ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
24 Octobre 1995
Pourvoi N° 93-15.401
Mme Nadine ...
contre
M. Jean-Marie ...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Nadine ..., demeurant Nice, en cassation d'un arrêt rendu le 25 mars 1993 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre A), au profit de M. Jean-Marie ..., demeurant Nice, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme ..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 juin 1995, où étaient présents M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M le conseiller référendaire Rémery, les observations de Me ..., avocat de Mme ..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 mars 1993), que Mme ..., commerçante radiée du registre du commerce et des sociétés, a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires par deux jugements du même jour ;
que, sur appel de la débitrice, la cour d'appel a annulé le jugement de liquidation judiciaire puis, faisant application des dispositions de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, a elle-même prononcé la liquidation judiciaire de Mme ... ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches
Attendu que Mme ..., reproche d'abord à l'arrêt d'avoir refusé de révoquer l'ordonnance de clôture alors, selon le pourvoi, d'une part, que constitue une cause grave de révocation des conclusions faisant valoir des documents connus postérieurement à l'ordonnance de clôture ;
qu'en l'espèce Mme ... a été informée le 25 janvier 1993 des mainlevées accordées par la Caisse foncière de crédit ainsi que de sa renonciation à sa déclaration de créance ayant pour effet de diminuer le montant du passif déclaré et de lui permettre d'envisager un plan d'apurement du passif ;
qu'en considérant cependant qu'aucune cause grave ne justifie la révocation de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel qui n'a pas pris en considération la révélation postérieure des mainlevées réalisées a privé sa décision de base légale au regard de l'article 784 du nouveau Code de procédure civile ;
et alors, d'autre part, que les termes du litige étant déterminés par les conclusions des parties, les juges du fond doivent prendre en considération la volonté commune des parties tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture ;
qu'en considérant pour déclarer irrecevable la demande de révocation de l'ordonnance de clôture que Mme ... ne justifie d'aucune cause grave, la cour d'appel n'a pas pris en considération l'accord mutuel des parties et a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 et 784 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que Mme ... ne justifiait d'aucune cause grave à l'appui de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;
Attendu, d'autre part, que si les parties ont la libre disposition de l'instance, l'office du juge est de veiller au bon déroulement de celle-ci ;
que, dès lors, le juge n'est pas lié par une demande conjointe de report de l'ordonnance de clôture qui n'est pas de nature à influer sur l'objet du litige ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches
Attendu que Mme ... reproche encore à l'arrêt d'avoir prononcé sa liquidation judiciaire alors, selon le pourvoi, d'une part, que lorsque le commerçant a été radié du registre du commerce les juges du fond doivent constater que la cessation des paiements est antérieure à ladite radiation, sauf à caractériser une activité commerciale de fait postérieure à la radiation ;
qu'en l'espèce les juges du fond qui constatent la radiation du registre du commerce de Mme ... "en mai 1990" et qui fixent au 21 février 1991 la date de cessation des paiements, sans caractériser une activité commerciale de fait postérieure à la radiation ont violé les articles 9 et 17 de la loi du 25 janvier 1985 ;
et alors, d'autre part, que les juges du fond doivent rechercher si le redressement judiciaire ne permet pas l'apurement du passif préalablement au prononcé de la liquidation judiciaire ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel qui se contente de relever que Mme ... n'a plus d'entreprise a redresser puisqu'elle a vendu son fonds de commerce le 7 mars 1990 et que depuis elle n'exerce aucune activité économique susceptible de constituer le support d'un plan de redressement sans rechercher si un plan d'apurement du passif était envisageable a violé les articles 1er, 140 et suivants, et 148 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, d'une part, que Mme ... n'ayant déféré à la cour d'appel, en vue de son annulation, que le jugement de liquidation judiciaire, concluant "pour le surplus" à ce qu'elle soit replacée en état de redressement judiciaire, le moyen, en ce qu'il soutient que les conditions d'ouverture de la procédure collective n'étaient pas réunies, contredit ses écritures antérieures ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que Mme ... avait vendu son fonds de commerce et n'exerçait plus aucune activité économique, c'est à bon droit que la cour d'appel a prononcé sa liquidation judiciaire, dès lors qu'un plan de redressement, par voie de continuation ou de cession, ne peut avoir pour seul objet l'apurement du passif du débiteur mais doit tendre également à la sauvegarde de l'entreprise et au maintien de l'activité et de l'emploi ;
D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme ..., envers M. ..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M le président en son audience publique du vingt-quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze. 1728