Cass. soc., Conclusions, 27-09-2023, n° 20-22.465
A85772R4
Référence
AVIS DE Mme BERRIAT, PREMIÈRE AVOCATE GÉNÉRALE
Arrêt n° 927 du 29 septembre 2023 (B) – Chambre sociale Pourvoi n° 20-22.465 Décision attaquée : 8 octobre 2020 de la cour d'appel de Paris M. [Y] [W] C/ la société TTT _________________
La société TTT propose à des particuliers de leur faire livrer les produits de leur choix, au moyen d'une plate-forme de commandes qui comporte 500 000 références d'articles variés, en vente dans des librairies, des supérettes, chez des artisans ou des restaurateurs notamment. Elle en confie l'achat et la livraison à des coursiers immatriculés au registre du commerce et des sociétés, avec lesquels elle a passé contrat. La chambre sociale est saisie des pourvois formés par deux coursiers contre les arrêts du 8 octobre 2020 par lesquels la cour d'appel de Paris a rejeté leur demande de requalification de la relation en contrat de travail. Ils présentent un moyen unique en huit branches pour le pourvoi 2022465 et six pour le pourvoi 2022466. La fédération Sud commerces et services et le syndicat CNT-Solidarité ouvrière ont formé une intervention volontaire le 1er avril 2022. En application des articles 327 et 330 du code de procédure civile l'intervention volontaire formée à titre accessoire est admise devant la Cour de cassation, mais n'est recevable que si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir une partie. Faute de justification d'un intérêt au sens de l'article 330 du code de procédure
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civile, je vous propose de relever d'office l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la fédération Sud commerces et services et du syndicat CNT-Solidarité ouvrière.
Discussion Le projet de directive du Parlement et du Conseil relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plate-forme évalue à plus de 28 millions le nombre de personnes qui, dans l'Union, travaillent par l'intermédiaire de plates-formes de travail numériques1. L'exposé des motifs indique que « sur dix plates-formes actuellement actives au sein de l'Union, neuf qualifient les personnes qui travaillent par leur intermédiaire de travailleurs non-salariés (ou travailleurs indépendants). La plupart de ces personnes sont réellement autonomes dans leur travail et peuvent se servir du travail via une plate-forme pour développer leurs activités entrepreneuriales (...) Néanmoins, de nombreuses personnes se trouvent dans une relation de subordination par rapport aux plates-formes de travail numériques par l'intermédiaire desquelles elles exercent leur activité et sont soumises, à des degrés divers, au contrôle de ces platesformes, par exemple en ce qui concerne les niveaux de rémunération ou les conditions de travail. D'après une estimation, jusqu'à cinq millions et demi de personnes travaillant via des plates-formes de travail numériques risqueraient d'être victimes d'une erreur de qualification de leur statut professionnel. Ces personnes sont particulièrement susceptibles d'être confrontées à de mauvaises conditions de travail et à un accès insuffisant à la protection sociale. En conséquence de cette qualification erronée, elles ne peuvent jouir des droits et protections auxquels elles ont droit en tant que travailleurs, dont le droit à un salaire minimum, les règlements sur le temps de travail, la protection de la sécurité et de la santé au travail, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes et le droit à des congés payés, ainsi qu'un meilleur accès à la protection sociale contre les accidents du travail, le chômage, la maladie et la vieillesse. » L'étude d'impact jointe au projet de directive note que « Les actions qui visent à lutter contre le risque de qualification erronée devraient amener entre 1,72 et 4,1 millions de personnes à être requalifiées en travailleurs salariés (...). Les personnes qui perçoivent actuellement un salaire inférieur au salaire minimum bénéficieraient d'une augmentation globale de leurs revenus annuels pouvant atteindre 484 millions d'EUR, car elles seraient alors couvertes par les lois et/ou les conventions collectives sectorielles. (...) Jusqu'à 3,8 millions de personnes verraient leur statut de travailleur non salarié confirmé et, en conséquence des mesures que prendraient les platesformes pour relâcher le contrôle afin d'éviter que ces personnes soient à nouveau qualifiées de salariés, elles jouiraient de plus d'autonomie et de flexibilité. » Le projet de directive a notamment pour objectif de veiller à ce que les travailleurs des plates-formes aient le bon statut professionnel au regard de leur véritable relation avec la plate-forme de travail numérique. A cette fin, son article 4 établit une présomption simple de salariat, dès lors que la plate-forme dispose d'au moins deux des pouvoirs suivants: • déterminer le niveau de rémunération, 1
Proposition de directive du Parlement et du Conseil relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plate-forme, décembre 2021. Selon 'exposé des motifs le nombre de travailleurs des plates-formes dans l'UE s'élèverait à 43 millions en 2025.
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fixer des règles impératives en matière d'apparence et de conduite l'égard du destinataire du service ou d'exécution du travail, superviser l'exécution du travail ou vérifier la qualité des résultats du travail, sanctionner le travailleur, limiter sa possibilité de se constituer une client le ou d'exécuter un travail pour un tiers.
Le projet de directive exprime ainsi la volonté des institutions de l'Union européenne de réguler le travail au sein des plates-formes en tenant compte de l'ensemble des situations observées. La requalification en contrat de travail de leur relation avec les travailleurs n'est que l'une des solutions permettant à ces derniers de bénéficier du niveau de protection sociale garanti par le traité sur l'Union européenne, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le socle européen des droits sociaux. Elle résulte nécessairement d'un examen au cas par cas, avec cette particularité qu'au contrôle de l'exécution des directives pendant la prestation de travail, peut être substituée la vérification de la qualité du travail, plus adaptée à l'organisation et au fonctionnement des plates-formes numériques. L'introduction prochaine d'une présomption de salariat dans le droit européen exprime une volonté politique différente de celle actuellement en vigueur dans le droit interne mais se limite à un renversement de la preuve au bénéfice de ceux qui revendiquent le salariat. Dans les deux cas, c'est l'étude de l'accord passé entre plate-forme et travailleur et des conditions de travail qui détermine l'attribution du statut professionnel. En droit interne les demandes de requalification des relations contractuelles entre un travailleur et la société qui l'emploie sont, on le sait, bien antérieures à l'expansion des plates-formes numériques.
Les critères de requalification en contrat de travail Dès 1931, statuant sur l'assujettissement aux assurances sociales du gérant d'une succursale, la première chambre civile avait refusé la qualification de contrat de travail en écartant le critère de la dépendance économique et en jugeant que la convention qui lui était soumise « n'avait pas pour effet de placer [le travailleur] sous la direction, la surveillance et l'autorité de la société ». A l'appui de sa décision elle avait en outre relevé que le gérant était indépendant dans sa gestion, disposait de son temps, engageait à ses frais et sous sa seule responsabilité le personnel nécessaire à l'exploitation, qu'il ne recevait aucun traitement et qu'il était rémunéré au moyen de remises proportionnelles au montant de ses ventes2. Le critère de la subordination juridique ainsi défini par la première chambre civile allait être choisi par le législateur pour renverser une présomption de non-salariat introduite par la loi du 11 février 1994 dite loi Madelin, créant un article L. 120-3 du code du travail, qui disposait que « Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations
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Arrêt Bardon Civ.1ère 6 juillet 1931.
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familiales sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à cette immatriculation. Toutefois, l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes citées au premier alinéa fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ouvrage dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. » Abrogée par la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, cette disposition a été rétablie par l'article 23 de la loi du 1 er août 2003 pour l'initiative économique et reprise à l'article L. 8221-6. Dans la mesure où les présomptions de non-salariat ont été restaurées quasiment à l'identique par la loi, la jurisprudence construite sous l'ancien dispositif reste d'actualité. Dès 1996 votre chambre a défini le lien de subordination caractérisant le salariat comme « l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements du subordonné »3. A cet égard, peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution, comme le rappelle Madame le rapporteur. En ce qui concerne les plates-formes, votre jurisprudence se fonde à la fois sur les clauses du contrat et sur les circonstances de fait relevées par l'arrêt attaqué. L'arrêt Take Eat Easy du 28 novembre 2018 n° 17-20.079 retient l'existence d'une géolocalisation permettant le suivi en temps réel de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus, ainsi que l'existence d'un pouvoir de sanction en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles. L'arrêt Uber du 4 mars 2020, n° 19-13.316 relève le fait pour le travailleur d'avoir été contraint de s'inscrire au registre des métiers, de voir la plate-forme fixer le prix de la prestation, l'incitation à accepter les courses proposées, sous le contrôle de la plateforme et sans possibilité de choix, enfin les sanctions que constituent les déconnexions temporaires et la perte d'accès à la plate-forme. En revanche, le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsqu'un chauffeur se connecte à la plate-forme, il intègre un service organisé par la société. L'arrêt Le Cab du 13 avril 2022, n° 20-14.870 censure pour défaut de base légale l'arrêt qui reconnaît l'existence d'un contrat de travail sans constater que la plate-forme a adressé au chauffeur des directives sur les modalités d'exécution du travail, qu'elle disposait du pouvoir d'en contrôler le respect et d'en sanctionner l'inobservation. Il applique strictement les critères dégagés par les deux arrêts précédents. Enfin l'avis donné par la chambre sociale sur une plate-forme de micro-travail indique qu'il n'y a pas de prestation de travail sous un lien de subordination, lorsque la 3
Soc 13 novembre 1996, n° 94-13.187 P
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personne qui accepte une mission proposée par la plate-forme « est libre d'abandonner en cours d'exécution les missions proposées, ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution, que la société ne dispose pas, pendant l'exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l'exécution de ses directives et d'en sanctionner les manquements »4.
La preuve de l'existence d'un contrat de travail Dans la mesure où le contrat de travail constitue une catégorie particulière de conventions au sens de l'article 1101 du code civil, la preuve de son existence et de son contenu est régie par les règles civilistes relatives à la preuve des actes juridiques, ce qui est implicitement confirmé par l'article L. 1221-1 du code du travail qui soumet, le contrat de travail « aux règles du droit commun », parmi lesquelles figurent celles relatives à la preuve des obligations. A ces règles de droit commun se superposent les présomptions prévues par le code du travail, soit en faveur du salariat de certaines catégories de travailleurs, soit au contraire à l'encontre de la reconnaissance de ce statut, comme le prévoit l'article L. 8221-6 déjà cité. Cette présomption pouvant être renversée par la preuve de l'existence d'un lien de subordination juridique permanent, il revient au travailleur qui entend faire reconnaître son statut de salarié, en application des articles 1353 et 1354 du code civil, de prouver qu'au regard des conditions d'exécution de cette relation, un lien de subordination l'unit au donneur d'ouvrage 5. S'agissant du contrat dont la requalification est demandée, la Cour de cassation a développé une jurisprudence constante selon laquelle la seule volonté des parties est impuissante à soustraire une personne au statut social qui découle nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail. (Cass., ass. plén., 4 mars 1983, no 8115.290. – Soc. 17 avr. 1991, no 88-40.121 ). Votre arrêt Labbane du 19 décembre 2000 n° 98-40.572 P, statuant sur la relation contractuelle entre un conducteur et une société de taxis, l'explicite en jugeant que « l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ». La décision se fonde sur l'analyse du contrat, dont votre chambre déduit que « l'accomplissement effectif du travail dans les conditions précitées prévues par ledit contrat et les conditions générales y annexées, plaçait le "locataire" dans un état de subordination à l'égard du "loueur" et qu'en conséquence, sous l'apparence d'un contrat de location d'un "véhicule taxi", était en fait dissimulée l'existence d'un contrat de travail »6. 4
Soc. 15 décembre 2021, n° 21-70.017.
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Article 1353 du code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». 6
Arrêt Labbane c. Société Bastille Taxi et autre, Soc 19 décembre 2000, n° 98-40.572 P : « Attendu, cependant, que le contrat litigieux prévoit que sa durée et celle de chacun de ses renouvellements sont limitées à un mois, qu'il peut être résilié mensuellement avec un délai de préavis très court, que la redevance due au "loueur" inclut les cotisations sociales qu'il s'engage à "reverser" à l'URSSAF et est révisable en fonction notamment du tarif du taxi ; que les conditions générales annexées au
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Cet arrêt ne rend pas inopérantes les stipulations contractuelles conclues entre le travailleur et le donneur d'ouvrage. Il rappelle que la qualification du contrat revient au juge et que ses clauses définissent les conditions dans lesquelles le travail doit être accompli. L'analyse du contrat constitue donc un préalable au raisonnement tenu sur la requalification. La question de l'application effective du contrat n'est examinée que dans un second temps. En l'espèce Bien que les auteurs des pourvois aient été engagés par TTT à des dates voisines, ils ont signé des contrats aux intitulés différents : contrat de prestations signé en avril 2014 par l'auteur du pourvoi n° 20-22.465, contrat d'intermédiation signé en juillet de la même année par l'auteur pourvoi n° 20-22.466. Ces contrats contiennent des clauses similaires et sont complétés par des « Conditions particulières » et une « Charte déontologique du runner » qui forment partie intégrante du contrat7. L'un et l'autre prévoient que les « ordres de mission » ou les « offres de prestation » c'est-à-dire les livraisons peuvent être confiées au « prestataire » signataire du contrat ou au personnel qu'il aura recruté à cette fin, dénommé « runner ». Dans les faits les auteurs des pourvois, qui ne disposaient pas de salariés, remplissaient eux-mêmes les missions prévues au contrat. En application de l'arrêt Labanne du 19 décembre 2000, il revenait au juge du fond d'examiner ces contrats et les éléments concrets présentés par les appelants, afin de déterminer si « l'accomplissement effectif du travail dans les conditions (...) prévues par [le] contrat » les plaçait dans un état de subordination à l'égard de TTT. Or si la cour d'appel a écarté comme non recevables ou non probants les éléments factuels qu'ils lui soumettaient, ce qui relève de son pouvoir souverain, elle n'a pas procédé à l'analyse du contrat, alors même que les conclusions et les pièces l'y invitaient. L'arrêt passe celui-ci entièrement sous silence, à l'exception d'un article présenté comme une clause d'exclusivité dont elle dit, sans l'examiner précisément, qu'une telle clause figure aussi bien dans les contrats de prestation de service que dans les contrats de travail. De même; alors qu'elle était mentionnée dans les conclusions, l'arrêt n'évoque pas la rémunération du prestataire selon un tarif horaire, plus habituel dans les contrats de travail que dans ceux portant sur une prestation de service.
contrat fixent une périodicité très brève pour le règlement des redevances, sanctionnée par la résiliation de plein droit du contrat, et imposent au "locataire" des obligations nombreuses et strictes concernant l'utilisation et l'entretien du véhicule, notamment conduire personnellement et exclusivement ce dernier, l'exploiter "en bon père de famille", en particulier, en procédant chaque jour à la vérification des niveaux d'huile et d'eau du moteur, le maintenir en état de propreté en utilisant, à cette fin, les installations adéquates du "loueur", faire procéder, dans l'atelier du "loueur", à une "visite" technique et d'entretien du véhicule une fois par semaine et en tout cas, dès qu'il aura parcouru 3 000 kms sous peine de supporter les frais de remise en état, assumer le coût de toute intervention faite sur le véhicule en dehors de l'atelier du "loueur" ainsi que la responsabilité de cette intervention ; » 7
Voir l'article 1er du contrat de prestations et du contrat d'intermédiation.
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Il était d'autant plus nécessaire de se pencher sur les clauses contractuelles qu'elles définissaient avec précision les conditions dans lesquelles les prestataires devaient exécuter les tâches confiées par la plate-forme. En se livrant à cet examen, la cour aurait pu décider si celles-ci contribuaient à donner à TTT les pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction caractérisant un lien de subordination juridique permanent. Cette question se pose, au sujet du pouvoir de direction, pour les clauses qui prévoient que le prestataire: • • • • • •
suivra obligatoirement, avant de travailler pour TTT une formation organisée par cette société; réalisera des opérations d'achat chez un commerçant dans une zone géographique définie, pour un prix et un délai maximum indiqués par TTT, en vue de sa livraison sur le lieu mentionné par TTT; utilisera un matériel fourni par TTT : carte bancaire, gilet ou veste l'effigie de la société, sac de transport, smartphone, « topcase »; disposera d'une « présentation convenable, soignée, discrète et propre », et observera à l'égard du client et des commerçants un comportement précisément défini dans la « Charte déontologique du runner »8; s'engage à n'effectuer aucune opération d'achat ou de livraison concomitamment à celle confiée par TTT et à conduire cette dernière sans interruption d'aucune sorte; exécutera tous les ordres de mission de TTT sans exception, sauf cas de force majeure, dès lors qu'il est identifié par la société comme disponible.
De même en ce qui concerne le contrôle de l'exécution des ordres de missions ou offres de prestation pour les clauses qui : • • • • •
exigent que le prestataire rende compte régulièrement TTT de l'exécution de sa mission et l'alerte immédiatement de toute difficulté survenue au cours de celleci; disposent que la société met en place un « tableau de bord de gestion » qui lui permet de géo-localiser le prestataire et d'évaluer au fur-et-à-mesure son chiffre d'affaire prévisionnel; exigent du « runner » qu'il soit toujours joignable durant l'exécution des ordres de mission et pendant les périodes d'attente; prévoient que la notation du prestataire par le client sera communiquée TTT; donnent à la société le pouvoir de pratiquer, avec l'aide d'un professionnel de son choix, des « audits » chez son prestataire, qui en cas de contravention aux obligations du prestataire devront donner lieu aux mesures correctives décidées par TTT.
Enfin pour le pouvoir de sanction avec les dispositions selon lesquelles : 8
« Avoir une attitude adaptée (par exemple pas de chewing-gum, de cigarette ou d'appel téléphonique en dehors d'une communication avec le Support); il doit retirer son casque et décliner son appartenance à TTT, lors de sa présentation en magasin et à l'endroit de la livraison; Toute communication avec un commerçant ou le Client doit l'être avec mesure et respect, même en cas de difficulté; Le Runner doit avoir une attitude joviale et se présenter avec le sourire; Il doit demander au client son numéro d'identification TTT et vérifier toute pièce d'identité nécessaire en cas de doute sur la majorité du client pour les produits interdits à la vente aux mineurs ».
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lorsque le prestataire ne porte pas le matériel fourni par TTT, la société peut résilier le contrat après mise en demeure; une livraison effectuée avec retard donne lieu au paiement par le prestataire d'une pénalité versée à la société; si la notation attribuée au prestataire par les clients est inférieure à 4,5 sur 5 pendant un mois, la société peut suspendre pendant un mois les offres de prestation à titre d'avertissement; elle peut aussi mettre en demeure le prestataire avant de résilier le contrat si la notation n'a pas atteint 4,5 pendant le mois suivant;
Juger de l'existence d'un lien de subordination imposait donc à la cour de se fonder sur l'analyse de ces clauses, conjuguée à celle des éléments factuels produits par les appelants tels que les attestations, captures d'écran téléphonique et courriers électroniques. Car si votre jurisprudence ne se fonde pas exclusivement sur le contrat pour décider d'une requalification, elle en fait toujours l'examen précis auquel elle ajoute les éléments de fait présentés par les parties. De sorte que la cour d'appel qui s'en dispense ne vous met pas en mesure d'exercer votre contrôle sur la qualification du contrat. La première branche des pourvois peut, comme le propose Madame le rapporteur, faire l'objet d'un rejet non spécialement motivé : contrairement à ce qu'expose le moyen, la cour n'a pas exigé de l'appelant une preuve impossible mais seulement usé de son pouvoir souverain en appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis. De même, vous pourrez écarter la huitième branche du pourvoi n° 20-22.465 qui est aussi la sixième du pourvoi n° 20-22.466. Elle soutient que la clause figurant à l'article 6-2.17 du contrat de réalisation de prestation ou du contrat d'intermédiation doit être analysée comme une clause d'exclusivité, manifestement incompatible avec le statut d'indépendant. Cependant, comme l'expose le mémoire en défense, cette clause n'interdit pas au coursier d'effectuer d'autres livraisons lorsqu'il n'est pas connecté à l'application TTT, mais fait obstacle à la mise en oeuvre par le prestataire d'une entreprise ayant des activités similaires à celles de TTT. Partant, elle n'est pas manifestement incompatible avec le statut d'indépendant. En revanche, je vous propose de retenir les autres branches du moyen unique de chacun des pourvois qui critiquent pour défaut de base légale ou pour violation de l'article L. 1221-1 du code du travail, l'absence d'examen du contrat liant TTT à son prestataire.
Avis de cassation sur les deux pourvois
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