectation pendant la fermeture des ateliers ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Grande Paroisse aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille un.