Jurisprudence : Cass. crim., 27-09-1995, n° 94-80.034, Cassation partielle



Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 27 Septembre 1995
Cassation partielle
N° de pourvoi 94-80.034
Président M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.

Demandeur ... Ahcène
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Dintilhac.
Avocat M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par ... Ahcène, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 6 décembre 1993, qui, pour non-assistance à personne en péril, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 63 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénal, défaut de contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Ahcène ... coupable du délit de non-assistance à personne en danger ;
" aux motifs qu'aucune critique spécifique ne peut être émise contre l'exposant pour son comportement postérieur aux blessures subies par M. Makhlouf ... ; que, cependant, les agissements de l'exposant antérieurement auxdites blessures, qui paraissent avoir été motivés par la crainte d'une éventuelle mesure de fermeture du bar par l'autorité administrative, constituent le délit prévu par l'article 63, alinéa 2, du Code pénal ; qu'il ressort, en effet, des témoignages ci-dessus rappelés, et également de celui de M. Albert ..., que régnait dans l'établissement, entre les protagonistes de l'affaire, un climat particulièrement tendu aggravé par l'état d'imprégnation alcoolique des mis en cause, Ahcène ... ayant dû, avant la phase terminale des événements, intervenir à plusieurs reprises pour séparer les opposants ; que M. Albert ... a indiqué qu'il avait vu Chichi rentrer dans l'établissement, muni d'un revolver et d'une baïonnette d'une soixantaine de centimètres de long, et que, pensant, devant cette irruption, que "l'histoire allait mal finir", il avait préféré rentrer chez lui sans plus attendre ; qu'Ahcène ..., constatant, dès lors, le péril imminent couru par M. Makhlouf ..., dont il savait qu'il était spécialement revenu dans l'établissement avec des renforts dans le but de régler un différend aves les frères El ..., s'est abstenu, alors que cette démarche ne comportait aucun risque pour lui-même ou pour les tiers, de faire appel aux services de police afin de faire cesser le trouble et de secourir la victime en difficulté ; qu'il tente vainement de se soustraire à sa responsabilité en indiquant qu'il n'avait pas vu Chichi pénétrer avec ses armes dans l'établissement (circonstance contredite par les témoignages recueillis), ou qu'il avait fermé son établissement et s'apprêtait à "faire sa caisse" au moment où il avait été prévenu que M. Makhlouf ... avait été blessé à l'extérieur, voire même qu'il ignorait le pugilat qui s'était préparé dans son établissement et se déroulait à la porte de celui-ci ; que la circonstance qu'après l'agression, Ahcène ... ait nettoyé le sang de la victime maculant la chaussée sans avoir avisé les services de police du déroulement d'incidents graves dans son bar et à proximité de celui-ci, démontre, de sa part, la volonté de s'abstenir de toute intervention dans le but d'éviter que soient prises des mesures de nature à nuire à ses intérêts ;
" alors que, d'une part, le délit d'abstention délictueuse n'existe que si la personne à secourir était en péril, lequel ne doit pas être présumé, mais constaté et qu'il doit s'agir d'un danger grave, imminent, constant et nécessitant une intervention immédiate ; que, par suite, dès lors qu'il est constant que les coups portés sur la victime l'ont été à l'extérieur de l'établissement alors que l'exposant était à l'intérieur du café après avoir fermé celui-ci ; que l'exposant précisait, dans ses conclusions d'appel laissées sans réponse, que les faits se sont déroulés très rapidement et dans la plus grande confusion ; que, dès qu'il a appris que la victime était blessée, l'exposant a immédiatement proposé d'appeler les services de police, ce qui lui a été refusé, la victime ayant été immédiatement conduite à l'hôpital ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'infraction incriminée et a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, relever tout à la fois qu'aucune critique spécifique ne peut être émise contre l'exposant pour son comportement postérieur aux blessures subies par la victime et déclarer que la circonstance, qu'après l'agression, Ahcène ... ait nettoyé le sang de la victime maculant la chaussée sans avoir avisé les services de police du déroulement d'incidents graves, démontre la volonté de s'abstenir de toute intervention ;
" alors, enfin, que la cour d'appel, qui relève que les agissements de l'exposant antérieurement aux blessures de la victime "paraissent avoir été motivées par la crainte d'une éventuelle mesure de fermeture du bar par l'autorité administrative", a statué par des motifs purement hypothétiques et dubitatifs et n'a pas légalement justifié la condamnation prononcée " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, abstraction faite d'une constatation surabondante relative aux circonstances postérieures à la commission du délit ainsi qu'au mobile susceptible de l'avoir généré, et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli dans aucune de ses branches ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 55 du Code pénal, 2, 3, 203 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré opposables à Ahcène ... les dispositions non remises en cause des premiers juges ayant ordonné une expertise de la victime et dit que le prévenu sera solidairement tenu avec Mustapha Chichi, ... et Ben Abdelkader El ... au paiement, en faveur de la victime, de la somme de 30 000 francs à titre d'indemnité provisionnelle ;
" aux motifs que, compte tenu de la condamnation prononcée à l'encontre d'Ahcène ..., il y aura lieu de dire ce prévenu également tenu solidairement, tout comme Mustapha Chichi, Ben ... et Moustapha El ..., au paiement de l'indemnité provisionnelle de 30 000 francs, ordonné par les premiers juges en faveur de M. Makhlouf ... ; qu'il sera sursis à statuer sur les autres demandes de la partie civile et de la partie intervenante et que la procédure sera renvoyée aux premiers juges, aux fins de liquidation du préjudice subi par M. Makhlouf ..., à l'issue de l'expertise décidée par le tribunal et dont le principe est acquis en faveur de la partie civile ;
" alors que, d'une part, si l'abstention délictueuse peut donner naissance à une action civile, encore faut-il que cette action remplisse les conditions posées par les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable l'action civile de la victime à l'égard de Ahcène Hamitouche, ... ... ne justifie aucunement le dommage subi par la victime, tel que défini par l'article 2 susvisé ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, d'autre part, que le préjudice résultant pour la victime d'un délit de blessures volontaires et celui résultant d'une omission volontaire et celui résultant d'une omission volontaire de porter secours à une personne en péril n'ayant pas le même fondement, la réparation qui en est ordonnée pour l'un et pour l'autre de chacun de ces délits, doit être nécessairement justifiée par des motifs distincts et donner lieu à une évaluation distincte du dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a aucunement justifié la condamnation solidaire prononcée entre l'exposant et les autres prévenus et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 55 du Code pénal et 203 du Code de procédure pénale " ;
Vu les articles 203 et 480-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il ne peut y avoir condamnation solidaire aux réparations civiles que pour un même délit ou des délits connexes ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir déclaré El Ouadrhiri Ben ... coupable de violences avec arme sur la personne de Makhlouf ... et Ahcène ... coupable de non-assistance à personne en péril sur la même victime, se borne à énoncer qu'Hamitouche sera tenu solidairement des réparations civiles ;
Mais attendu qu'en omettant de rechercher l'existence d'une connexité entre les infractions distinctes reprochées aux prévenus la juridiction du second degré n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs
CASSE ET ANNULE en ses seules dispositions civiles concernant Ahcène ..., toutes les autres dispositions demeurant maintenues, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 6 décembre 1993 ; et pour être statué à nouveau et dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

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