COUR DE CASSATION
Première chambre civile
Audience publique du 29 mai 2001
Pourvoi n° 99-15.776
M. Jean-Claude Z
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M. Bernard Y
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Jean-Claude Z, demeurant Chemellier,
2°/ M. Gérard Z, demeurant Chemellier,
en cassation d'un arrêt rendu le 19 janvier 1999 par la cour d'appel d'Angers (3e chambre civile), au profit de M. Bernard Y, ès qualités de liquidateur, domicilié Saumur,
défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 avril 2001, où étaient présents M. Lemontey, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de MM. ... et Z Z, de Me Foussard, avocat de M. Y, ès qualités, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par acte notarié du 21 avril 1972, M. Gérard Z et son épouse ont fait donation à leur fils Jean-Claude d'un terrain, sur lequel celui-ci a édifié une maison d'habitation ; que l'acte comportait la clause suivante "Les donateurs interdisent formellement au donataire qui s'y soumet de vendre, aliéner ou hypothéquer pendant leur vie l'immeuble présentement donné, sous peine de nullité des ventes, aliénations ou hypothèques et de révocation de la présente donation, à moins que ces actes aient lieu avec leur consentement." ; que le donataire ayant été déclaré en liquidation judiciaire le 13 octobre 1992, le liquidateur, M. Y, a sollicité l'autorisation de procéder à la vente de l'immeuble donné, en dépit de la clause d'inaliénabilité, en invoquant les dispositions de l'article 900-1 du Code civil ; que M. Jean-Claude Z ayant fait opposition à l'ordonnance du juge-commissaire accordant cette autorisation et son père, intervenu à l'instance en tant que donateur survivant, ayant soulevé l'exception d'incompétence de la juridiction consulaire pour connaître de l'application des clauses d'inaliénabilité, le tribunal de commerce de Saumur s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance, qui, par jugement du 21 mars 1997, confirmé par l'arrêt attaqué, a dit que la clause d'inaliénabilité insérée dans l'acte de donation était valable, mais que l'intérêt actuel des créanciers était plus important que l'intérêt ayant justifié cette clause, et qu'en conséquence le bien donné était susceptible de faire l'objet d'une autorisation judiciaire d'aliéner ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches
Vu les articles 4, 5, 562, 563 et 954 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en retenant que M. Gérard Z admettait dans ses conclusions devant le tribunal de grande instance la recevabilité de l'action engagée par le liquidateur judiciaire, alors qu'il demandait expressément dans ses conclusions d'appel de déclarer celui-ci irrecevable en ses demandes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur les deux autres branches
Vu l'article 900-1 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, le donataire peut être autorisé à disposer d'un bien donné avec clause d'inaliénabilité, si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige ; qu'étant subordonnée à des considérations personnelles d'ordre moral et familial inhérentes à la donation, cette action est exclusivement attachée à la personne du donataire, de sorte qu'elle ne peut être exercée par le représentant de ses créanciers ;
Attendu qu'en déclarant M. Y recevable et fondé à solliciter, en qualité de représentant des créanciers de M. Jean-ClaudeThibault, l'autorisation d'aliéner un bien donné à celui-ci malgré la clause d'inaliénabilité dont ce dernier était grevé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne M. Y, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y, ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille un.