COUR DE CASSATION
Chambre commerciale
Audience publique du 15 mai 2001
Pourvoi n° 98-16.306
société Crédit foncier de France
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M. Pierre Y
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est Paris Cédex01,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 mars 1998 par la cour d'appel de Montpellier (2ème chambre civile, section B), au profit
1°/ de M. Pierre Y, demeurant Perpignan, pris en ses qualités de liquidateur aux liquidations judiciaires de la SARL Études et coordination immobilière de la SCI Saint-Amand et de M. Jacques U,
2°/ de la société Études et coordination immobilière, société à responsabilité limitée, dont le siège est Perpignan,
3°/ de la société civile immobilière (SCI) Saint-Amand, dont le siège est Perpignan,
4°/ de M. Jacques U, demeurant Perpignan,
5°/ de M. Le Procureur X près la cour d'appel de Montpellier, domicilié Montpellier Cédex,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 mars 2001, où étaient présents M. Dumas, président, Mme Besançon, conseiller rapporteur, MM. Tricot, Badi, Mmes Aubert, Vigneron, Tric, Lardennois, Pinot, M. Cahart, conseillers, Mme Graff, MM. de Monteynard, Delmotte, conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Besançon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Crédit foncier de France, de Me Blondel, avocat de M. Y, ès qualités, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche
Vu l'article 53, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-46 du Code de commerce et l'article 66, alinéa 3, du décret du 27 décembre 1985 modifié par le décret du 21 octobre 1994 ;
Attendu que, selon le premier texte, la forclusion n'est pas opposable aux créanciers titulaires d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publication ou d'un contrat de crédit-bail publié dès lors qu'ils n'ont pas été avisés personnellement ; que, selon le second texte, l'avertissement envoyé à ces créanciers par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reproduit les dispositions légales et réglementaires à observer pour la déclaration des créances ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que seul l'avertissement conforme aux dispositions prévues par l'article 66 du décret susvisé fait courir le délai de deux mois à l'expiration duquel ces créanciers encourent la forclusion ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement du 14 mars 1995, le tribunal a étendu à M. U, auquel la société Crédit foncier de France (le Crédit Foncier) avait consenti un prêt hypothécaire, la procédure collective de la société Études et coordination immobilière ; que, par requête du 6 septembre 1996, le Crédit foncier a sollicité le relevé de sa forclusion ; que le juge-commissaire ayant rejeté la demande au motif qu'elle avait été "présentée hors délai", le Crédit foncier a fait valoir que l'avertissement qui lui avait été envoyé par le représentant des créanciers ne concernant pas M. U, le dépassement du délai pour agir en relevé de forclusion ne lui étant pas opposable et a demandé l'admission de sa créance au passif de la procédure collective pour une certaine somme à titre hypothécaire ; que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que le créancier titulaire d'une sûreté publiée, même s'il n'a pas été avisé personnellement d'avoir à déclarer sa créance, n'est plus recevable à agir en relevé de forclusion après l'expiration du délai d'un an à compter de la décision d'ouverture de la procédure collective et que l'inopposabilité du délai de forclusion de deux mois suivant la publication au BODACC du jugement d'ouverture est sans effet sur le délai d'exercice de l'action qui est un délai préfix ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'avertissement que le représentant des créanciers avait envoyé au Crédit foncier le 23 octobre 1995 mentionnait le nom du débiteur et était conforme aux dispositions prévues par l'article 66, alinéa 3, du décret du 27 décembre 1985 dans sa rédaction applicable en la cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. Y, ès qualités, la SARL Études et coordination immobilière, la SCI Saint-Amand et M. U aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille un.