COUR DE CASSATION
Chambre commerciale
Audience publique du 3 juillet 2001
Pourvoi n° 98-18.842
Banque Rivaud ¢
M. Alain Z
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Banque Rivaud, société anonyme, dont le siège est Paris,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 mai 1998 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), au profit
1°/ de M. Alain Z,
2°/ de Mme Martine ZX, épouse ZX,
demeurant Epinay-sur-Orge,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 mai 2001, où étaient présents M. Dumas, président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Leclercq, Métivet, Mme Garnier, conseillers, M. Huglo, Mmes Mouillard, Champalaune, Gueguen, M. Sémériva, conseillers référendaires, M. Viricelle, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ et de Lanouvelle, avocat de la Banque Rivaud, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. et Mme Z, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 1998) et les productions, que, par acte sous seing privé du 15 novembre 1988, la Banque Rivaud, devenue la SA du 30 (la banque) a consenti à M. et Mme Z un prêt de 322 500 francs pour une durée de cinq ans au taux de 12,50 % I'an ; que cette somme était destinée, pour une part de 300 000 francs, à financer l'acquisition de parts quirataires d'un navire de plaisance, en vue de bénéficier d'un régime fiscal avantageux, le surplus, soit 22 500 francs, devant être déposé sur un compte bloqué en vue de garantir le remboursement à la banque du paiement d'une taxe d'octroi de mer pour laquelle elle s'était portée caution ; que la souscription des parts quirataires par les emprunteurs a été faite auprès de la société Antillaise de tourisme maritime (la société ATM) ; qu'à la suite du non-paiement de diverses échéances, la banque a demandé judiciairement à M. et Mme Z le paiement de ces arriérés, auquel ceux-ci se sont opposés en invoquant la nullité du contrat de prêt ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nul le prêt consenti à M. et Mme Z par la banque et d'avoir fixé en conséquence la dette de restitution, dont restaient seulement tenus ces derniers, par imputation sur le capital des sommes déjà versées, alors, selon le moyen
1°/ que la banque n'est pas tenue de conseiller l'emprunteur sur l'opération financée par l'emprunt dès lors que la banque n'est pas partie à cette opération, ni chargée de sa gestion ; qu'en retenant une solution opposée, la cour d'appel a violé l'article 1116 du Code civil ;
2°/ qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitait la banque, si l'avertissement de la Commission des opérations de bourse n'avait pas été rendu public, ce qui permettait aux emprunteurs d'avoir connaissance des risques de l'opération financière, même abstraction faite de leur propre qualification professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
3°/ qu'en se limitant à un motif général, voire hypothétique, sur les investisseurs en parts quirataires, et en ne caractérisant pas concrètement en quoi le consentement personnel des époux Z aurait été vicié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
4°/ qu'en déduisant le vice du consentement du comportement de la banque postérieurement à la formation du prêt, la cour d'appel a émis des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'une banque qui reçoit de la Commission des opérations de bourse des mises en garde relatives à des placements déterminés est tenue d'informer ses clients intéressés par ces placements, du contenu de ces mises en garde ; que la cour d'appel a justement décidé que la banque avait l'obligation de ne pas passer sous silence auprès de ses clients le contenu de l'avertissement donnée en 1985 par la Commission des opérations de bourse qui exposait que la rentabilité de l'investissement était négative et que l'application de ce régime pouvait être contestée par les services fiscaux ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que la banque connaissait l'avertissement donné en 1985 par la Commission des opérations de bourse et qu'elle n'avait pas informé ses clients de son contenu, alors qu'un tel avertissement avait toutes chances de détourner un investisseur ; qu'en l'état de ces constatations, dont elle a déduit que la banque avait fait preuve, au moment de la signature du prêt, d'une réticence dolosive viciant le consentement de M. et Mme Z et que la nullité de ce prêt devait être prononcée, et abstraction faite du motif surabondant dont fait état la quatrième branche du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Banque Rivaud aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Banque Rivaud à payer à M. et Mme Z la somme de 15 000 francs ou 2 286,74 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille un.