Jurisprudence : Cass. soc., 21-06-1995, n° 91-44.132, Rejet



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
21 Juin 1995
Pourvoi N° 91-44.132
Mme Pascale ...
contre
société anonyme Société financière et foncière
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Pascale ..., demeurant à Plessis-Pâté (Essonne), en cassation d'un arrêt rendu le 12 juillet 1991 par la cour d'appel de Versailles (5e Chambre sociale), au profit de la société anonyme Société financière et foncière, dont le siège est à Paris (8e), défenderesse à la cassation ;

LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 mai 1995, où étaient présents M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, M. ..., Mme ..., conseillers, Mlle ..., Mmes ..., ..., conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M le conseiller Desjardins, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la Société financière et foncière, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 juillet 1991), que Mme ... a été engagée le 22 février 1983 par la Société financière et foncière en qualité de secrétaire commerciale et qu'elle a été promue secrétaire du directeur du département "Entreprises" au mois d'octobre 1984 ;
qu'après avoir bénéficié d'un congé de maternité, puis d'un congé d'allaitement, elle a repris son travail le 2 mai 1990 ;
qu'elle a alors été affectée au service des opérations bancaires et chargée du traitement du portefeuille commercial, de la gestion de la remise-chèque et du contrôle de la signature des chèques ;
que ses démarches auprès de son employeur pour retrouver l'emploi qu'elle occupait avant son congé de maternité étant demeurées vaines, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que Mme ... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de réintégration sous astreinte dans l'emploi qu'elle occupait avant son congé de maternité, alors, selon le moyen, d'une part, que pour qu'il y ait lieu à dommages-intérêts compensatoires, il faut nécessairement que l'inexécution de l'obligation soit imputable au débiteur et qu'elle ne soit due ni à un cas fortuit, ni à la force majeure, ni à une faute du créancier ;
que l'impossibilité de fait retenue par la cour d'appel étant la caractéristique même de la force majeure, il convient de constater que son analyse procède d'une contrariété de motifs et donc d'une absence de motif ;
qu'au surplus, l'article 1150 du Code civil précise que le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, sauf le cas où l'obligation n'est pas exécutée par le dol du débiteur ;
qu'à l'exception des clauses de non-concurrence et des règles propres au préavis, un contrat de travail ne contient jamais de clause pénale fixant le montant de dommages-intérêts compensatoires en cas d'inexécution du contrat ;
que si le contrat de travail est un contrat synallagmatique à titre onéreux, c'est aussi un contrat d'adhésion auquel le salarié se borne à donner son adhésion, ce qui rend impossible, sauf en matière de non-concurrence ou de délai-congé, l'exécution par équivalent ;
qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu la portée des règles propres à l'obligation de faire et a violé les articles 1134, 1150 du Code civil, L 321-1 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, d'autre part, qu'il résulte de ses propres constatations qu'à la suite de la réorganisation des structures de l'entreprise, il subsistait cinq postes de secrétaire de direction dans lesquels leurs titulaires avaient été affectées lors de l'établissement des trois organigrammes des 31 janvier 1989, 31 juillet 1989 et 31 mai 1990 ;
que le motif tiré du refus de Mme ... de revendiquer l'un des cinq postes de secrétaire de direction occupés par ses collègues ne saurait justifier la décision ;
qu'en effet, c'est à l'employeur qu'il appartient dans le cadre de son pouvoir d'organisation et de direction de décider, dans les respects des textes législatifs et conventionnels, et sous réserve du contrôle du juge du fond, de l'affectation ou de la réaffectation d'un salarié à son poste de travail ;
que Mme ... qui a eu le mérite et l'élégance de ne pas demander le poste occupé par telle ou telle de ses collègues n'en est pas moins fondée à soutenir qu'elle n'a pas été réintégrée dans son précédent emploi ou dans un poste similaire, alors que l'employeur était en mesure de lui en proposer au moins un ;
que la cour d'appel n'a pas procédé à une analyse sérieuse des organigrammes versés aux débats, lesquels font apparaître qu'en janvier 1989, le secrétariat du département "Entreprises" était occupé par Mmes ... et ... et par Mme ..., devenue depuis Mme ... ;
qu'au mois de mars 1989, le département "Entreprises est appelé service "Clientèle"; qu'au mois de juillet 1989, Mme ..., qui occupe toujours le poste de secrétaire du service "Clientèle", part en congé de maternité ;
qu'au mois de novembre 1989, Mme ... est mutée du service "Comptabilité" au service "Clientèle" ;
qu'au mois d'avril 1990, Mme ..., qui est toujours en congé de maternité, reste affectée à la direction d'exploitation, ex-service "Clientèle" ;
qu'à son retour de congé, au mois de mai 1990, elle est mutée sans la moindre concertation préalable au service "Production", alors que le poste de secrétaire du directeur d'exploitation existe toujours, puisque, selon l'organigramme, il est occupé par Mme ..., qui y a été affectée pendant le congé de maternité de Mme ... ;
que la cour d'appel, qui avait les éléments nécessaires et suffisants pour apprécier que, par le jeu de glissements de postes, Mme ... a été évincée du sien, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
et alors, enfin, qu'il résulte de la loi n 89-549 du 2 août 1989 que la transformation d'emploi ou la modification substantielle du contrat de travail consécutive à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques constitue un licenciement économique ;
que le refus par un salarié de la modification substantielle de son contrat de travail s'analyse comme une rupture imputable à l'employeur et qu'à défaut d'engagement d'une procédure de licenciement, le salarié peut se prévaloir de la poursuite du contrat de travail aux conditions initiales ;
qu'il appartenait donc à l'employeur, demandeur à la novation du contrat, de tirer les conséquences juridiques du refus opposé par Mme ... à la modification de son contrat et de mettre en oeuvre la procédure de licenciement pour motif économique ;
qu'agit avec une légèreté blâmable l'employeur qui prétend imposer unilatéralement la modification du contrat sans faire de proposition, ni engager de discussion, ni laisser au salarié le délai de réflexion nécessaire ;
que la cour d'appel ne pouvait se contenter de relever que Mme ... ne demandait pas le poste occupé désormais par Mme ..., ce qui revenait à lui transférer le pouvoir d'organisation et de direction appartenant exclusivement à l'employeur ;
qu'en délaissant les conclusions de Mme ... et l'examen des organigrammes et en méconnaissant la portée des textes visés au moyen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Mais attendu que, sans encourir les critiques du moyen, la cour d'appel, qui n'était saisie d'aucune demande de dommages-intérêts, et qui a admis que le contrat de travail de l'intéressée avait été modifié dans l'un de ses éléments essentiels, du fait de la suppression de son emploi antérieur, intervenue dans le cadre de la réorganisation complète de l'entreprise, accompagnée de licenciements, de mutations de personnel et de suppression d'emplois, à laquelle l'employeur avait dû procéder à la suite de la cession d'une partie de ses activités, a constaté que la demande de réintégration présentée par Mme ... se heurtait à une impossibilité de fait et qu'invitée à s'expliquer sur les trois organigrammes invoqués, celle-ci avait reconnu à l'audience que son poste n'existait plus et précisé ne pas demander l'un des cinq postes de secrétaire subsistants, occupés par des collègues ;
qu'elle a ainsi fait ressortir que l'employeur démontrait, conformément à l'article L 122-25-2 du Code du travail, se trouver dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse de la salariée et justifié sa décision ;étranger à la grossesse de la salariée et justifié sa décision que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme ..., envers la Société financière et foncière, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M le président en son audience publique du vingt et un juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

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