Jurisprudence : TA Nîmes, du 22-02-2024, n° 2103988

TA Nîmes, du 22-02-2024, n° 2103988

A96572PD

Référence

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Références

Tribunal Administratif de Nîmes

N° 2103988

2ème chambre
lecture du 22 février 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 novembre 2021 et le 5 juillet 2023, M. A E, représenté par la SELARL Maillot avocats et Associés, demande au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le maire de la commune de Calvisson a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 12 novembre 2020 et a décidé la prise en charge de ses arrêts de travail en lien avec cet accident au titre de la maladie ordinaire ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Calvisson la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché de deux vices de procédure :

* le dossier soumis à la commission de réforme ne comportait aucun rapport du médecin de prévention en méconnaissance des articles 15 et 21 de l'arrêté du 4 août 2004🏛🏛 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

* aucun médecin spécialiste de sa pathologie n'a siégé au sein de la commission de réforme en méconnaissance des articles 3 et 16 de l'arrêté du 4 août 2004🏛🏛 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le maire de la commune s'est placé, à tort, en situation de compétence liée au regard de l'avis de la commission de réforme rendue le 14 décembre 2020 ;

- il est entaché d'une erreur de droit, en méconnaissance de l'article 21 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983🏛 et d'une erreur d'appréciation dès lors que son placement en garde à vue à l'occasion du service pour des faits en lien avec celui-ci peut être assimilé à un accident de service et que tous les avis médicaux produits confirment que les faits du 12 novembre 2020 constituent un évènement soudain et violent de nature à caractériser un accident de service ;

- il n'a commis aucune faute personnelle de nature à détacher l'accident du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2023, la commune de Calvisson, représentée par Me Merland agissant pour la AARPI MB avocats, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés dans la requête sont infondés et demande une substitution de motif tirée de la faute personnelle du requérant détachant l'accident du service.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984🏛 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987🏛 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chaussard,

- les conclusions de Mme Vosgien, rapporteure publique,

- et les observations de Me Raynal, représentant M. E, et de Me Mer, représentant la commune de Calvisson.

Considérant ce qui suit :

1. M. A E, chef de la police municipale de la commune de Calvisson, a été convoqué le 12 novembre 2020 par les services de gendarmerie, qui l'ont informé qu'il faisait l'objet de poursuites pénales à raison d'accusations formulées par des agents de la commune. L'intéressé a été placé en garde à vue et son domicile a été perquisitionné. L'intéressé a adressé à la commune de Calvisson, d'une part, un certificat médical établi le 14 novembre 2020, portant arrêt de travail en lien avec un accident de service survenu 12 novembre 2020 et, d'autre part, une déclaration d'accident de service du 16 novembre 2020 pour cet accident. Par une demande du 25 novembre 2021, M. E a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, qui lui a été accordée. Par un avis rendu le 14 octobre 2021, la commission départementale de réforme s'est prononcée défavorablement à la reconnaissance de l'accident de service. Par un arrêté du 19 octobre 2021, que M. E conteste, le maire de la commune de Calvisson a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont l'intéressé a été victime le 12 novembre 2020 et a décidé la prise en charge de ses arrêts de travail en lien avec cet accident au titre de la maladie ordinaire.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration🏛 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui le fondent. Il vise les textes dont il est fait application, la déclaration d'accident de service du 16 novembre 2020, le certificat médical du 14 novembre 2020 constatant cet accident, ainsi que l'avis de la commission de réforme du 14 novembre 2020 dont il reprend les termes et dont il n'est pas démontré qu'il n'était pas joint à l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission informe le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, pour la fonction publique territoriale, le médecin du travail, pour la fonction publique hospitalière, compétent à l'égard du service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis à la commission. () Ces médecins peuvent obtenir, s'ils le demandent, communication du dossier de l'intéressé. Ils peuvent présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion de la commission. Ils remettent obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus au premier alinéa des articles 21 et 23 ci-dessous (). ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'avis du médecin du travail doit être adressé à la commission de réforme amenée à rendre un avis sur l'imputabilité au service de la maladie d'un agent public.

6. En l'espèce, le requérant soutient que l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le dossier soumis à la commission de réforme ne comportait aucun rapport du médecin de prévention. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courriel de saisine de la commission départementale de réforme du 4 janvier 2021, qui comportait le rapport du médecin de prévention en pièce jointe, que la commission de réforme a bien été destinataire de ce rapport. Par suite, le moyen qui manque en fait doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes () ".

8. Il résulte de ces dispositions que s'il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.

9. Il est constant et ressort de l'extrait du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 14 novembre 2020, saisie pour avis sur la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du requérant, que celle-ci était composée, outre des Dr D et Brincat, médecins généralistes, du Dr C B, psychiatre. Par suite, le moyen tiré de l'absence de médecin spécialiste au sein de la commission de réforme doit être écarté comme manquant en fait.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des termes même de l'arrêté attaqué que le maire de la commune de Calvisson se serait placé, à tort, en situation de compétence liée au regard de l'avis de la commission départementale de réforme

11. En dernier lieu, aux termes du I de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. ".

12. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel accident, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. Constitue un accident de service, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition.

13. Pour demander l'annulation de la décision du maire de la commune de Calvisson refusant de reconnaître imputable au service ses troubles psychologiques, M. E soutient que l'origine de ses troubles se trouve dans sa convocation à la gendarmerie de Vauvert le 12 novembre 2021 et dans son placement en garde à vue pour des dénonciations calomnieuses émanant d'agents de la commune. Il n'est pas sérieusement contesté que les troubles psychologiques dont a souffert le requérant, conduisant à la prescription de plusieurs arrêts de travail consécutifs, trouvent leur origine dans un événement soudain survenu sur le temps et le lieu du service, le 12 novembre 2020, à l'annonce de sa convocation pour un placement en garde à vue à raison de faits dénoncés par ses collègues quelle qu'en soit la cause. Ainsi, le motif tiré de l'absence de fait accidentel est erroné.

14. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif.

15. Toutefois, si à l'issue de la procédure pénale engagée à l'encontre de M. E, une relaxe a été prononcée concernant les faits de harcèlement moral, d'agression sexuelle par personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction et de violence avec menace ou usage d'une arme, M. E a été condamné par le tribunal correctionnel de Nîmes le 3 mars 2022 pour les faits détention sans déclaration d'armes, munitions ou de leur éléments de catégorie C et de soustraction, détournement ou destruction de bien d'un dépôt public. Ainsi, eu égard à la gravité de ces agissements commis par le requérant, alors chef de la police municipale de la commune de Calvisson, cette faute personnelle à l'origine des événements ayant entraîné les troubles psychologiques dont il a souffert, doit être regardée comme détachant l'accident du service. Par ailleurs, si le requérant soutient que les seuls faits pour lesquels il a été condamnés et sanctionnés disciplinairement n'ont été révélés qu'à l'issue d'une perquisition à son domicile le 13 novembre 2020, alors que ses troubles psychologiques résultent de sa convocation pour son placement en garde à vue la veille, il ne produit aucun élément, en particulier le dépôt de plainte dont il a nécessairement été destinataire, permettant d'établir que son placement en garde à vue, comme la perquisition de son domicile, n'étaient pas motivés par l'ensemble de ces faits. Dans ces conditions et dès lors que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif de fait qui est de nature à la justifier légalement, que cette substitution ne prive l'intéressé d'aucune garantie et qu'il a été mis à même de présenter ses observations sur ce motif de fait qui figurait dans le mémoire en défense de la commune qui lui a été communiqué, la substitution de motif demandée par l'administration doit être accueillie t c'est à bon droit que le maire de la commune de Calvisson a refusé de reconnaître imputable au service l'accident de M. E.

16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation de l'arrêté du 19 octobre 2021 et, par voie de conséquence, celles présentées au titre des frais d'instance par le requérant, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. E est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A E et à la commune de Calvisson.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Boyer, présidente,

M. Chaussard, premier conseiller,

M. Chevillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2024.

Le rapporteur,

F. CHEVILLARD

La présidente,

C. BOYER

La greffière,

F. DESMOULIÈRES

La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 2103988

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