Jurisprudence : CA Amiens, 08-01-2024, n° 22/03903, Confirmation

CA Amiens, 08-01-2024, n° 22/03903, Confirmation

A60272DL

Référence

CA Amiens, 08-01-2024, n° 22/03903, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/104117742-ca-amiens-08012024-n-2203903-confirmation
Copier

ARRET

N° 12


[T]


C/


CPAM DE [Localité 1]


COUR D'APPEL D'AMIENS


2EME PROTECTION SOCIALE


ARRET DU 08 JANVIER 2024


*************************************************************


N° RG 22/03903 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IRDE - N° registre 1ère instance : 20/00342


JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DOUAI (POLE SOCIAL) EN DATE DU 04 juillet 2022



PARTIES EN CAUSE :


APPELANTE


Madame [S] [T]

[Adresse 3]

[Localité 2]


Représentée et plaidant par Me Antoine BIGHINATTI de la SCPD'AVOCATS ACTION CONSEILS, avocat au barreau de VALENCIENNES


ET :


INTIMEE


CPAM DE [Localité 1]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]


Représentée et plaidant par M. [M] [A], muni d'un pouvoir régulier


DEBATS :


A l'audience publique du 06 Novembre 2023 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du Code de procédure civile🏛 qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2024.


GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Aa A



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :


Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:


Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

M. Pascal HAMON, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,


qui en ont délibéré conformément à la loi.


PRONONCE :


Le 08 Janvier 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, Greffier.


*

* *


DECISION


Le 8 mars 2019, Mme [S] [T], salariée de l'association APEI [Localité 1] (l'APEI) en qualité de secrétaire, a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 1] (la CPAM) une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'un « syndrome anxio-dépressif consécutif à une souffrance au travail ».

Le certificat médical initial du même jour, joint à cette déclaration, constate un syndrome anxiodépressif.

Cette maladie ne figurant pas dans un tableau de maladie professionnelle et Mme [T] présentant un taux d'incapacité prévisible supérieur à 25%, la CPAM a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Hauts-de-France, lequel a rendu un avis défavorable à la prise en charge de la pathologie déclarée.

Le 3 juin 2020, la caisse primaire d'assurance maladie a notifié sa décision de refus de prise en charge.

Contestant cette décision, Mme [T] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM, qui a rejeté sa demande, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Douai lequel a, par jugement avant dire droit du 8 mars 2021, désigné le CRRMP de la région Grand-Est qui a également rendu un avis défavorable à la prise en charge.



Par jugement du 13 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Douai a :

- rejeté la demande de

Mme [T] tenant à la prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle ;

- condamné Mme [T] aux éventuels dépens de l'instance.


Mme [T] a relevé appel de cette décision par courrier daté du 26 juillet 2022 et enregistré au greffe le 28 juillet 2022.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffe le 6 novembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, Mme [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Douai le 4 juillet 2022 en ce qu'il a :

* débouté Mme [T] de sa demande tendant à la prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle ;

* condamné Mme [T] aux éventuels dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau,

- la dire recevable et bien fondée en son recours ;

Par conséquent,

- à titre principal, demander qu'un nouvel avis du CRRMP soit rendu constatant le lien direct entre son travail habituel et son état de santé ;

- à titre subsidiaire, infirmer la décision de la caisse primaire refusant la prise en charge de l'affection présentée par elle au titre de la législation sur les risques professionnels ;

- à titre subsidiaire, ordonner la prise en charge de l'affection présentée par elle et de ses conséquences au titre de la législation professionnelle ;

- condamner la CPAM de [Localité 5]-[Localité 1] aux entiers frais et dépens.

Mme [T] sollicite à titre principal la désignation d'un troisième CRRMP en soutenant que la CPAM aurait retenu qu'elle ne disposerait pas d'une incapacité partielle supérieur ou égale à 25% alors que les deux précédents CRRMP ont indiqué que cette condition était satisfaite, qu'il convient donc de s'intéresser au caractère professionnel de la maladie et de désigner un troisième CRRMP afin de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie.

Elle rappelle que les juridictions ne sont pas tenues par les avis des CRRMP et que sa pathologie est essentiellement et directement causée par son travail habituel.

Elle expose à ce titre être confrontée à un contexte professionnel difficile résultant de sa mise à l'écart au sein de l'APEI après la réorganisation du pôle habitat et la suppression de son poste d'assistante de direction de pôle, la contraignant en conséquence à accepter un poste de secrétaire d'établissement entraînant une large diminution de ses fonctions et responsabilités. Mme [T] expose ainsi avoir été maintenue au sein de l'association sans que de réelles tâches correspondant à sa qualification et à ses fonctions contractuelles lui soient confiées dans le but de l'écarter de la structure.

Elle indique avoir fait l'objet à ce titre de diverses exclusions, refus et sanctions : tenue de réunions hors sa présence, refus de promotion, promesses de formation non tenues, reproches infondés, refus de prolongation de son temps partiel et notification de deux sanctions liées à des manquements professionnels qu'elle juge injustifiées.

Enfin, elle décrit plus spécifiquement avoir subi le ton agressif et menaçant de son chef de service, M. [Ab], au cours d'un entretien professionnel du 30novembre 2018 et alors que celui-ci avait refusé qu'elle puisse y être assistée par un tiers.


Aux termes de ses conclusions visées par le greffe le 31 octobre 2023 et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 1] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Douai le 4 juillet 2022 ;

En conséquence,

- dire et juger que le lien direct et essentiel entre la pathologie présentée par Mme [T] et l'exposition professionnelle n'est pas établi ;

- entériner les avis des deux CRRMP ;

- confirmer le refus de prise en charge de la pathologie déclarée le 8 mars 2019, au titre de la législation sur les risques professionnels ;

- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [T] aux entiers dépens.

Sur la désignation d'un troisième CRRMP, la CPAM indique s'étonner de cette argumentation et rappelle avoir considéré que la condition tenant au taux d'incapacité partielle prévisible était satisfaite dans la mesure où elle a ordonné la transmission de celui-ci au premier CRRMP et qu'il s'agit d'une des conditions de cette saisine.

La CPAM fait valoir que les deux CRRMP désignés ont rendu des avis défavorables parfaitement concordants rejetant sans réserve le caractère professionnel de la pathologie de Mme [T] compte tenu de l'absence d'élément factuel de nature à caractériser les contraintes psycho-organisationnelles susceptibles d'expliquer cette pathologie.

La caisse primaire expose ainsi que Mme [T] ne rapporte pas d'éléments objectifs corroborant ses propos et que par conséquent, elle échoue à rapporter la preuve du risque psychosocial dont elle indique avoir été victime.

Elle relève enfin l'existence d'un litige prud'homal entre Mme [T] et son employeur consécutif à son licenciement pour faute simple intervenu le 25 février 2019.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile🏛, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.


MOTIFS

Sur la désignation d'un nouveau CRRMP

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé fixé par décret à 25%.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

En l'espèce, Mme [T] a, selon le certificat médical initial du 9 mars 2019, déclaré une maladie d'origine professionnelle qualifiée de syndrome anxio-dépressif.

Conformément au texte susvisé, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 1] a saisi le CRRMP de la région Hauts-de-France aux fins de recevoir un avis sur l'existence d'un lien direct et essentiel entre le travail habituel de Mme [T] et sa pathologie.

Ce comité a rendu un avis défavorable à la prise en charge de la maladie de Mme [T] le 27 mai 2020 en exposant : « Mme [Ac], née en 1975, exerce comme secrétaire dans une association depuis février 2000. Le dossier nous est présenté au titre du 7ème alinéa pour un syndrome anxio-dépressif constaté le 3 décembre 2018. L'avis du médecin du travail a été demandé le 14 octobre 2019. Après avoir étudié les pièces du dossier communiqué, le CRRMP constate qu'à la suite d'un changement de responsable de pôle, la situation de Mme [T] a évolué ; à partir de cette période, l'assurée allègue, sans que l'on puisse objectiver ses dires, un manque de respect, des menaces, un sentiment d'isolement. Le CRRMP ne peut objectiver ces éléments ni d'autres facteurs de risques psycho organisationnels avérés. Pour toutes ces raisons, il ne peut être retenu de lien direct et essentiel entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle ».

Le second CRRMP, désigné par les premiers juges, a également rendu un avis défavorable motivé ainsi : « Mme [T] déclare le 8 mars 2019 un syndrome anxio-dépressif appuyé d'un certificat médical du 8 mars 2019 du docteur [X]. Mme [T] travaille pour le même organisme depuis 2000 en tant que secrétaire. Elle décrit des problèmes relationnels avec sa hiérarchie. La demande de reconnaissance en maladie professionnelle est contemporaine d'un licenciement disciplinaire. De l'étude de l'ensemble des pièces du dossier, il ne ressort pas d'éléments factuels constituant des facteurs de risques psycho-sociaux s'inscrivant dans la durée au sein de la structure. Dans ces conditions, le comité ne peut établir de lien direct et essentiel entre l'activité professionnelle et l'affection déclarée ».

Mme [T] sollicite à titre principal la désignation d'un troisième CRRMP en exposant que la CPAM aurait considéré que « Mme [T] ne disposerait pas d'une incapacité partielle supérieure ou égale à 25% », ce qui est contraire aux indications des deux CRRMP dans leurs avis et qu'il convient en conséquence de s'intéresser au caractère professionnel de la maladie et qu'un nouveau CRRMP doit donc être désigné.

Cette argumentation apparaît n'être fondée ni sur une critique de la régularité formelle de ces avis ni sur une critique de leur motivation au fond, l'appelant n'opérant, au soutien de sa demande, aucune critique des avis de ces comités en se contentant tout au plus de rappeler que la juridiction n'y est pas liée.

Par ailleurs, l'indication selon l'appelante que la caisse aurait considéré que son taux d'incapacité prévisible serait inférieur à 25% est manifestement erronée puisqu'il s'agit, en application des textes susvisés, de l'une des conditions nécessaires à la saisine du CRRMP pour avis sur l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail habituel. Il s'en conclut sans ambiguïté que la CPAM considérait que Mme [T] satisfaisait à cette condition, puisqu'elle a transmis le dossier au CRRMP, ce qui est encore confirmé par l'avis du médecin-conseil en date du 15 octobre 2019 sur lequel figure lisiblement la mention « IP prévisible estimée égale ou supérieure à 25% : oui ». Au surplus, la CPAM étant tenue par l'avis du CRRMP, celle-ci est insusceptible d'avoir motivé sa décision de rejet pour un autre motif que le seul avis défavorable émis par le comité.

Enfin, les avis des CRRMP versés aux débats sont motivés, circonstanciés et concordants, de sorte que la cour n'estime pas nécessaire, afin de statuer sur le caractère professionnel de la maladie de Mme [T], de recourir à la désignation d'un troisième comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Mme [T] sera par conséquent déboutée de sa demande principale de désignation d'un troisième CRRMP.


Sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée

En application des textes susvisés, peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime.

Mme [T] expose en substance avoir été victime d'une dégradation progressive de ses conditions de travail résultant d'une mise à l'écart.

Elle indique à ce titre avoir exercé la fonction d'assistante de direction de pôle depuis le 22 octobre 2011 et qu'après avoir été privée des moyens d'exercer sa fonction à compter de mars 2016, une réorganisation de l'association a entraîné sa mutation sur un poste de secrétaire d'établissement correspondant à une fiche-emploi distincte de son poste d'assistante de direction dans le cadre duquel elle secondait la direction et collaborait étroitement avec les responsables de service.

Toutefois, si Mme [T] expose avoir exercé des fonctions d'assistante de direction en insistant sur leur distinction avec celles de secrétaire d'établissement, estimant qu'il s'agit d'un déclassement, elle déclarait toutefois à l'enquêteur de la CPAM avoir exercé, du 1er mai 2010 au 4 septembre 2016, des fonctions de « secrétaire du pôle habitat » ce qui correspond à la fiche de poste jointe à l'enquête administrative intitulée « secrétaire de direction ». La comparaison de cette fiche de poste à celle du poste de « secrétaire d'établissement » ne révèle pas de changement substantiel dans la nature dans les fonctions de Mme [T].

Il en ressort que l'affectation de Mme [T] à un poste de secrétaire d'établissement alors qu'elle exerçait auparavant des fonctions de secrétaire de direction, bien qu'elle ait nécessairement entraîné des modifications concrètes dans l'exercice quotidien de son métier, ne constitue cependant pas une « large réduction de ses fonctions et responsabilités et son affectation à des tâches subalternes en deçà de ses capacités et du poste précédemment occupé » dont elle fait état dans ses écritures et attestant selon elle de sa « placardisation ».

Faute pour Mme [T] de démontrer la rétrogradation professionnelle dont elle allègue avoir été victime lors de son affectation en tant que secrétaire d'établissement, alors qu'il ressort des pièces produites qu'elle exerçait déjà des fonctions de secrétaire, ce grief à l'égard de sa situation professionnelle ne peut être retenu comme ayant contribué à la dégradation de son état de santé.

S'agissant de sa mise à l'écart et des réunions auxquelles Mme [T] indique ne plus avoir été conviée, sont uniquement produits deux comptes rendus de réunions qui ont été tenues en son absence en octobre 2017 et en février 2018, sans qu'il soit démontré que sa présence y ait été nécessaire ou que ces réunions aient concerné tout le personnel à sa seule exception, et alors même que Mme [T] produit les comptes rendus de réunions tenues cette fois-ci en sa présence en mars 2017 et en janvier 2018. Mme [T] dénonce par ailleurs l'annulation systématique de ses « points d'activité » périodiques avec sa hiérarchie mais ne démontre pas la périodicité de ces rendez-vous et ne produit que six annulations sur la période du 6 octobre 2016 au 21 mars 2018, une partie de ces annulations étant au demeurant justifiée par ses interlocuteurs.

Quant au refus de mutation dont Mme [T] fait état s'agissant de sa candidature en interne au mois de juin 2018, il ressort du courrier en réponse de la directrice des ressources humaines que c'est Mme [T] elle-même qui a décliné les deux offres de mobilité qui lui étaient proposées alors qu'il avait été envisagé de retenir sa candidature. Les éléments relatifs à la candidature du mois de janvier 2018 dont fait état Mme [T], qui déclare avoir subi un autre refus, ne sont pas produits.

Il en est ainsi du retour de Mme [T] à un horaire de travail à temps plein alors qu'elle bénéficiait d'un temps partiel à 80% l'année précédente ; le courrier de Mme [T] du 4 juillet 2018 aux termes duquel elle demandait le renouvellement de ce temps partiel indique sans ambiguïté que ces horaires aménagés ne lui étaient accordés que jusqu'au 1er octobre 2018, et si Mme [T] déclare avoir reçu ses nouveaux horaires de travail « une heure avant son départ en congés », il ressort du courrier du 10 août 2018 informant Mme [T] de ses nouveaux horaires que le refus de prolongation de son temps partiel lui avait été signifié le 3 août 2018 et que son nouvel emploi du temps lui a été remis en main propre le 10 août 2018, soit bien avant l'entrée en vigueur de ses nouveaux horaires le 1er octobre 2018. La possibilité de travailler à temps partiel à 80% (mercredi non travaillé) n'étant pas acquise définitivement à Mme [T], qui n'en bénéficiait que jusqu'à une date certaine, la perte, justifiée par les besoins du service, de cette réduction horaire ne constitue ni une sanction prise à l'égard du salarié ni une mise à l'écart de ce dernier.

Mme [T] dénonce par ailleurs la notification de deux sanctions injustifiées à son égard, en l'espèce une lettre d'observations du 14 mars 2018 et un avertissement du 19 novembre 2018, et expose que ces sanctions injustifiées ont eu une importante répercussion sur son état de santé et qu'elles ont contribué au développement de sa pathologie.

La cour observe à propos de ces deux sanctions qu'elles s'inscrivent dans un cadre disciplinaire plus large ayant abouti au licenciement pour faute simple de Mme [T], le 5 février 2019.

La contestation de ces sanctions relève, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, d'un litige prud'homal relatif à l'exercice par l'employeur de son pouvoir de contrôle et de direction. Dans la mesure où il n'est pas démontré que les deux sanctions dont Mme [T] fait état aient été contestées judiciairement, ni le licenciement dont elle a fait l'objet, il y a lieu de considérer que ces sanctions sont devenues définitives et qu'il ne revient pas au juge du contentieux de la sécurité sociale d'en examiner le caractère proportionnel ou bien-fondé.

Le seul exercice par l'employeur de son pouvoir de contrôle et de direction, sans que le caractère abusif de cet usage soit démontré, n'est pas nature à caractériser l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et le travail habituel de Mme [T] puisqu'il correspond à des conditions de travail normales, lesquelles supposent parfois la délivrance d'une sanction.

Dans ce cadre, Mme [T] relate un entretien ayant eu lieu le 30 novembre 2018 avec M. [Ab], chef du service. Elle expose avoir été convoquée dans son bureau, porte fermée, sans avoir la possibilité d'être assistée par un collègue alors qu'elle en formulait la demande et déclare qu'au cours de cet entretien, son chef de service aurait utilisé à son encontre un ton agressif et menaçant.

Elle produit trois attestations de ses collègues, Mme [N] [Y], Mme [L] [B] et M. [R] [F], desquelles ressort un récit similaire aux termes duquel Mme [T] aurait montré des signes d'anxiété et d'inquiétude avant la conduite de cet entretien en apprenant qu'elle y était convoquée, qu'elle avait sollicité la présence de collègues, que l'entretien avait été réalisée porte fermée et qu'à l'issue, l'état d'angoisse de Mme [T] perdurait. Aucun de ces salariés n'indique avoir assisté à cet entretien ni en connaître le contenu, et il n'est pas fait état de cris. Il est également précisé qu'une autre chef de service, Mme [U], était présente à cet entretien en réponse à la demande de Mme [T] d'être assistée, bien que ce choix n'ait pas été le sien.

Cet entretien n'est toutefois pas de nature à caractériser un lien direct et essentiel entre l'activité habituelle de Mme [T] et son état de santé puisqu'il s'agit d'un évènement unique, non-habituel, et qu'il n'est au demeurant pas démontré qu'il ait eu lieu dans des conditions dépassant le cadre normal de l'exercice par l'employeur ou l'un de ses préposés de son contrôle de direction. Par ailleurs, aux dires des attestations précitées, Mme [T] apparaissait angoissée avant que cet entretien ait lieu, ce qui ne tend pas à démontrer que ce son état soit en réaction au contenu de leur échange en particulier plutôt qu'à la nature même d'un entretien à vocation disciplinaire.

Enfin, si Mme [T] produit des attestations médicales faisant état de son syndrome anxio-dépressif et des doléances professionnelles qu'elle a exprimées auprès de ces praticiens, ces éléments sont, pour ce qui ne relève pas des constatations médicales, entièrement fondés sur les déclarations de l'assurée et ne permettent pas de retenir comme étant démontré le récit qui y figure. Ainsi, M. [P] [Z], psychiatre, indique suivre Mme [T] « pour la prise en charge d'un trouble anxio-dépressif, que Mme [T] impute à une souffrance au travail » et M. [C] [O], psychologue du travail, indique quant à lui que « le mal être exprimé et explicité semblerait trouver pour partie son origine dans son contexte professionnel. Mme [T] évoque des difficultés ['] », en employant tous deux des formules dites dubitatives en ce qu'elles ne présentent pas comme acquis le caractère professionnel envisagé par Mme [T].

Pour toutes ces raisons, la cour, qui ne conteste pas la réalité de la pathologie de Mme [T], laquelle est objectivée par le suivi médical dont elle bénéficie, ne peut retenir l'existence d'un lien direct et essentiel entre cette pathologie et son travail habituel.

Le jugement sera confirmé.


Sur les dépens

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile🏛 Mme [T], succombant en toutes ses prétentions, sera condamnée aux dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,


Déboute Mme [S] [T] de sa demande à titre principal de désignation d'un troisième CRRMP,


Déboute Mme [S] [T] de ses demandes subsidiaires d'infirmer la décision de la CPAM et d'ordonner la prise en charge de la pathologie déclarée le 8 mars 2019,


Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Douai le 13 juin 2022,


Condamne Mme [S] [T] aux dépens de l'instance d'appel,


Le Greffier, Le Président,

Agir sur cette sélection :

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.