ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
29 Mars 1995
Pourvoi N° 91-44.562
Société Pierre Ucko
contre
M. ....
Sur les quatre moyens réunis Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 1991), que M. ... a été engagé en qualité de directeur commercial avec le statut de cadre, pour une durée indéterminée, à compter du 2 janvier 1989, par la société Pierre Ucko, par une lettre du 28 décembre 1988, ne portant pas l'indication d'une période d'essai, ni celle de la convention collective applicable à l'entreprise ; qu'il a été convoqué le 21 février 1989 à un entretien préalable à son licenciement, puis licencié par une lettre du 28 février 1989, ne faisant état d'aucun motif mais précisant que ce licenciement intervenait en période d'essai ; que l'intéressé ayant contesté avoir été soumis à une période d'essai et demandé à connaître les motifs de son licenciement, la société lui a répondu, le 13 mars 1989, que son contrat était régi par la Convention collective nationale de l'industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes et son annexe V (ingénieur et cadres) ; que M. ... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, tendant notamment au paiement d'une indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
Attendu que la société Pierre Ucko fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. ... une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, alors, selon les premier et troisième moyens, qu'elle avait fait valoir dans ses conclusions qu'aux termes de l'article 2 de l'annexe V de la convention collective précitée, applicable en la cause, la durée de la période d'essai était fixée à 3 mois, sauf conventions particulières écrites, ce dont il résultait que la période d'essai était de droit ; qu'en décidant qu'était sans intérêt pour la solution du litige l'analyse des dispositions de cette convention collective et en s'abstenant de rechercher si la période d'essai était de droit, la cour d'appel a, d'une part, entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, d'autre part, violé l'article 2 susvisé ; alors, selon le deuxième moyen, que, dans sa lettre de rupture du 28 février 1989, l'employeur avait précisé que le licenciement intervenait en période d'essai ; qu'en déclarant que les dispositions de la convention collective finalement invoquée n'avaient été découvertes qu'en cours de procédure et qu'elles ne pouvaient s'avérer déterminantes pour la solution du litige, la cour d'appel a omis de s'interroger sur la portée de ladite lettre de rupture et en a dénaturé le contenu ; et alors, enfin, selon le quatrième moyen, qu'après avoir déclaré sans intérêt pour la solution du litige l'analyse des dispositions de la convention collective relatives à la période d'essai, la cour d'appel a, pour débouter M. ... de sa demande d'indemnité de préavis, énoncé que la convention collective ne reconnaissait aux salariés ayant la qualification de cadres le droit à une indemnité de préavis qu'à l'issue d'une période d'essai de trois mois, ce dont il résultait qu'une période d'essai était bien obligatoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction évidente ;
Mais attendu que, lorsque le contrat de travail ne fait pas mention de l'existence d'une période d'essai, l'employeur ne peut se prévaloir de la période d'essai instituée de manière obligatoire par la convention collective que si le salarié a été informé, au moment de son engagement, de l'existence d'une convention collective et mis en mesure d'en prendre connaissance ;
Et attendu qu'ayant relevé que le salarié n'avait appris l'existence de la convention collective que par une mention portée sur le bulletin de paie du mois de janvier 1989 qui lui avait été adressé tardivement, à un moment où la procédure de licenciement était engagée contre lui, la cour d'appel a fait ressortir que le salarié avait été tenu dans l'ignorance des dispositions de cette convention collective ; qu'elle en a déduit à juste titre que l'employeur ne pouvait se prévaloir d'une période d'essai, celle-ci fût-elle obligatoire selon la convention collective ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du pourvoi, justifié sa décision ;
que les moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.