Jurisprudence : TA Paris, du 04-03-2024, n° 2404728

TA Paris, du 04-03-2024, n° 2404728

A77142R7

Référence

TA Paris, du 04-03-2024, n° 2404728. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/105373830-ta-paris-du-04032024-n-2404728
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Abstract

► Est justifiée l'expulsion d'un imam ayant tenu des propos de nature, notamment, à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État.




TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N° 2404728/9 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Mme Le Roux

Juge des référés

Le tribunal administratif de Paris,

Ordonnance du 4 mars 2024 La juge des référés,


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2024, M. AaA AbA, représenté par Me Hamroun, doit être regardé comme demandant au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 :

1°) de suspendre l’exécution de l’arrêté du 21 février 2024 par lequel le ministre de l’intérieur et des outre-mer lui a, d’une part, retiré son titre de séjour et l’a expulsé du territoire français et a, d’autre part, fixé le pays de destination duquel il sera éloigné ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur et des outre-mer d’ordonner et autoriser son retour sur le territoire français ;

3°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur et des outre-mer de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à durée indéterminée l’autorisant à travailler, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛.

Il soutient que :

- la condition d’urgence est remplie ;

- les arrêtés attaqués portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales🏛 et par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, à la liberté d’aller et de venir et au droit à un recours effectif ; Les propos reprochés ne constituent pas une menace grave à l’ordre public, ne portent pas atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État et les faits retenus à l’appui des arrêtés attaqués ne peuvent être qualifiés de comportements constituant des actes de provocation explicite et


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délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1°" mars 2024, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la condition d’urgence n’est pas remplie ;

- aucune atteinte grave et manifestement illégale n’a été porté à une liberté fondamentale.

vu:

- les autres pièces du dossier.

vu:

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Le Roux, vice-présidente de section, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique, en présence de Mme Heeralall, greffière :

- le rapport de Mme Le Roux,

- et les observations de Me Hamroun, représentant M. AbA, et de la représentante du ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Le requérant a confirmé à l’audience que les libertés fondamentales auxquelles il a été porté une atteinte grave et manifestement illégale par l’administration sont le droit au respect à une vie privée et familiale, la liberté d’aller et venir et le droit au recours effectif.

Une note en délibéré présentée par le ministre de l’intérieur des outre-mer a été enregistrée le 1° mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ». Ces dispositions subordonnent la possibilité pour le juge des référés de faire usage des pouvoirs qu’elles lui confèrent à la double condition,


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d’une part, qu’une autorité administrative ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, d’autre part, qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention du juge des référés dans de très brefs délais, sous réserve que le requérant ne se soit pas placé lui- même dans la situation d’urgence qu’il invoque.

2. En vertu de l’article L. 631-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile🏛, « l'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public /../. ». Elle doit cependant prendre en compte les conditions propres aux étrangers mentionnés à l’article L. 631-3 du même code, notamment lorsque l’étranger justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ou qu’il réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans. Il ne peut, selon cet article, « faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, dont la violation délibérée et d'une particulière gravité des principes de la République énoncés à l'article L. 412-7, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ». Aux termes de l’article L. 412-7 de ce code : « L'étranger qui sollicite un document de séjour s'engage, par la souscription d'un contrat d'engagement au respect des principes de la République, à respecter la liberté personnelle, la liberté d'expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution, l'intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers. ». Avant de prendre sa décision, l’autorité administrative doit, en application de l’article L. 632-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France, aviser l’étranger de l’engagement de la procédure et, sauf en cas d’urgence absolue, le convoquer pour être entendu par une commission composée de deux magistrats judiciaires relevant du tribunal judiciaire du chef-lieu du département où l’étranger réside ainsi que d’un conseiller de tribunal administratif. Celle-ci rend un avis motivé, après avoir lors de débats publics entendu l’intéressé, qui a le droit d’être assisté d’un conseil ou de toute personne de son choix.

3. Eu égard à son objet et à ses effets, une décision prononçant l'expulsion d'un étranger du territoire français, porte, en principe, et sauf à ce que l’administration fasse valoir des circonstances particulières, par elle-même atteinte de manière grave et immédiate à la situation de la personne qu'elle vise et crée, dès lors, une situation d'urgence justifiant que soit, le cas échéant, prononcée la suspension de cette décision. Il appartient au juge des référés, saisi d’une telle décision, de concilier les exigences de la protection de la sûreté de l’Etat et de la sécurité publique avec la liberté fondamentale que constitue le droit à mener une vie familiale normale. La condition d’illégalité manifeste de la décision contestée, au regard de ce droit, ne peut être regardée comme remplie que dans le cas où il est justifié d’une atteinte manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure contestée a été prise.

4. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer a considéré que, bien que résidant habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans et régulièrement depuis plus de vingt ans et pouvant, ainsi, se prévaloir de la protection contre l’expulsion prévue par les dispositions de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile🏛, le comportement de M. B. justifiait son expulsion du territoire français en urgence absolue. Il a relevé que, depuis le début du mois de février 2024, l’intéressé a proféré dans le cadre de ses prêches, de manière explicite et délibérée et à plusieurs reprises, des propos discriminatoires à l’égard des femmes, des non-musulmans ainsi que des musulmans d’autres courants que le salafisme, provoquant à la haine envers les juifs, et faisant l’apologie du jihad (guerre sainte pour


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propager l’Islam) et de la charia (loi islamique). Il a pris en compte, pour établir l’importance et la permanence du risque de la présence en France de M. AbC, son influence importante sur la communauté musulmane du Gard, l’intéressé prêchant régulièrement le vendredi au sein de la Mosquée Ettaouba de Bagnols-sur-Cèze, étant membre de plusieurs associations cultuelles et diffusant ses prêches sur les réseaux sociaux.

5. Aucune disposition législative ni aucun principe ne s’oppose à ce que les faits relatés par les « notes blanches » produites par le ministre de l’intérieur, qui ont été versées au débat contradictoire et ne sont pas sérieusement contestées par le requérant, soient susceptibles d’être pris en considération par le juge administratif.

6. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer produit une note des services de renseignement, contenant plusieurs extraits de prêches prononcés par M. B au sein de la Mosquée Ettaouba de Bagnols-sur-Cèze les 2, 9 et 16 février 2024 et mis en ligne sur la page Facebook de l’intéressé et dont plusieurs sont retranscrits dans l’arrêté attaqué, faisant état des propos qui lui sont reprochés. Si le requérant fait valoir qu’il se borne, dans le cadre de prêches ayant pour thématique « la fin des temps », à citer des Hadîth (paroles attribuées à Mahomet), il ressort de la note blanche, précise et circonstanciée, que l’intéressé en fait une appréciation littérale sans rappeler leur caractère symbolique et les utilise pour rejeter des valeurs communément acceptées dans les sociétés occidentales contemporaines et les symboles de la République française, opposer les musulmans et les non-musulmans, inciter à la haine envers les juifs et Ac ou faire l’apologie du jihad et de la charia.

7. En premier lieu, s’agissant des propos à l’égard des femmes, M. B indique que : « Parmi les signes mineurs de la fin du monde, le commerce excessif et l’intérêt porté au commerce. Même les femmes s’y mettent. Cela ne veut pas dire que les femmes n’ont pas le droit de pratiquer le commerce, elles peuvent le faire là où leur pudeur n’est pas entachée. Nous avons besoin d’infirmières pour nos femmes et nos filles, nous avons besoin des enseignantes pour nos enfants. et de toute façon, même le monde musulman mélange tout. Ils mélangent les torchons et les serviettes, les garçons et les filles sont mélangés. Même en Arabie saoudite, les choses sont devenues ainsi mais dans une moindre mesure. » ; « ce n’est pas interdit que les femmes soient dans le commerce mais bien sûr dans l’endroit légiféré par Allah /…/ Et je l'ai dit, wallah, dans mes cours, on n’envoie pas nos épouses bousculer les hommes, pousser les hommes pour qu’à la fin du mois elles nous rapportent 1200-1300 euros. Va travailler, toi ! Et laisse-la à la maison, et elle va t’éduquer les enfants ! Il va falloir qu’on bouscule la société ! Cette société belliqueuse, pourrie ! » ; « … Le Prophète nous a dit [au sujet du Dajjal (le Messie trompeur)] que l’homme croyant ne sortira de chez lui pour aller travailler sans ligoter son épouse et ses filles dans sa maison. Ligoter avec une corde. Pourquoi ? Car les bijoux et l’or sont des tentations pour les femmes. Les plus à même de suivre le Dajjal sont les femmes. Dieu nous en garde. Et c’est pour cela que nous devons apprendre à nos femmes l’unicité absolue, le sunna et leur ordonner la prière.». L’intéressé développe ainsi un discours systématique sur l’infériorité de la femme, présentée comme faible et vénale, qui doit être placée sous l’autorité de son époux et réduite au rôle de femme au foyer ou admise, sous certaines conditions, à exercer certains métiers du commerce, du soin et de l’éducation. De tels propos, que M. B ne conteste pas avoir tenus mais qu’il justifie comme s’inscrivant dans le patriarcat, théorisant la soumission de la femme à l’homme et impliquant que les femmes ne puissent bénéficier des mêmes libertés ou des mêmes droits que les hommes, méconnaissent au détriment des femmes le principe constitutionnel d’égalité.

8. En deuxième lieu, s’agissant des propos à l’égard des non-musulmans et de la société française, lors des prêches en litige, M. Ad indique que « Tous les gouverneurs, dans toutes les


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gouvernances vont chuter. C’est fini. /…/ On n'aura plus tous ces drapeaux tricolores qui nous gangrènent. Qui nous font mal à la tête ! Qui n’ont aucune valeur auprès d'Allah. La seule valeur qu’ils ont, c’est une valeur satanique ! Vous voyez tous ces drapeaux qu’on a. Qu'on lève dans les matchs. Hé Ho, et on crie et on tape le musulman, sur sa tête et on l’insulte de tous les noms ! Ces drapeaux sataniques, qui ne valent rien. Ceux qui les ont imposés c’est simplement pour qu’on se déteste ! Que la haine, elle soit créée dans nos cœurs. Pour qu’on s’aime pas ! Pour qu’on mette les drapeaux devant les valeurs de la ilaha illa Allah (Nulle divinité ne mérite l’adoration hormis Allah). La ilaha Allah elle est derrière ! Ces slogans ils sont devant, malheureusement. Hé bien tous cela n’aura plus aucune valeur. ». Si l’intéressé fait valoir qu’il ne visait pas le drapeau français mais les drapeaux de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, pays du Magreb participant à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), ses explications apparaissent peu crédibles dès lors que les drapeaux du Maroc et de la Tunisie ne sont pas tricolores et ne peuvent, au demeurant, pas être vérifiées par le visionnage de la vidéo captant le prêche, celle-ci ayant été supprimée. M. B a également fait l’éloge de la charia. Ainsi, il déclare : « Les mosquées des compagnons du Prophète étaient des tribunaux. Aujourd'hui, nos mosquées sont stériles, elles n'enfantent pas. Elles ne donnent même pas un savant. » ; « Parmi les signes majeurs de la fin du monde, on verra que l'islam se répandra et la justice régnera. Le Mahdi (figure rédemptrice de l'eschatologie musulmane) viendra, il rétablira la justice et instaurera la charia de Dieu. L'argent coulera à flot. ». ; « Jésus ne reviendra pas avec une autre loi que celle de Ae. Il gouvernera par la charia, la loi islamique de Mohamed, car l'Islam est la dernière des religions. » (..) « Que va faire Issa ? (Jésus) Il va gouverner avec la loi et la charia du Prophète. Voyez, le mot charia fait peur, fait trembler alors que la charia c'est la jurisprudence dans l'islam. La prière fait partie de la charia. La prière elle ne tue pas, on est d'accord. Le jeûne du mois de ramadan, il est conseillé par les grands chercheurs occidentaux, le jeûne il tue ? Est-ce que vous avez déjà vu un jeune avec un sabre et un couteau en train de courir dans les rues ? Non. Le voile ? Il tue ? La barbe, elle tue ? Il n'y a rien qui tue et tout cela s'appelle la jurisprudence, la charia en arabe. ». Invoquant la fin des temps, M. B affirme que : « [le retour] de Jésus [qui] cassera la croix /.../ Il rétablira le Jizya [impôt ne visant que les juifs et les chrétiens en terre d’islam] cela est la preuve que l'islam des premiers temps reviendra. La Jizya sera rétablie aux non-musulmans que le salut soit sur cette époque, l’époque et la fierté. » ; sur l’élimination des non-musulmans, il précise que : « Mais les savants disent que quand Jésus descendra, son souffle, l’air qui sortira de son corps qui touchera un non-musulman le tuera sur place et le souffle de Jésus sera à perte de vue. Là où son regard arrivera, son souffle arrivera et tous les non-musulmans qui respireront le souffle de Jésus mourront. Et ça c’est la sagesse de Dieu ». Lors du prêche du 16 février 2024, M. AbA s’en prend aux chiites qui « sont la descendance d’Af X Ag X Ah le juif. Cet homme qui est venu de Sabaa, du Yamen, il fait semblant de se reconvertir à l’islam mais il a été l’homme qui a ouvert la porte à la fitna (la discorde), la division et l’affaiblissement des musulmans jusqu’à nos jours aujourd’hui. ». L’ensemble de ces propos portent atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, en s’en prenant, de manière délibérée et avec une particulière gravité, au drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge, emblème national, remettent en cause les valeurs de la République en faisant l’éloge de la charia et sont de nature à provoquer de manière explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur non-appartenance à la religion musulmane ou à l’appartenance des musulmans à un autre courant de l’Islam.

9. En troisième lieu, s’agissant des propos envers les juifs et Ac, M. AbA a déclaré : « Parmi les signes de la fin des temps, Ai Aj qui rapporte que le Prophète a dit que le jour du Jugement Dernier sera proche lorsque deux grands groupes s'entre-tueront. Ce moment s'appelle la grande épopée, la grande saga, la guerre ultime. Et avant cette guerre ultime, il y aura avant une autre guerre entre nous et ceux qui exterminent nos frères à Gaza et en Palestine. Le Prophète nous en a parlé. » ; « Qu’attend l'Antéchrist (l’ennemi du Christ) selon vous ? Ce


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sont les juifs qui l'attendent. Le Prophète a dit : « Les juifs l'attendent. Les juifs suivront l'Antéchrist, ils seront 70 000 juifs à le suivre jusqu'en Iran ». L'Iran dit, « ce sont nos ennemis mais en fait, ils sont chez eux. Les juifs sont chez eux. Pas maintenant, mais ils y seront. Ils attendent l'arrivée [du Dajjal] ce mécréant. Ceux qui le suivront et croiront en lui sont des mécréants. » ; « Ils sont en train de lui [l'Antéchrist] préparer le terrain, bien sûr avec les chiites, leurs frères chiites. Car les chiites sont la descendance d'Abdallah ibn Ag X Ah le juif (juif est dit en arabe). Cet homme qui est venu de Sabaa, du Yamen, il a fait semblant de se reconvertir à l'islam mais il a été l'homme qui a ouvert la porte à la fitna (la discorde), la division et l'affaiblissement des musulmans jusqu'à nos jours aujourd'hui. ».; «« La mosquée de Jérusalem, c'est l'ancienne mosquée, qu'ils veulent détruire afin de bien sûr créer le grand État d'Israël. Ce qu'ils sont en train de faire aujourd'hui auprès des musulmans à Ak. Bien sur les dégager de la ville de Gaza les expulser dans je sais pas où dans quel désert afin d'agrandir et de prolonger. » ; « La destruction de Gaza et de ses fondations, le déplacement des populations, l'élimination de prochaine génération. tout cela est étudié mais Allah le dit dans le Coran. Le croyant doit se réjouir en lisant la promesse de Dieu quel que soit l'injustice, la domination, la justice finira par régner et la victoire arrivera par la volonté de Dieu. ». Ces propos, en désignant les juifs comme les ennemis historiques des musulmans et comme des alliés de l’Antéchrist qu’il faut combattre sont constitutifs d’actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre les juifs.

10. En quatrième et dernier lieu, il ressort des prêches en litige que M. AbA a tenu des propos incitant au terrorisme en faisant une apologie du jihad. À cet égard, il a évoqué les moudjahidines [combattants qui accomplissent le jihad] en ces termes : « Les mosquées des compagnons du Prophète ont formé des hommes, des savants et leurs enfants ont été les successeurs du Prophète et ceux d'après également ont été des successeurs du Prophète et des moudjahidines. » ; « Jésus priera derrière cet homme, derrière le Mahdi. Jésus ressuscitera et viendra depuis Damas. Ils sortiront de La Mecque en direction de la Grande Syrie. Le Mahdi sera suivi par les meilleurs parmi les hommes, par la crème de la crème parmi les croyants. » puis : « nous mourrons en chemin avec la bénédiction de Dieu. Le minimum est que tu puisses mourir en chemin en espérant être parmi ces grands hommes, la crème de la crème. » ; « El Mahdi, il va être accepté, il va accomplir son pèlerinage, il sortira de La Mecque en direction du Levant, la Syrie, plus exactement et avec lui y a qui ? Avec lui, il a dit, la crème de la crème des hommes. Comme à l'époque de la bataille de Badr avec le Prophète, la première grande bataille qui est évoquée dans le Coran, 314 hommes où après cette bataille le Prophète, il leur a dit… « Allah vous dit, vous les combattants qui ont été à Badr, faites ce que vous voulez après. Allah, il vous pardonne jusqu'à la Fin des Temps. » Hé bien avec le Mahdi, il y aura la crème de la crème ! Les hommes des hommes ! ». Ces propos qui laissent entendre que la rédemption pourrait venir d’une participation à un combat sont de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, et constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes au sens des dispositions de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

11. Les comportements visés aux points 7, 8, 9 et 10 constituent, en l’état de l’instruction, soit des actes de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, soit des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes au sens de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et sont de nature à fonder la décision d’expulsion, en urgence absolue, de M. AbA, personnage influent au sein de la communauté musulmane dans le département du Gard. La circonstance que les propos en litige n’aient pas donné lieu à condamnation pénale est sans incidence sur l’exercice, par l’autorité administrative compétente, de son pouvoir d’apprécier


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si sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public.

12. Il appartient cependant à cette autorité de concilier, sous le contrôle du juge, les exigences de la protection de la sûreté de l’Etat et de la sécurité publique avec la liberté fondamentale que constitue le droit à mener une vie privée et familiale normale. En l’espèce, cette dernière se trouve déjà garantie par la protection particulière dont M. B bénéficie au titre des dispositions de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en tant qu’étranger résidant habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans et régulièrement depuis plus de vingt ans, qui n’autorisent son expulsion qu’en raison de comportements dont la particulière gravité justifie son éloignement durable du territoire français alors même que ses attaches y sont fortes. Il résulte de l’instruction que l’épouse de l’intéressé est tunisienne, que si elle préside une société par actions simplifiée unipersonnelle, il est constant qu’elle ne tire aucun revenu de cette activité, que les enfants mineurs de M. AbC ne sont pas de nationalité française et que si l’un d’entre eux a souffert d’un cancer en 2020, son état de santé ne nécessite aujourd’hui plus qu’un bilan deux fois par an de sorte que la cellule familiale de l’intéressé peut se reconstituer en Tunisie sans difficultés particulières, si tel est le choix du couple. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les traitements nécessités par l’état de santé de M. B ne seraient pas disponibles en Tunisie. Dans ces conditions, la décision d’expulsion n’apparaît pas manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

13. Par ailleurs, il ne résulte pas de l’instruction que la décision d’expulsion et de retrait de titre de séjour prise à l’encontre de l’intéressé ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir et au droit au recours effectif.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la condition d’urgence, que la requête de M. B doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d’injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


ORDONNE:

Article 1€Y : La requête de M. AbC est rejetée.


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Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. AaA B et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 4 mars 2024.

La juge des référés,

M.-O. LE ROUX

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

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