Jurisprudence : Cass. com., 04-05-1999, n° 97-30.125, Rejet

Cass. com., 04-05-1999, n° 97-30.125, Rejet

A0319AUD

Référence

Cass. com., 04-05-1999, n° 97-30.125, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1052491-cass-com-04051999-n-9730125-rejet
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COUR DE CASSATION
Chambre commerciale
Audience publique du 4 Mai 1999
Pourvoi n° 97-30.125
société Abbott France
¢
M. le directeur général des Impots
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Abbott France, dont le siège est Rungis, prise en la personne de son président-directeur général M. André ...,
en cassation d'une ordonnance rendue le 20 janvier 1997 par le président du tribunal de grande instance de Créteil, au profit de M. le directeur général des Impots, domicilié Paris,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 mars 1999, où étaient présents M. Bézard, président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM ..., ..., ..., ..., ..., Mme ..., conseillers, M. ..., Mmes ..., ..., ..., conseillers référendaires, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Monod et Colin, avocat de la société Abbott France, de Me ..., avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par ordonnance du 20 janvier 1997, le président du tribunal de grande instance de Créteil a autorisé des agents de la Direction générale des impôts, en vertu de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux et leurs dépendances de la société Abbott France rue de Villeneuve à Rungis (94) en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de ladite société ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société Abbott France fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales prévoit que la visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance ou d'un juge délégué par lui ; que, selon les dispositions combinées des articles R 311-17 et R 311-18 du Code de l'organisation judiciaire, lorsque le tribunal de grande instance ne comprend pas, comme en l'espèce, de premier vice-président, le président est suppléé, dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées par le vice-président qu'il aura désigné par ordonnance prise dans la première quinzaine du mois qui précède l'année judiciaire, ou, à défaut, par le plus ancien des vice-présidents ; que l'ordonnance attaquée, qui ne fait pas état d'une délégation donnée par le président du tribunal à l'auteur de la décision et qui ne constate ni le mode de désignation du vice-président appelé à remplacer la président, ni la qualité de doyen des vice-présidents de ce magistrat, ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la juridiction qui a statué et ne satisfait pas aux exigences des textes précités ;
Mais attendu que le vice-président, signataire de l'ordonnance, a précisé qu'il agissait en tant que "président par intérim" de la juridiction ; qu'il supplée ainsi le président conformément aux dispositions de l'article R 311-18, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches
Attendu que la société Abbott France fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge ne peut autoriser une visite sur le fondement de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales que s'il constate, au vu des éléments d'information présentés par l'Administration, des présomptions que le contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur
le revenu ou sur les bénéfices ou de la TVA, soit en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, soit en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, soit en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures, soit en passant ou en faisant passer des écritures inexactes ou fictives dans des documents dont la tenue est imposée par le Code général des impôts ; qu'en ne relevant à l'encontre de la société Abbot France aucun agissement de la nature de ceux énumérés, de manière limitative, par le texte précité, et en se fondant uniquement sur la prétendue minoration du résultat fiscal déclaré en France par cette société qui aurait pour cause un transfert illicite à l'étranger d'une partie de ses bénéfices, à la faveur de l'application par la société mère de coefficients de majoration du prix de la molécule achetée par la société Abbot France, le président du tribunal n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales ; alors, d'autre part, que le juge statuant en vertu de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales, ne peut se référer qu'aux éléments de preuve produits par l'Administration
demanderesse détenus par celle-ci de manière apparemment licite ; qu'il ne peut faire état d'une déclaration anonyme, non accompagnée de la remise de documents, fût-elle contenue dans un document établi par les enquêteurs et signé par eux, si cette déclaration n'est pas corroborée par d'autres éléments d'information décrits et analysés par lui ; qu'en l'espèce, l'Administration se prévalait de ce que la société Abbot France aurait transféré une partie de ses bénéfices à sa société mère à la faveur d'une augmentation artificielle du prix de revient des molécules chimiques achetées par elle à la filiale hollandaise, la société Edisco, ce qui aurait abouti à des ventes à perte, et aurait permis à la société Abbot France de minorer son bénéfice imposable ; qu'il résulte des mentions de l'ordonnance que l'application par la société mère américaine de coefficients de majoration sur le prix des molécules chimiques vendues à la société Abbot France, qui seule serait de nature à rendre irrégulière sur le plan fiscal une pratique susceptible, en l'absence de cet élément, de n'entraîner éventuellement que des ventes à perte, est constatée exclusivement par l'attestation d'un inspecteur de la Direction des services fiscaux du Val-de-Marne relatant les faits rapportés par une personne désirant conserver l'anonymat ; qu'ainsi, le président du tribunal n'a pas satisfait aux exigences de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales ; et alors, enfin, que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu'en l'espèce, la majoration artificielle du prix des molécules chimiques de laquelle le juge a cru pouvoir déduire la preuve des présomptions invoquées par l'administration fiscale n'est mentionnée que par l'attestation émanant de cette administration et faisant état de déclarations anonymes dont la teneur ni même l'existence ne sont corroborées par les autres éléments soumis au juge ; qu'en statuant comme il l'a fait, le président du tribunal a violé l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est allégué, le président du tribunal a relevé des présomptions selon lesquelles la société Abott France se soustrairait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la taxe à la valeur ajoutée, en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures, ou en passant ou en faisant passer des écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts ;
Attendu, en second lieu, qu'il n'est pas interdit au juge de faire état d'une déclaration anonyme dès lors que cette déclaration lui est soumise au moyen d'un document établi par les agents de l'Administration et signé par eux, permettant ainsi d'en apprécier la teneur, et qu'elle est corroborée par d'autres éléments d'information décrits et analysés par lui ;
que tel est le cas en l'espèce, l'ordonnance se fondant, outre sur l'attestation d'un inspecteur de la Direction des services fiscaux relatant des faits rapportés par une personne désirant conserver l'anonymat, sur le compte rendu, coté 23, d'une audition effectuée dans le cadre d'une enquête mise en oeuvre contre la société Abbott France, qu'elle analyse et qui corrobore les faits rapportés, décrivant les modalités selon lesquelles la société Abbott France transférerait à l'étranger une partie de ses bénéfices réalisés en France et minorerait ainsi son résultat fiscal déclaré ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen
Attendu que la société Abbott France fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que le juge peut, s'il estime utile, se rendre dans les locaux pendant la visite qu'il a autorisée, et en décider l'arrêt ou la suspension ;
qu'ainsi, en ne fixant pas lui-même la date d'intervention des visites et saisies, en n'exigeant pas que cette date lui soit préalablement soumise et en se bornant à demander que les modalités du déroulement des visites soient portées à sa connaissance au plus tard le 15 février 1997, soit après l'expiration du délai de validité de son ordonnance, le juge a subordonné à l'attitude de l'administration fiscale et des officiers de police judiciaire désignés la possibilité pour lui de se rendre dans les locaux pendant la visite et/ou d'en ordonner l'arrêt ou la suspension ; qu'il a ainsi abdiqué ses pouvoirs de contrôle, en violation de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu que l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales n'impose pas au président de fixer la date à laquelle doivent intervenir les opérations de visite et saisie qu'il autorise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Abbott France aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.

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