Chambre criminelle
Audience publique du 14 Décembre 1999
Pourvoi n° 98-82.980
X
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 14 Décembre 1999
Cassation partielle
N° de pourvoi 98-82.980
Président M. Gomez
Demandeur X
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Géronimi.
Avocat la SCP Ancel et Couturier-Heller.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par ... Alain, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 16 février 1998, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Valérie ..., épouse X, du chef de vol avec effraction.
LA COUR,
Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Alain ..., et pris de la violation des articles 311-1, 311-4, 311-12, 311-14, 131-26 et 131-27 du Code pénal, 257 du Code civil, 495 du nouveau Code de procédure civile, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Valérie ... des fins de la poursuite et a déclaré en conséquence mal fondée la constitution de partie civile d'Alain ... ;
" aux motifs que les faits qui sont établis par les éléments du dossier font apparaître qu'au moment des faits la procédure de divorce venait à peine d'être entamée par Valérie ... ; qu'aucune décision contradictoire n'avait été prise par le juge aux affaires familiales ; que Valérie ..., prévenue, avait obtenu le 31 octobre 1996, au pied d'une requête de mesure urgente, l'autorisation éventuelle de quitter le domicile conjugal et de résider séparément de son mari avec ses deux enfants mineurs ; qu'il ne s'agit là, non pas d'une mesure contradictoire mais d'une mesure d'urgence fondée sur l'article 257 du Code civil, qui permet au juge aux affaires familiales de prendre, à partir de la requête, toutes les mesures urgentes et, notamment, autoriser l'époux demandeur à quitter le domicile conjugal s'il y a lieu avec les enfants mineurs et ce, notamment, en cas de risques pour ces derniers sans que ladite décision n'ait une forme contradictoire ou définitive ; qu'en effet, postérieurement lors de la tentative de conciliation, et au vu des pièces présentées par l'adversaire, le juge peut modifier totalement lesdites mesures urgentes et notamment statuer différemment en ce qui concerne le domicile des enfants mineurs ; que, si l'article 311-12 énonce pour principe que, ne peut donner lieu à des poursuites, le vol commis par une personne au préjudice de son conjoint, ce principe n'est écarté que "lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément" ; que cette dernière disposition ne peut s'entendre que d'une autorisation donnée aux deux époux, c'est-à-dire d'une décision semblable à celle qui est ordonnée par le juge aux affaires familiales dans le cadre des mesures accessoires à l'ordonnance de non-conciliation, autorisation de résider séparément qui entraîne également interdiction à chacun des époux d'aller troubler l'autre dans sa demeure ; que les circonstances de la cause ont donc été, compte tenu de la chronologie, parfaitement appréciées par les premiers juges dont la décision doit être confirmée dans toutes ses dispositions " ;
" alors, d'une part, que le vol commis par une personne au préjudice de son conjoint peut donner lieu à des poursuites pénales lorsque les époux sont autorisés à résider séparément ; qu'en déclarant que Valérie ... ne pouvait être poursuivie pour vol à l'encontre de son mari, alors qu'elle constate (p 5, alinéa 1er) que la prévenue "avait obtenu le 31 octobre 1996, au pied d'une requête de mesure urgente, l'autorisation éventuelle de quitter le domicile conjugal et de résider séparément de son mari avec ses deux enfants mineurs", ce qui démontre qu'avant les faits, en date du 3 novembre 1996, les époux avaient reçu l'autorisation de résider séparément et que le vol commis par Valérie ... au préjudice de son époux pouvait donner lieu à des poursuites pénales, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient et a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que même si elle n'a pas autorité de chose jugée et qu'elle peut être rétractée ou modifiée par le juge qui l'a rendue, l'ordonnance sur requête n'en est pas moins exécutoire sur minute, de plein droit, sans aucune condition ni décision spéciale du juge ; qu'en jugeant que l'ordonnance autorisant Valérie ... à résider séparément n'avait aucune incidence juridique en matière du vol commis par un époux au détriment de l'autre, au seul motif que cette ordonnance sur requête pouvait être ultérieurement rétractée, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen, et notamment les articles 311-12 du Code pénal et 495 du nouveau Code de procédure civile ;
" alors, enfin, que l'article 311-12 du Code pénal n'introduit aucune distinction entre les décisions de justice autorisant la résidence séparée des époux ; qu'en introduisant une telle distinction, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte précité " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par Alain ..., et pris de la violation des articles 311-12, 2° alinéa, du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 311-12 du Code pénal ;
Attendu que, selon ce texte, le vol commis par une personne au préjudice de son conjoint peut donner lieu à des poursuites pénales lorsque les époux sont autorisés à résider séparément ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Valérie ..., épouse X, a été poursuivie pour vol avec effraction commis au préjudice de son époux ... ... ;
Attendu que, pour la renvoyer des fins de la poursuite et débouter Alain ... de l'ensemble de ses demandes, la cour d'appel, après avoir relevé que la prévenue avait obtenu, par application de l'article 257 du Code civil l'autorisation de résider séparément en compagnie de ses deux enfants mineurs, retient notamment qu'il ne s'agit que d'une mesure d'urgence dépourvue de tout caractère contradictoire ou définitif et que le principe édicté à l'article 311-12 du Code pénal, dont bénéficie l'auteur du vol commis au préjudice de son conjoint, n'est écarté que " lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Que la cassation est, dès lors, encourue ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, en date du 16 février 1998, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse.