Jurisprudence : Cass. soc., 03-06-1997, n° 94-43.476, Rejet



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
03 Juin 1997
Pourvoi N° 94-43.476
société Casino France, société en nom collectif
contre
M. Bertrand ...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Casino France, société en nom collectif, dont le siège est Saint-Etienne, en cassation d'un arrêt rendu le 14 juin 1994 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), au profit de M. Bertrand ..., demeurant Saubion, défendeur à la cassation ;

LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 avril 1997, où étaient présents Mme Ridé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, M. Brissier, conseiller, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Desjardins, conseiller, les observations de la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat de la société Casino France, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. ..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 14 juin 1994), que M. ... est entré le 1er juillet 1987 au service de la société La Ruche méridionale, aux droits de laquelle se trouve actuellement la société Casino France; que son contrat contenait une clause de mobilité, la société se réservant le droit de le muter dans toutes ses zones d'activité ou celles des sociétés du même groupe et de considérer tout refus de mutation comme une rupture de son fait; qu'il a été affecté successivement à Agen, à Castres, à Pessac, à Agen et à Marmande; qu'il occupait en dernier lieu les fonctions de chef de groupe "produits de grande consommation" (PGC) à Marmande lorsque le groupe Casino a pris le contrôle de La Ruche méridionale; que le 27 septembre 1991, l'employeur lui a demandé de prendre la responsabilité du groupe PGC de l'hypermarché de Pau- Lescar avec effet au 14 octobre 1991; qu'il a refusé par écrit le 7 octobre 1991 ;
que le 10 octobre, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable; qu'il lui a ensuite notifié son licenciement par une lettre du 17 octobre 1991, pour inexécution de ses obligations contractuelles; que M. ... a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société Casino France fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. ... diverses indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, premièrement, qu'il incombait au salarié, dont le contrat de travail comportait une clause expresse de mobilité, de rapporter la preuve que son refus de mutation aurait été justifié par le fait que l'employeur aurait abusé de son droit de mettre en jeu cette clause contractuelle; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel devait constater en fait que la mutation de M. ... aurait eu pour effet de lui imposer "une situation inférieure", telle une "diminution de rémunération" ou une "rétrogradation"; qu'en se bornant à dire que le salarié aurait été bien fondé à refuser sa mutation contractuellement prévue, aux motifs que l'employeur n'aurait pas précisé par écrit ses nouveaux appointements et la classification correspondante, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de la société, s'il n'était pas exclu que la mutation ait eu pour effet d'imposer au salarié une "situation inférieure", la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L 122-14-3 du Code du travail; alors, deuxièmement, que les articles 3 et 5 de l'annexe III de la convention collective du personnel des magasins de vente d'alimentation et d'approvisionnement général, relatifs aux cadres et assimilés visés par la cour d'appel, ne prévoient pas expressément qu'ils s'appliquent aux mutations décidées en application d'une clause de mobilité; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a ajouté à la convention une disposition qu'elle ne contenait pas, violant les articles 1134 et 3 et 5 de l'annexe III de la convention précitée; alors, troisièmement, et en toute hypothèse, que l'employeur ayant précisé au salarié ses nouvelles fonctions, à savoir "la responsabilité du groupe produits de grande consommation de l'hypermarché de Pau-Lescar", il n'avait pas, en outre, à l'informer du "montant des nouveaux appointements et de la classification correspondante", qui étaient restés inchangés; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 122-14-3 du Code du travail; alors, quatrièmement, qu'en déclarant que La Ruche méridionale aurait fait bénéficier le salarié d'une "compensation pécuniaire à chaque mutation", sans répondre aux conclusions de la société Casino, qui faisaient valoir que l'avantage salarié, qui avait accompagné les mutations dans le passé n'avait pas été la contrepartie de la mutation elle-même, mais d'un changement de qualification qui avait pu l'accompagner, la cour d'appel a privé son arrêt de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors, cinquièmement, qu'au surplus, la seule précipitation avec laquelle l'employeur a décidé la mutation, ne suffit pas à rendre la rupture imputable à celui-ci; qu'en déclarant que le délai de prévenance de deux semaines pour notifier la nouvelle affectation aurait constitué une "précipitation abusive", la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 122-14-3 du Code du travail; et alors, sixièmement, que la clause de mobilité acceptée par le salarié permet à l'employeur de muter le salarié sans qu'il ait à justifier sa décision; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé, d'une part, qu'il résultait des dispositions de l'article 5, 1 de l'annexe III à la convention collective nationale des magasins de vente d'alimentation et d'approvisionnement général du 29 mai 1969, applicables au salarié soumis à une clause de mobilité, que toute modification apportée à l'un des éléments précisés à l'article 3, notamment à la fonction occupée et au lieu de son exercice, devait faire l'objet d'une nouvelle notification écrite précisant le montant des nouveaux appointements, la nouvelle fonction et la classification correspondante, et, d'autre part, que le salarié était fondé à se prévaloir de ces règles conventionnelles, plus favorables que celles résultant de la loi quand une clause de mobilité figure au contrat de travail, la cour d'appel a constaté que la notification ainsi exigée par la convention collective n'avait pas été faite au salarié; qu'ayant relevé, en outre, que cette mutation lui avait été notifiée sans qu'un délai de prévenance suffisant ait été respecté, elle a pu en déduire que la clause de mobilité avait été mise en oeuvre dans des conditions abusives et que le salarié était fondé à refuser sa nouvelle affectation; qu'elle a ainsi, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche du moyen, décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L122-14-3 du Code du travail, que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Casino France aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.

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