ARRÊT N° /2024
SS
DU 13 FEVRIER 2024
N° RG 23/01055 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFQ2
Pole social du TJ d'EPINAL
21/00132
19 avril 2023
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
Organisme URSSAF DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, substitué par Me Emilie NAUDIN, avocats au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Association [8] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Julie PICARD de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : Mme A
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Mme B (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'
article 945-1 du Code de Procédure Civile🏛, l'affaire a été débattue en audience publique du 22 Novembre 2023 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 10 Janvier 2024 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 13 Février 2024 ;
Le 13 Fevrier 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
L'association [8], reconnue d'utilité publique par
décret du 8 août 1977🏛, est composée de cinq établissements, dont trois sont situés à [Localité 7].
Elle a fait l'objet de la part de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Lorraine (ci-après dénommé l'URSSAF) d'une vérification comptable sur pièces de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019.
Par lettre du 9 novembre 2020, l'URSSAF a communiqué à l'association [8] ses observations et a conclu à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires portant sur les chefs de redressement et montants suivants :
- pour l'établissement SIRET 78344114000036 :
1. CSG CRDS ' rupture du contrat de travail, limites d'exonérations indemnités de licenciement (redressement de 13 euros)
2. forfait social- taux (redressement de 304 euros)
3. comité d'entreprise- bons d'achat et cadeaux en nature (redressement de 404 euros)
4. versement transport-cas d'exonération (redressement de 165 959 euros)
5. réduction générale des cotisations- règles de cumul (redressement de 1 652 euros)
6. CSG CRDS- indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail intégralement soumises (redressement de 128 euros)
- pour l'établissement SIRET 783441140000119
4. versement transport-cas d'exonération (redressement de 2 260 euros)
6. CSG CRDS- indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail intégralement soumises (redressement de 5 euros)
- pour l'établissement SIRET 783441140000135 :
4. versement transport-cas d'exonération (redressement de 81 euros)
Trois mises en demeure datées du 17 février 2021 ont été notifiée par l'URSSAF de Lorraine à l'association [8], aux fins de recouvrement des sommes de :
- 185 212 euros, dont 168 460 euros de cotisations et 16 572 euros de majorations
- 2 490 euros, dont 2 266 euros de cotisations et 224 euros de majorations
- 87 euros, dont 81 euros de cotisations et 6 euros de majorations.
Par courrier du 15 mars 2021, l'association [8] a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF de Lorraine en contestation du redressement n° 4 relatif au versement transport ' cas d'exonération pour les trois établissements d'[Localité 7] contrôlés.
Par trois décisions du 20 mai 2021, la commission de recours amiable a rejeté ses contestations.
Le 5 juillet 2021, l'association [8] a saisi le tribunal judiciaire d'Epinal d'une contestation à l'encontre de ces décisions.
Par jugement RG 21/132 du 19 avril 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal a :
- reçu l'association [8] en son recours
- dit que l'association [8] remplit les conditions d'exonération du versement transport prévues par le code général des collectivités territoriales
- annulé les trois mises en demeure du 17 février 2021 remises le 18 février 2021
- débouté l'URSSAF DE LORRAINE de ses prétentions
- condamné l'URSSAF DE LORRAINE aux dépens
- dit n'y avoir lieu à application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Par acte du 15 mai 2023, l'URSSAF DE LORRAINE a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 22 novembre 2023.
PRETENTIONS DES PARTIES
L'URSSAF DE LORRAINE, représentée par son avocat, a repris ses conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe le 17 novembre 2023 et a sollicité ce qui suit :
- recevoir l'appel formé par l'URSSAF LORRAINE, le dire bien fondé
- débouter l'association [8] de l'ensemble de ses demandes
En conséquence
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
' Reçoit l'association [8] en son recours
' Dit que l'association [8] remplit les conditions d'exonération du versement transport prévues par le code général des collectivités territoriales
' Annule les trois mises en demeure du 17 février 2021 remises le 18 février 2021
' Déboute l'URSSAF LORRAINE de ses prétentions
' Condamne l'URSSAF LORRAINE aux dépens
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formées par l'association [8]
- confirmer le bien-fondé du chef de redressement n° 4, relatif au versement transport
- condamner à titre reconventionnel l'association [8] au versement d'une somme de 185.288,00 euros selon le détail suivant :
' 182.711,00 euros pour le compte 417/430020325 : 165.959,00 euros au titre des cotisations sociales et 16.752,00 euros au titre des majorations de retard
' 2.490,00 euros pour le compte 417/430714216 : 2.266,00 euros au titre des cotisations sociales et 224,00 euros au titre des majorations de retard
' 87,00 euros pour le compte 417/441669413 : 81,00 euros au titre des cotisations sociales et 6,00 euros au titre des majorations de retard
- condamner l'association [8] à verser à l'URSSAF LORRAINE la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'association [8], représentée par son avocat, a repris ses conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe le 20 novembre 2023 et a sollicité ce qui suit :
Sur la régularité du recours
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal en ce qu'il a déclaré la saisine de l'association [8] recevable et bien fondée
Sur la nullité des mises en demeure
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal en ce qu'il a jugé que les mises en demeure litigieuses n'encouraient pas la nullité
- déclarer les trois mises en demeure de l'URSSAF du 17 février 2021 adressées à l'association [8] nulles faute de respecter les dispositions de l'
article R 244-1 du code de la sécurité sociale🏛- débouter l'URSSAF de ses demandes, fins et prétentions
Sur l'exonération du versement transports
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal en ce qu'il a débouté l'URSSAF de ses demandes
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal en ce qu'il a :
déclaré la saisine de l'association [8] recevable et bien fondée
dit que l'association [8] remplit les conditions d'exonération du versement transport prévu par le code général des collectivités territoriales
- annuler les trois mises en demeure du 17 février 2021
En tout état de cause
- débouter l'URSSAF de toutes ses demandes, fins et prétentions
- condamner l'URSSAF à payer à l'association [8] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner l'URSSAF aux entiers dépens.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.
L'affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛, puis à cette date le délibéré a été prorogé au 13 février 2024.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité du recours
Aux termes de l'
article 117 du code de procédure civile🏛, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice et le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
Aux termes de l'
article 121 du même code🏛, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
L'irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir du représentant d'une partie en justice peut être couverte jusqu'au moment où le juge statue (
Soc. 26 janvier 2016 pourvoi no 14-11.992⚖️ P).
-oo0oo-
En l'espèce, l'URSSAF de Lorraine fait valoir que le tribunal judiciaire d'Epinal a été saisi par courrier signé par madame [J] en sa qualité de directrice administrative et financière et qu'à défaut de justifier d'une délégation de pouvoir spéciale, elle est dépourvue du droit d'ester en justice au nom et pour le compte de l'association [8]. Elle ajoute qu'il appartient à l'association de démontrer que le tribunal a été valablement saisi. Elle indique que les procurations délivrées en cours d'instance n'ont pas date certaine et ne peut couvrir une nullité affectant l'acte de saisine du tribunal.
L'association [8] fait valoir que ses statuts permettent à son président de donner procuration à une personne en faisant partie. Elle ajoute que par pouvoir délivré le 1er juillet 2021, sa présidente a délivré un pouvoir spécial à madame [Aa] aux fins d'effectuer un recours devant le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal. Elle indique que la preuve d'une délégation de pouvoir peut être justifiée par tout moyen et à tout moment de la procédure.
-oo0oo-
Aux termes de l'article 9 alinéas 1, 2 et 4 des statuts de l'association [8], le président représente [8] dans tous les actes de la vie civile. Il peut donner délégation dans les conditions fixées par le règlement intérieur. En cas de représentation en justice, le président ne peut être remplacé que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale. Le président peut, sous sa responsabilité, son contrôle et avec l'accord du conseil d'administration, confier au directeur général de l'association et à des salariés l'exécution de certaines tâches qui lui incombent et leur déléguer sa signature pour des objets nettement déterminés dans le règlement intérieur.
L'acte de saisine du tribunal judiciaire, daté du 5 juillet 2021, a été signé par madame [F] [J], directrice administrative et financière de l'association.
Cependant, l'association produit aux débats un document daté du 1er juillet 2021 intitulé « procuration », aux termes duquel madame [X] [Y], présidente de l'association « donne pouvoir à madame [F] [J], directrice administrative de [8] pour effectuer un recours au pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal dans l'affaire concernant le paiement du versement transport opposant notre association à l'URSSAF ».
Aucun élément ne permettant de remettre en cause la sincérité de ce document, l'acte de saisine du tribunal judiciaire n'est pas atteint de nullité et les demandes de l'association [8] sont recevables.
Sur la régularité des mises en demeure
Aux termes des
articles L244-2 et R244-1 du code de la sécurité sociale🏛, l'action en recouvrement de cotisations ou de majorations de retard dues par un employeur ou un travailleur indépendant doit obligatoirement être précédée d'une mise en demeure adressée à celui-ci par lettre recommandée, ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception.
La mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice (
cass. soc 19 mars 1992 n°88-11682⚖️).
La mise en demeure peut procéder par référence à la lettre d'observations (
soc. 7 octobre 1999 n° 97-19.133⚖️,
civ.2e 20 décembre 2007 n° 06-20.683⚖️), et à cet égard, la mention au titre de régime général au titre de la nature des cotisations peut suffire lorsque le recouvrement porte sur des cotisations dues au titre du régime général, en particulier lorsque la mise en demeure fait suite à un redressement de cotisations à ce titre
civ.2e 12 mars 2015 n° 14-12.851⚖️,
soc. 25 mars 1999 n° 97-14.283⚖️). Néanmoins, s'agissant du versement de transport une mise en demeure mentionnant « régime général » concernant la nature des cotisations ne répond pas aux exigences de l'article R244-1 susvisé en ce que la nature exacte des sommes réclamées n'est pas précisée (
civ. 2e 14 février 2019 n°18-10238⚖️).
-oo0oo-
En l'espèce, l'association [8] fait valoir que la mise en demeure mentionne, dans la case « nature des cotisations », « régime général » , ce qui est insuffisant. Elle ajoute que si les mises en demeure font référence à la lettre d'observations, elles ne comportement aucune référence au versement transport et ne l'informent pas suffisamment sur la nature des cotisations réclamées.
L'URSSAF fait valoir que les mises en demeure sont suffisamment précises pour permettre à l'association de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation.
-oo0oo-
Les trois mises en demeure notifiées par l'URSSAF à l'association [8] suite au contrôle portent les mentions suivantes :
- dans le cadre « motif de mise en recouvrement » : « contrôle. Chefs de redressement notifiés par lettre d'observations du 09/11/20.
Article R243.59 du code de la sécurité sociale🏛 »
- dans le cadre « nature des cotisations » : « régime général »
- dans le cadre « cotisations », une référence à la mention « incluses contribution d'assurance chômage, cotisations AGS »
Dès lors, si les mises en demeure font dès lors expressément référence à la lettre d'observations, elles ne comportent aucune référence au versement transport.
Les montants réclamés au titre du redressement ne portant pas exclusivement sur des cotisations du régime général, voire portant exclusivement sur le « versement transport » (pour l'établissement SIRET 783441140000135), elles n'informent pas suffisamment le cotisant sur la nature des cotisations réclamées.
Dès lors, les mises en demeure doivent être annulées et le jugement sera infirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'URSSAF de LORRAINE succombant, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'association [8] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés de telle sorte qu'elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'URSSAF de LORRAINE aux dépens de première instance et a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement RG 21/132 du 19 avril 2023 du pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
ANNULE les mises en demeure délivrées le 17 février 2021 à l'associa8ion [8] :
- n° dossier 0041599016 et n° compte [Numéro identifiant 2] d'un montant de 185 212 euros
- n° dossier 0041598992 et n° compte [Numéro identifiant 3] d'un montant de 2 490 euros
- n° dossier 0041599032 et n° compte [Numéro identifiant 4] d'un montant de 87 euros
DEBOUTE l'URSSAF de LORRAINE de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'URSSAF de LORRAINE aux entiers dépens d'appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en sept pages