COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : HENON Guerric
Conseillers : BRUNEAU Dominique
BUCHSER-MARTIN Catherine
Greffier lors des débats : A Aa
DÉBATS :
En audience publique du 17 Janvier 2024 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 12 Mars 2024 par mise à disposition au greffe conformément à l'
article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile🏛 ;
Le 12 Mars 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Faits, procédure, prétentions et moyens
La société des Transports Gautier a fait l'objet par l'Urssaf Bretagne, dans le cadre d'une convention de réciprocité avec l'URSSAF d'Alsace, d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.
Par lettre d'observations du 30 septembre 2014, l'Urssaf lui a communiqué ses observations relatives à 5 chefs de redressement, entraînant un rappel de cotisations et contributions pour un montant total de 37 645 euros, outre majorations de retard, se décomposant comme suit :
1 - indemnité de rupture forcée intégralement soumises à cotisations (préavis, congés payés, non concurrence, congés de reclassement ') : 1 928 euros,
2 - frais professionnels ' déduction forfaitaire spécifique ' dépassement de la limite : 16 533 euros,
3 ' loi TEPA : réduction salariales principes généraux : 8 694 euros,
4 - frais professionnels ' chauffeurs routiers : 2 927 euros,
5 ' frais professionnels ' chauffeurs routiers (conducteurs atypiques) ' calcul par échantillonnage : 7 563 euros.
Le 31 décembre 2014, l'Urssaf d'Alsace l'a mise en demeure de lui régler la somme de 42 891 euros, correspondant à 37 645 euros de cotisations et 5 246 euros de majorations de retard.
Le 30 janvier 2015, la société a contesté cette mise en demeure par la voie amiable, au regard des trois chefs de redressement suivants :
1 - indemnité de rupture forcée intégralement soumises à cotisations (préavis, congés payés, non concurrence, congés de reclassement ') : 1 928 euros,
2 - frais professionnels ' déduction forfaitaire spécifique ' dépassement de la limite : 16 533 euros,
4 - frais professionnels ' chauffeurs routiers : 2 927 euros.
Elle a contesté la méthode par échantillonnage utilisé pour le chef de redressement n° 4 relatif aux frais professionnels des chauffeurs routiers.
Le 10 avril 2015, la société a contesté la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Lorraine devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin.
Par décision du 10 octobre 2016, ladite commission a rejeté sa requête.
Le 9 novembre 2016, la société a contesté cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin.
Par jugement du 25 octobre 2017, le tribunal, après jonction des deux instances, a validé les deux premiers chefs de redressement contestés et annulé le chef de redressement n° 4, au motif que l'Urssaf n'a pas observé le principe du contradictoire dans le cadre de la procédure d'échantillonnage mise en œuvre pour contrôler ces frais.
Par arrêt du 28 mai 2020, la cour d'appel de Colmar, sur appel des deux parties, a en substance annulé le chef de redressement n° 1, confirmé le chef de redressement n° 2, déclaré la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation régulière et confirmé le chef de redressement n°4.
Le 24 juin 2022, la société a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 17 février 2022 (
2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-18.104⚖️), la Cour de cassation, a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette le recours de la société contre le redressement relatif aux frais professionnels des chauffeurs routiers et valide la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation appliquée par l'URSSAF, l'arrêt rendu le 28 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar, remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.
Par actes des 15 et 25 septembre 2023, la société [5] et l'Urssaf d'Alsace ont saisi la cour d'appel de Nancy.
Par ordonnance du 10 novembre 2023, la jonction a été prononcée sous le n° 23/01689.
Suivant ses conclusions notifiées par RPVA le 13 novembre 2023 et reçues au greffe le 5 janvier 2024, la société [5] demande à la cour de :
- constater que la procédure d'échantillonnage menée par l'URSSAF n'a pas respecté le principe du contradictoire ;
En conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale relatif au chef de redressement portant sur les frais professionnels des chauffeurs ;
- condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
Suivant ses conclusions notifiées par RPVA le 28 novembre 2023, l'URSSAF demande à la cour de :
- juger que la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation prévue par l'
article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale🏛 et l'arrêté ministériel du 11 avril 2007 a été respectée par l'URSSAF ;
- confirmer en ses principes et quantum le redressement effectué pour un montant de 2 927 euros;
En conséquence :
- infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin du 25 octobre 2017 sur ce point relatif au chef de redressement des indemnités pour frais professionnels versées aux chauffeurs routiers par la société [5] ;
- débouter la société [5] de ses demandes de condamnation de l'URSSAF Alsace au titre des dépens de l'instance et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société [5] au paiement des dépens de la présente instance.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.
Motifs
1/ Sur le chef de redressement relatif aux frais professionnels des chauffeurs routiers et le recours à la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation appliquée par l'URSSAF
L'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au
décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016🏛, applicable au litige dispose ce qui suit :
« Les inspecteurs du recouvrement peuvent proposer à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Au moins quinze jours avant le début de cette vérification, l'inspecteur du recouvrement remet à l'employeur un document lui indiquant les différentes phases de la mise en oeuvre des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation et les formules statistiques utilisées pour leur application. Il lui remet également l'arrêté mentionné au présent article.
Dès lors que l'employeur entend s'opposer à l'utilisation de ces méthodes, il en informe l'inspecteur du recouvrement, par écrit et dans les quinze jours suivant la remise des documents mentionnée à l'alinéa précédent. Dans ce cas, l'inspecteur du recouvrement lui fait connaître le lieu dans lequel les éléments nécessaires au contrôle doivent être réunis ainsi que les critères, conformes aux nécessités du contrôle, selon lesquels ces éléments doivent être présentés et classés. L'employeur dispose de quinze jours après notification de cette information pour faire valoir, le cas échéant, ses observations en réponse. A l'issue de ce délai, l'inspecteur notifie à l'employeur le lieu et les critères qu'il a définitivement retenus. La mise à disposition des éléments ainsi définis doit se faire dans un délai déterminé d'un commun accord entre l'inspecteur et l'employeur, mais qui ne peut être supérieur à soixante jours. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, l'opposition de l'employeur à l'utilisation des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation ne peut être prise en compte.
Lorsque ces méthodes sont mises en oeuvre, l'inspecteur du recouvrement informe l'employeur des critères utilisés pour définir les populations examinées, le mode de tirage des échantillons, leur contenu et la méthode d'extrapolation envisagée pour chacun d'eux.
L'employeur peut présenter à l'inspecteur du recouvrement ses observations tout au long de la mise en oeuvre des méthodes de vérification par échantillonnage. En cas de désaccord de l'employeur exprimé par écrit, l'inspecteur du recouvrement répond par écrit aux observations de l'intéressé.
Le document notifié par l'inspecteur du recouvrement à l'issue du contrôle, en application du cinquième alinéa de l'article R. 243-59, précise les populations faisant l'objet des vérifications, les critères retenus pour procéder au tirage des échantillons, leur contenu, les cas atypiques qui en ont été exclus, les résultats obtenus pour chacun des échantillons, la méthode d'extrapolation appliquée et les résultats obtenus par application de cette méthode aux populations ayant servi de base au tirage de chacun des échantillons. Il mentionne la faculté reconnue au cotisant en vertu du sixième alinéa du présent article.
Dans le délai de trente jours fixé par le cinquième alinéa de l'article R. 243-59, l'employeur peut informer, par lettre recommandée avec avis de réception, l'organisme de recouvrement de sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable ou qu'il a indûment versées pour la totalité des salariés concernés par chacune des anomalies constatées sur chacun des échantillons utilisés.
Lorsque, au terme du délai fixé par l'alinéa précédent, l'employeur n'a pas fait connaître à l'organisme de recouvrement sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux éventuelles observations de l'employeur.
Lorsque l'employeur a fait connaître dans le délai imparti sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable, l'engagement de la procédure de recouvrement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de trente jours courant à compter de la réception par l'organisme de recouvrement de la décision de l'employeur. Avant l'expiration de ce délai, ce dernier adresse à l'inspecteur du recouvrement les résultats de ses calculs accompagnés des éléments permettant de s'assurer de leur réalité et de leur exactitude. L'inspecteur du recouvrement peut s'assurer de l'exactitude de ces calculs, notamment en procédant à l'examen d'un nouvel échantillon. La mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai de trente jours et avant la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux éventuelles observations de l'employeur.
L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de l'ensemble des courriers et documents transmis par l'employeur et de la réponse de l'inspecteur du recouvrement. »
Selon l'arrêté du 11 avril 2007 définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation pris en application de ce texte, la mise en oeuvre, aux fins de régulation du point de législation, des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation suit un protocole composé de quatre phases : la constitution d'une base de sondage, le tirage d'un échantillon, la vérification exhaustive de l'échantillon et l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon. Dans le cadre de la procédure contradictoire, l'employeur est associé à chacune de ces phases et doit notamment être informé à l'issue de l'examen exhaustif des pièces justificatives, correspondant à la troisième phase, des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillonnage et des régularisations envisagées et être invité à faire part de ses remarques afin que les régularisations soient, le cas échéant, rectifiées.
*-*-*
L'URSSAF fait valoir que lors du contrôle effectué en 2014, l'examen par sondage des justificatifs de frais de route des conducteurs routiers a fait apparaître des anomalies. Du fait du nombre important de chauffeurs, (600 lignes " conducteur " sur la DADS 2013), l'application de la technique d'échantillonnage et d'extrapolation a été retenue pour le chiffrage des anomalies. Conformément aux dispositions de l'article R.243-59-2 du code de la sécurité sociale, les documents suivants: Le descriptif général décrivant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, les formules statistiques utilisées par ces techniques, une copie de l'arrêté du 11 avril 2007ont été remis à l'employeur le 26 mars 2014 (cf. annexe 1, page 9). Dans le délai de 15 jours qui a suivi cette date, l'employeur n'a pas manifesté son opposition quant au recours aux méthodes de sondage exposées dans les documents communiqués. Le descriptif personnalisé a été signé par les parties le 24 juin 2014 (« Descriptif de la mise en oeuvre des techniques d'échantillonnage et d'extrapolation appliquées à la SAS TRANSPORTS GAUTIER ») dans le cadre duquel il était convenu que pour chacun des individus constituant l'échantillon, ces éléments seraient examinés par les inspecteurs qui chiffreraient les régularisations éventuelles. Dès le 24 juin 2014, la société contrôlée était dûment informée que les résultats d'analyse de l'échantillon qui devaient lui être fournis à compter du 2 juillet 2014, pouvaient faire l'objet de sa part d'« observations ou compléments », avant que les inspectrices du recouvrement ne procèdent à l'extrapolation desdits résultats sur les années 2011 et 2012.
Dans les faits, conformément à ce document, l'analyse exhaustive de l'échantillon a été effectuée dans les locaux de l'entreprise le 2 juillet 2014. Durant la durée de cette vérification, les résultats de l'échantillon ont été transmis à l'employeur pour observations ou compléments. Il est acquis et non contesté qu'aucune observation n'a cependant été formulée par la société [5]. L'examen exhaustif de l'échantillon par les inspectrices du recouvrement a mis en évidence les anomalies suivantes : indemnité de casse-croûte allouée en cas de prise de service postérieure à 5 heures, indemnité de repas allouée alors que le service ne couvre pas les amplitudes fixées par la Convention collective, indemnité de repas ou de découchers allouée alors que la situation de déplacement n'est pas établie. Les conditions d'exonération n'étant pas respectées, ces indemnités, devaient être réintégrées dans la base des cotisations en application de l'
article L.242-1 du code de la sécurité sociale🏛. L'analyse de l'échantillon a conduit aux pourcentages d'anomalies suivants : pourcentage de réintégration pour la strate "AVEC DFS" : 8,5949 % ; pourcentage de réintégration pour la strate "SANS DFS" : 2.9785 %. L'extrapolation des redressements a été effectuée selon la règle du ratio. Les taux d'anomalies constatés, strate par strate, sur l'échantillon ont été extrapolées à la population statistique, et ventilées par établissement. Selon le protocole signé le 2 juillet 2014 par les deux parties, ces mêmes pourcentages devaient être retenus pour chiffrer les bases de régularisations des années 2011 et 2012. Il n'est pas contesté que la société avait donné son accord pour que la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation soit appliquée aux indemnités de frais professionnels versées aux chauffeurs routiers. Cet accord est matérialisé tout d'abord par le descriptif personnalisé et l'échantillon défini le 24 juin 2014.
Le 2 juillet 2014, la société était informée du résultat de l'analyse de l'échantillon « avec le détail des premières anomalies constatées », par le biais du premier courriel des inspectrices du recouvrement. Il sera relevé que l'échantillon défini en présence de l'employeur représentait une étude de 100 individus. Il ressort également de la lettre d'observations du 30 septembre 2014 que l'étude de cet échantillon a été effectuée dans les locaux de l'entreprise et que durant toute la durée de la vérification, les résultats de l'échantillon ont été transmis à l'employeur pour observations ou compléments. De même, il en ressort que l'employeur n'a effectué aucune observation. L'examen exhaustif de l'échantillon a été effectué le 2 juillet 2014. Le document du 2 juillet 2014 mentionne que les masses de frais de 2011 et 2012 (avec ou sans DFS) relevées par les inspectrices du recouvrement, seront ultérieurement appliquées. L'emploi du futur dans ce document indique sans conteste que la phase 3 de la procédure définie par l'arrêté du 11 avril 2007 - soit la phase d'« examen de l'échantillon au regard du point de législation vérifié » -, n'était pas achevée. L'arrêté du 11 avril 2007 ne prévoit pas de document spécifique pour informer le cotisant des résultats des vérifications de l'échantillon effectuées, ni de délai contradictoire. Cette restitution peut donc se faire par tout moyen y compris oralement, et dans la journée. Dès le début des opérations de vérification par la technique de l'échantillonnage et de l'extrapolation, la société [5] a été invitée, au sens de l'arrêté du 11 avril 2007 et de l'article R.243-59-2 du code de la sécurité sociale, à formuler ses remarques ou observations sur l'échantillon, de sorte que la phase 3 prévue par l'arrêté a bien été respectée. Force est de constater que, malgré toutes les occasions qui lui ont été données de faire valoir ses observations, la société [5] n'a jamais contesté les constats et les chiffrages opérés par les inspectrices du recouvrement, notamment avant que celles-ci ne procèdent aux régularisations en cause et ce, malgré l'invitation faite à la société dès le 24 juin 2014.
*
La société soutient qu'il appartient à l'URSSAF de démontrer qu'elle a, d'une part, informé l'employeur des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillon et des régularisations envisagées après analyse exhaustive des pièces justificatives et l'a invité, d'autre part, à faire part de ses remarques pour la rectification éventuelle des régularisations envisagées. Or, au cas particulier, si à l'issue de la phase 3, l'URSSAF a établi un document récapitulant les bases sur lesquelles allait être procédé au redressement, force est de constater qu'à ce stade, elle n'a pas mis l'employeur en mesure de commenter les résultats auxquels elle était parvenue. Ainsi, le 24 juin 2014, l'URSSAF faisait régulariser à la société un descriptif définissant la constitution de la base de l'échantillon Cette étape constituait donc la 1ère phase. Le même jour, était procédé au tirage de l'échantillon ' 2ème phase. Suivant convention régularisée le 24 juin, l'analyse exhaustive devait débuter le 2 juillet 2014. Or, c'est à cette même date que l'URSSAF précisait à la Société [5] que le chiffrage des anomalies était réalisé et qu'il allait être extrapolé sur l'ensemble des exercices soumis à contrôle. Ainsi, dès le 2 juillet et sans informer la Société de sa possibilité de faire des remarques, ni même lui laisser le temps de le faire, l'URSSAF annonçait sa décision d'extrapoler les résultats obtenus sur la masse salariale des chauffeurs. Pour autant, l'extrapolation ne peut intervenir qu'après qu'une discussion contradictoire ait eu lieu sur les régularisations relatives à l'échantillon. Or, force est de constater en l'espèce que l'URSSAF ne justifie en rien avoir informé, avant extrapolation, la société des résultats des vérifications effectuées sur chacun des salariés composant l'échantillon, ni des régularisations envisagées, ni avoir invité celle-ci à faire part de ses remarques, le rapport de contrôle de l'URSSAF démontrant au contraire que les informations sur le résultat des vérifications effectuées sur l'échantillon n'avaient été données qu'à la fin du contrôle et que les observations de l'employeur n'avaient été demandées qu'à ce moment là.
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Au cas présent, il convient de constater qu'à la suite de la volonté de l'URSSAF de procéder à l'examen par sondage des justificatifs de frais de route des conducteurs routiers par la voie de la technique d'échantillonnage et d'extrapolation, un document descriptif des modalités de recours à cette technique a été établi et signé par les agents de contrôle et un représentant de la société le 24 juin 2014.
Il a été procédé à un tirage d'échantillon le même jour selon un document daté et signé des mêmes personnes.
Le 2 juillet 2014 a été établi un document de chiffrage des anomalies précisant ce qui suit :
'Frais professionnels octroyés aux chauffeurs
Les anomalies relatives aux frais de routes des conducteurs ont été chiffrées pour l'année 2013 par la méthode d'échantillonnage et d'extrapolation.
L'entreprise ne souhaitant pas, pour des raisons de gains de temps et d'efficacité, avoir recours à de nouveaux échantillons pour 2011 et 2012, les ratios de réintégration obtenus sur 2013, seront également retenus pour le chiffrage des anomalies sur 2011 et 2012.
Les ratios seront appliqués aux masses de frais suivants ( hors atypiques)
Avec DFS Sans DFS
2011 2054 577 299752
2012 2 104 602 268 402
Concernant les individus reconnus atypiques sur 2013, le pourcentage de réintégration par salarié sera applique sur les frais 2011 et 2012, le document comprenant ensuite le détail salarié par salarié relevant de cette catégorie.'
Ce document a été signé par les agents de contrôle et un représentant de la société.
L'URSSAF produit par ailleurs des copies d'échanges de courrier électronique. Le premier daté du 2 juillet 2013 à 15h23 apparait correspondre à la transmission de l'échantillon avec les premières anomalies constatées, et la mention de ce qu'en vert figurent les couples salariés-mois pour lesquels l'URSSAF souhaiterait avoir les données issues de la géolocalisation. Suivie d'une réponse par courrier électronique de la société du 3 septembre 2014, après un rapport de l'URSSAF du 28 aout 2014.
Il résulte de ce qui précède que l'URSSAF n'apparait pas avoir informé la société à l'issue de l'examen exhaustif des pièces justificatives, correspondant à la troisième phase, des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillonnage et des régularisations envisagées et avoir invité la société à faire part de ses remarques afin que les régularisations soient, le cas échéant, rectifiées.
En effet, le document établi le 2 juillet 2014 apparait correspondre au chiffrage des anomalie comme son intitulé le précise, et contrairement à ce que soutient l' URSSAF l'emploi du futur ne saurait s'analyser comme indiquant que la phase d'analyse n'était pas achevée mais au contraire comme présentant les conséquences qui seront tirées de l'examen de l'échantillon opéré par l'URSSAF, ce que confirme l'examen de la lettre d'observations, sans qu'il ne soit fait référence aux résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillonnage et des régularisations envisagées. A cet égard, il convient de constater que ce document ne comprend aucune indication sur les anomalies qui auraient été constatées lors de l'examen des échantillons et dont fait état l'URSSAF à savoir celles : indemnité de casse-croûte allouée en cas de prise de service postérieure à 5 heures, indemnité de repas allouée alors que le service ne couvre pas les amplitudes fixées par la Convention collective, indemnité de repas ou de découchers allouée alors que la situation de déplacement n'est pas établie. Ce faisant, ce document apparait se rapporter à l'extrapolation des résultats pour les années 2011 et 2012.
En ce qui concerne la portée des courriers électroniques évoqués par l'organisme de recouvrement et leur articulation au regard de la teneur du document signé le 2 juillet 2014, il convient de relever que l' URSSAF ne produit aucun autre élément que lleur copie,et notamment les pièces jointes, en sorte qu'il ne saurait être considéré comme établi que la société a été informée des résultats des vérifications effectués sur chaque individu composant l'échantillon et des régularisations envisagées après une analyse exhaustive des pièces justificatives.
En tout état de cause, aucun de ces documents ne permet d'établir que la société a été effectivement été invitée à faire part de ses remarques pour la rectification éventuelle des régularisations envisagées. A cet égard, l' URSSAF ne saurait se prévaloir des informations contenues dans le document initial ou encore de l'absence de contestation de la part de la société alors qu'il lui appartenait en application des textes sus mentionnés d'informer des résultats des vérifications effectués sur chaque individu composant l'échantillon et des régularisations envisagées après une analyse exhaustive des pièces justificative et d'inviter la société à lui fait part de ses remarques pour rectification éventuelle, ce qui constitue la condition nécessaire permettant ensuite de procéder par extrapolation.
En conséquence et dès lors qu'il n'est pas établi que la société avait été informée des résultats des vérifications effectués sur chaque individu composant l'échantillon et des régularisations envisagées après une analyse exhaustive des pièces justificatives ni qu'elle avait été invitée à faire part de ses remarques pour la rectification éventuelle des régularisations envisagées, cette dernière est bien fondée à solliciter l'annulation du chef de redressement correspondant.
2/ Sur les mesures accessoires
L'URSSAF qui succombe sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.