Jurisprudence : CA Paris, 1, 10, 22-02-2024, n° 23/05886


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 1 - Chambre 10


ARRET DU 22 FEVRIER 2024


(n° 97, 9 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05886 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHL4P


Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, Aa A, JCP de PARIS RG n° 23/80006



APPELANT


Monsieur [Y] [K]

[Adresse 3]

[Localité 6]

ISRAEL


Représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Me Julien VERNET, avocat au barreau de PARIS


INTIME


MonsieurAb[Ac] [G]

[Adresse 5]

[Localité 7]


Représenté par Me Sophia BINET de la SELEURL SOPHIA BINET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B 0217



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller

Madame Catherine LEFORT, Conseillère


qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER


ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par jugement du 17 avril 2019, signifié le 29 mai 2019, le tribunal de grande instance de Paris a condamné M. [Y] [K] à payer à M. [Ac] [Ab] la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à la vie privée, outre la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Par arrêt du 26 mai 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement et, y ajoutant, a condamné M. [K] à payer à M. [Ab] une somme supplémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. L'arrêt a été signifié le 11 octobre 2021 à M. [K], qui a formé un pourvoi en cassation à son encontre.


Par ordonnance du 15 septembre 2022, le premier président de la Cour de cassation a radié le pourvoi de M. [Ad], faute d'exécution de l'arrêt du 26 mai 2021.


Le 20 septembre 2022, M. [Ab] a fait délivrer à M. [K] un itératif commandement de payer aux fins de saisie-vente pour un montant de 16.402,57 euros. Un procès-verbal de saisie-vente a été dressé le 1er décembre 2022 au [Adresse 4] [Localité 8].


Le 28 décembre 2022, M. [K] a fait assigner M. [Ab] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de nullité et de mainlevée de la saisie-vente et réparation de son préjudice.



Par jugement en date du 20 mars 2023, le juge de l'exécution a :

- annulé le procès-verbal de saisie-vente dressé le 1er décembre 2022 au préjudice de M. [K],

- dit n'y avoir lieu d'ordonner la mainlevée d'une mesure de saisie-vente annulée,

- dit que le coût du procès-verbal de saisie-vente annulé restera à la charge de Ab. [G],

- débouté M. [K] de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné M. [K] à payer à M. [Ab] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- dit que les parties conserveront chacune la charge des dépens qu'elle aura exposés,

- débouté les parties de leurs demandes respectives d'indemnité fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.


Pour statuer ainsi, le juge a retenu que si M. [K] justifiait d'une adresse en Israël, il disposait également d'une habitation en France, au [Adresse 4] à [Localité 8], de sorte qu'aucun élément n'établissait que la saisie aurait eu lieu dans le local professionnel d'un tiers, et qu'aucune irrégularité de l'acte de saisie-vente ne pouvait donc être retenue de ce chef ; qu'en revanche, l'inventaire ne permettait pas d'identifier les biens saisis, ce qui l'empêchait d'apprécier la pertinence des contestations de M. [K] quant à la propriété de tiers sur certains biens saisis et de vérifier que les meubles vendus étaient bien ceux visés à l'acte de saisie, de sorte qu'il y avait lieu d'annuler le procès-verbal de saisie-vente ; qu'en revanche, la saisie n'était pas abusive puisque M. [Ab], dont la faute n'était pas démontrée, poursuivait l'exécution de titres exécutoires constatant des créances liquides et exigibles ; que le flou entretenu par M. [K] sur son lieu d'habitation à [Localité 8] et le ton utilisé dans ses courriers avaient manifestement pour objectif de mettre en échec les tentatives de recouvrement forcé engagées par M. [Ab], alors que l'exécution spontanée n'était pas envisagée par le débiteur, ce qui constituait une faute dans la résistance au paiement.



Par déclaration du 30 mars 2023, M. [K] a fait appel partiel de ce jugement.


Par conclusions en date du 28 août 2023, M. [K] demande à la cour d'appel de :


déclarer M. [Ab] irrecevable, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile🏛, en sa demande de dommages-intérêts si celle-ci concerne une prétendue résistance abusive à l'exécution des décisions antérieurement rendues entre les parties et non seulement une résistance abusive à la saisie-vente,

déclaré mal fondé l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Ab. [G],

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :


annulé le procès-verbal de saisie-vente dressé le 1er décembre 2022,

dit n'y avoir lieu d'ordonner la mainlevée d'une mesure de saisie-vente annulée,

dit que le coût du procès-verbal de saisie-vente annulé restera à la charge de Ab. [G],

débouté M. [Ab] de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire,


infirmer le jugement déféré en ce qu'il :


l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts,

l'a condamné à payer à M. [Ab] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

l'a débouté de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,


Statuant à nouveau,


condamner M. [Ab] à lui verser la somme de 2.500 euros en réparation du préjudice causé par la mesure de saisie-vente,

condamner M. [Ab] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,


Y ajoutant,


condamner M. [Ab] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

condamner M. [Ab] aux entiers dépens.


Il fait valoir en premier lieu que l'adresse du [Adresse 4] à [Localité 8] n'est pas son domicile, sa résidence réelle, mais une élection de domicile purement administrative pour les besoins de la procédure judiciaire au fond, qui correspond au siège des sociétés dont il est le président ; qu'il réside à [Localité 9] ; que le procès-verbal de saisie-vente du 1er décembre 2022 ne fait mention d'aucune diligence du commissaire de justice pour s'assurer de la réalité du domicile ; qu'il ne lui appartient pas de démontrer que le [Adresse 4] ne serait pas son domicile, mais à M. [Ab] de prouver que tel est le cas ; qu'il existe un seul bien à l'adresse de [Localité 8], propriété de la société Cpak et donné en location à la société CetraC Technologies, dans lequel la saisie-vente a eu lieu. Il demande donc à la cour d'infirmer le jugement et de faire droit à sa demande de dommages-intérêts.

En deuxième lieu, il soutient que le juge de l'exécution a dénaturé la demande de dommages-intérêts de M. [Ab], lequel demandait réparation de son préjudice causé par la résistance abusive à la saisie-vente, alors que cette mesure a été annulée de sorte que sa résistance à la saisie-vente n'était pas abusive, ce qui aurait dû conduire le juge de l'exécution à rejeter purement et simplement la demande ; que le juge de l'exécution a donc statué ultra petita en s'estimant saisi d'une demande de dommages-intérêts fondée sur la résistance au paiement. Il ajoute que le fait pour un débiteur de ne pas exécuter spontanément une décision de justice ne peut être considéré comme un abus de droit ; qu'en l'espèce, il n'a pas multiplié les contestations infondées puisque la seule contestation qu'il a formée a été accueillie ; que le ton de ses courriers, qui peut paraître moqueur, ne constitue pas une preuve de résistance abusive.

Sur la nullité du procès-verbal de saisie-vente, il invoque tout d'abord l'absence d'autorisation du juge de l'exécution en application de l'article L.221-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛 s'agissant de biens détenus par un tiers dans les locaux d'habitation de ce dernier, la pénétration forcée dans les locaux en l'absence de l'occupant constituant une violation de domicile, précisant qu'il ne lui appartient pas de prouver qu'il ne résidait pas au [Adresse 4]. Ensuite, il se prévaut des irrégularités du procès-verbal quant à l'inventaire des biens, puisque comme l'a retenu le juge de l'exécution, les biens ne peuvent être identifiés, ce qui lui cause nécessairement grief, et quant à l'absence de mentions obligatoires sur les assistants en application des articles R.211-16 et L.142-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛🏛. Enfin, il invoque les dispositions de l'article R.211-50 du code des procédures civiles d'exécution, faisant valoir que le local n'étant pas son domicile, il n'est pas propriétaire des biens s'y trouvant.


Par conclusions du 1er août 2023, M. [Ab] demande à la cour de :


confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :


dit régulier la signification du commandement de payer aux fins de saisie-vente qui a précédé le procès-verbal de saisie-vente du 1er décembre 2022,

retenu la régularité de la saisie-vente au motif que cette saisie ne nécessitait pas d'autorisation préalable du juge de l'exécution,

débouté M. [K] de sa demande de dommages-intérêts,

estimé que M. [Ad] était passible de dommages-intérêts à son profit pour résistance abusive,


infirmer le jugement en ce qu'il :


a annulé le procès-verbal de saisie-vente du 1er décembre 2022 au regard de l'absence de description détaillée des biens saisis, et,


Statuant à nouveau,


dire régulier le procès-verbal de saisie-vente instrumenté le 1er décembre 2022, notamment au regard de la description des biens et en tout état de cause, de l'absence de grief prouvé,


a dit que le coût du procès-verbal de saisie-vente restera à sa charge, et,


Statuant à nouveau,


dire régulier le procès-verbal de saisie-vente du 1er décembre 2022,


a limité le quantum octroyé à la somme de 2.000 euros, et,


Statuant à nouveau,


condamner M. [K] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans les 48 heures de l'arrêt signifié, en application de l'article L.121-3 du code des procédures civiles d'exécution🏛,


l'a débouté de sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles de 1ère instance en application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. [K] et de sa condamnation aux dépens,


Statuant à nouveau,


condamner M. [K] aux dépens de première instance,

condamner M. [K] à lui verser la somme de 10.000 euros sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans les 48 heures de l'arrêt signifié, en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,


En toute hypothèse,


dire régulier le procès-verbal de saisie-vente instrumenté le 1er décembre 2022 au préjudice de M. [K],

débouter M. [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

laisser au juge de l'exécution la charge de la liquidation de l'astreinte à intervenir,

condamner M. [K] au paiement de la somme de 10.000 euros, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans les 48 heures de l'arrêt signifié, au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel, outre les dépens d'appel.


Il soutient que l'adresse du [Adresse 4] étant bien le domicile de M. [K], la saisie n'a pas été pratiquée chez un tiers, peu important que la société Cpak, dont l'appelant est seul gérant, soit propriétaire des lieux, de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.

Il conclut également à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'absence de préjudice de M. [K], affirmant qu'il était légitime à poursuivre l'exécution forcée de la condamnation de ce dernier et que la facture de la réparation de la porte a été payée par une société de M. [K], qui ne peut dès lors s'en prévaloir à titre personnel pour réclamer des dommages-intérêts.

Il approuve également le juge de l'exécution de lui avoir accordé des dommages-intérêts pour résistance abusive de M. [K] au paiement, mais sollicite l'infirmation du jugement sur le montant alloué. Il fait valoir que l'appelant use de toutes les manœuvres pour ne pas exécuter ses condamnations et sème aujourd'hui le trouble sur son domicile afin de gêner la saisie-vente et le règlement, et que cette résistance abusive, qui s'apparente à de la mauvaise foi, lui cause un préjudice puisqu'il a dû faire l'avance de frais de procédure. Il estime que M. [K] tente d'organiser son insolvabilité, de sorte qu'il est indispensable d'assortir toute condamnation d'une astreinte, étant précisé qu'il n'a pas de compte bancaire en France.

Il sollicite l'infirmation sur la nullité prononcée, estimant que le procès-verbal de saisie-vente détaille suffisamment les biens saisis pour qu'ils soient identifiables, qu'il ne cause aucun grief à M. [K] qui semble en mesure de les identifier puisqu'il affirme que ces biens sont la propriété d'un tiers.

Il ajoute que les personnes ayant porté assistance au commissaire de justice sont parfaitement identifiées et l'absence de signature d'une des personnes ne cause aucun grief à M. [K].

Enfin, sur la propriété des biens saisis, il soutient que la saisie a bien été réalisée sur les meubles de M. [K], se trouvant à son domicile, et qu'en tout état de cause, ils ne font pas l'objet d'une revendication de la société Silkan RT, aujourd'hui en liquidation judiciaire.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur la nullité de la saisie-vente


L'article L.221-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose :

« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.

Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d'opposition.

Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d'habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l'exécution. »


Selon l'article R.221-50 du même code🏛, le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n'est pas propriétaire.


L'article R.221-16 dispose que l'acte de saisie contient à peine de nullité, notamment :

2° L'inventaire des biens saisis comportant une désignation détaillée de ceux-ci ;

7° L'indication, le cas échéant, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles apposent leur signature sur l'original et les copies.


Le défaut de mention obligatoire dans un acte de commissaire de justice constitue une irrégularité de forme qui suppose, pour que la nullité de l'acte soit prononcée, que celui qui l'invoque justifie du grief que lui cause cette irrégularité (article 114 du code de procédure civile🏛).


En l'espèce, il est constant que la saisie-vente a eu lieu le 1er décembre 2022, au préjudice de M. [K], au [Adresse 4] à [Localité 8]. Ce dernier prétend qu'il ne s'agit pas de son domicile ni de sa résidence et qu'il réside à [Localité 9]. Contrairement à ce qu'il soutient, il n'incombe nullement à M. [Ab] d'apporter la preuve de ce que cette adresse ne serait pas la sienne, dès lors que c'est celle qui apparaît comme étant le domicile de M. [K] dans tous les actes de procédure et les décisions de justice opposant les parties (sauf dans la présente instance). Il appartient bien à M. [K], en application de l'article 9 du code de procédure civile🏛, de prouver qu'il ne s'agit pas de son adresse et qu'il réside à [Localité 9].


Or l'appelant produit, comme seule preuve de son adresse à [Localité 9], son avis d'imposition sur le revenu 2022, qui ne constitue nullement un quelconque justificatif de domicile et encore moins de résidence.


Il apporte certes la preuve de ce que c'est la société Cpak qui est propriétaire du local situé [Adresse 4] depuis 2004, et que la société CetraC Technologies en est locataire, mais il résulte du contrat de bail, opportunément conclu le 1er octobre 2022 entre la délivrance de l'itératif commandement de payer aux fins de saisie-vente et la saisie-vente, que ces deux sociétés sont représentées par M. [K] en qualité de gérant ou de président.


A l'inverse, et bien que la charge de la preuve ne lui incombe pas, M. [Ab] verse au débat les extraits kbis de quatre sociétés dirigées par M. [K], qui font tous apparaître que le domicile personnel de ce dernier est [Adresse 4] [Localité 8]. Il produit en outre le fruit de ses recherches sur infogreffe montrant que M. [K] est à la tête de très nombreuses entreprises en France, dont au moins dix ont leur siège social au [Adresse 4] [Localité 8].


En outre, il résulte de l'acte de signification de l'arrêt du 26 mai 2021 portant commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 11 octobre 2021 que cet acte a été signifié à M. [K] au [Adresse 4], par dépôt à l'étude, l'huissier de justice ayant mentionné que le nom était inscrit sur la boîte aux lettres et sur l'interphone et que le gardien avait confirmé le domicile. De même, lors de la signification de l'itératif commandement du 20 septembre 2022, le commissaire de justice mentionne que le nom de M. [Ad] est inscrit sur la boîte aux lettres et l'interphone, et que l'adresse confirmée par le facteur. Enfin, l'intimé produit un courriel de son commissaire de justice indiquant qu'il a contacté par téléphone le syndic de l'immeuble du [Adresse 4] qui lui a confirmé que M. [K] habitait bien à cette adresse.


Il résulte clairement de l'ensemble de ces éléments, comme l'a très justement retenu le premier juge, qu'en dépit de ses dénégations, M. [K] habite bien au [Adresse 4] à [Localité 8], où il domicilie également de nombreuses sociétés. Il ne justifie en tout cas pas résider à [Localité 9] comme il le soutient.


Dans ces conditions, il n'était nullement nécessaire pour le commissaire de justice de solliciter l'autorisation préalable du juge de l'exécution pour procéder à la saisie-vente en application de l'article L.221-1 alinéa 3 du code des procédures civiles d'exécution, et ce d'autant plus qu'en tout état de cause, cette autorisation n'est nécessaire que si les biens du débiteur saisi se trouvent dans des locaux d'habitation, ce qui ne vise que des lieux habités par une personne physique et non les locaux d'une société.


Par ailleurs, l'inventaire des biens saisis figurant au procès-verbal de saisie-vente est ainsi rédigé : « 6 tableaux 1 miroir 1 vélo d'appartement 4 tableaux/photos 1 TV 1 machine à café de Longhi 1 grille-pain 1 canapé 1 table basse 1 table bureau 1 ordi portable + écran + clavier + volant (jeu) + imprimante 1 chaise 1 aspi Dyson ».


Contrairement à ce que soutient M. [K] et à ce qu'a retenu le juge de l'exécution, cette liste est précise et permet suffisamment d'identifier les biens saisis et il n'est pas impossible de trancher les contestations de celui-ci sur la propriété des biens.


A cet égard, il convient de rappeler qu'il appartient au débiteur saisi, qui sollicite la nullité de la saisie, de prouver que les biens saisis ne lui appartiennent pas. L'appelant produit deux factures d'une galerie d'art au nom de la société Cpak, l'une du 12 décembre 2014 portant sur un tableau/photographie, l'autre du 3 février 2020 portant sur deux photographies encadrées. Mais étant donné que la société Cpak est une SCI dont l'objet social n'est pas de collectionner des œuvres d'art, ni d'en acheter pour les revendre, que M. [K] réside assurément dans les lieux où la saisie a été pratiquée et qu'en matière de meubles, la possession fait présumer la propriété, les factures produites ne suffisent pas à prouver que ces trois œuvres appartiennent réellement à cette société. Dans ces conditions, il importe peu que les tableaux ne soient pas décrits dans le procès-verbal afin de déterminer s'ils appartiennent à l'intéressé ou à la société propriétaire des lieux. Il sera ajouté que la production de l'inventaire de la société Silkan RT (dressé dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de celle-ci en 2019) est totalement inopérante dès lors qu'il ressort clairement de cet acte que les locaux de la société, dont le siège social est certes également situé [Adresse 4] à [Localité 8], ne sont pas du tout les mêmes que ceux où la saisie a été réalisée puisqu'ils sont situés [Adresse 1] [Localité 2] et comprennent plusieurs pièces avec de nombreux biens mobiliers, tandis que l'appartement de M. [K] (appartenant à la société Cpak) n'a qu'une pièce principale.


M. [K] n'allègue ni ne justifie d'aucun autre élément pour prouver que les biens saisis appartiennent à un tiers, d'autant plus qu'il s'agit de toute évidence de meubles meublant destinés à l'habitation d'une personne physique.


Ainsi, il n'y a pas lieu d'annuler la saisie-vente ni au motif que l'inventaire ne serait pas suffisamment détaillé, ni au motif que M. [K] ne serait pas propriétaire des biens saisis.


Par ailleurs, s'agissant des personnes ayant porté assistance au commissaire de justice, l'acte de saisie-vente porte mention des noms et prénoms du serrurier et des deux témoins, comporte la signature du serrurier, d'un des témoins et du policier, mais il manque celle d'un témoin, et ne mentionne pas les nom et prénom du policier pour lequel il est seulement indiqué un numéro de matricule incomplet (six chiffres au lieu de sept). Toutefois, l'appelant n'allègue aucun grief causé par cette irrégularité de forme.


Au regard de l'ensemble de ces éléments, la saisie-vente est parfaitement valable. Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le procès-verbal de saisie-vente du 1er décembre 2022 et dit que le coût de ce procès-verbal restera à la charge de M. [Ab], et de débouter M. [K] de ses demandes à ce titre.


Sur la demande de dommages-intérêts de M. [K]


Compte tenu de l'issue de litige, la demande de dommages-intérêts de M. [K] pour saisie abusive ne peut qu'être rejetée. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté celui-ci de sa demande de dommages-intérêts.


Sur la demande de dommages-intérêts de M. [Ab] et l'astreinte


Aux termes de l'article L.121-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.


Ce texte vise la résistance abusive du débiteur à l'exécution du titre exécutoire.


L'appelant ne peut, sans se contredire, soutenir à la fois que le juge de l'exécution a dénaturé la demande de dommages-intérêts de M. [Ab] en ce qu'il a fondé sa condamnation, non sur la résistance à l'exécution des titres exécutoires, mais sur la résistance au paiement, et que M. [Ab] serait irrecevable à formuler une demande de dommages-intérêts pour résistance abusive à l'exécution des décisions rendues en ce qu'elle serait nouvelle en appel.


La demande de dommages-intérêts pour résistance abusive du débiteur à l'exécution ayant bel et bien été formulée devant le premier juge, elle est parfaitement recevable, étant précisé que M. [Ab] demande seulement la modification du quantum alloué, peu important que le juge de l'exécution ait modifié le fondement de la demande dès lors que l'issue du litige est différente en appel.


La mauvaise foi de M. [K] est patente dans ce dossier puisqu'il ne craint pas, afin de tenter de faire échec à la saisie-vente, d'utiliser ses sociétés pour faire croire au juge de l'exécution puis à la cour qu'il résiderait à [Localité 9] alors qu'il s'est toujours domicilié, dans tous les actes de procédure l'opposant à M. [Ab], à l'adresse du [Adresse 4], et qu'il réside effectivement à cette adresse où il a ses intérêts économiques. Cette attitude confirme l'intention du débiteur de ne pas exécuter ses condamnations et cause un préjudice certain à M. [Ab] en ce qu'elle retarde le recouvrement des sommes dues. Toutefois, la somme de 10.000 euros sollicitée est disproportionnée et celle de 2.000 euros allouée en première instance apparaît juste et suffisante. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. [K] à payer à M. [Ab] une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.


S'agissant d'une condamnation pécuniaire, l'astreinte n'apparaît pas nécessaire. Il convient donc de rejeter la demande.


Sur les demandes accessoires


L'issue du litige commande d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les parties conserveront chacune la charge des dépens qu'elle aura exposés et en ce qu'il a débouté Ab. [G] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.


Il convient de condamner M. [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement au profit de M. [Ab] d'une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.


En revanche, M. [Ab] sera débouté de sa demande d'astreinte, qui n'apparaît pas nécessaire s'agissant d'une condamnation pécuniaire.



PAR CES MOTIFS,


La Cour,


INFIRME le jugement rendu le 20 mars 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu'il a :

- annulé le procès-verbal de saisie-vente dressé le 1er décembre 2022 par la Selarl Thomazon Audrant Biche, commissaires de justice, au préjudice de M. [Y] [K],

- dit que le coût du procès-verbal de saisie-vente annulé restera à la charge de M. [Acb] [G],

- dit que les parties conserveront chacune la charge des dépens qu'elle aura exposés,

- débouté M. [Ac] [Ab] de sa demande d'indemnité formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,


CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,


Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,


DEBOUTE M. [Y] [K] de sa demande d'annulation du procès-verbal de saisie-vente,


REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile invoquée par M. [Y] [K] s'agissant de la demande de dommages-intéAcêts dAb M. [I] [G],


DEBOUTE M. [Ac] [Ab] de ses demandes d'astreinte,


CONDAMNE M. [Y] [K] à payer à M. [Ac] [Ab] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,


CONDAMNE M. [Y] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel


Le greffier, Le président,

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