Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 7 Juin 1994
Rejet.
N° de pourvoi 93-11.340
Président M. Bézard .
Demandeur Société Matra transport
Défendeur société Borie SAE et autre.
Rapporteur M. ....
Avocat général Mme Piniot.
Avocats la SCP Coutard et Mayer, M. ..., la SCP Vier et Barthélemy.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 1993), que la société Orlyval a conclu, le 29 juillet 1988, en vue de la réalisation d'une liaison ferroviaires, un contrat avec la société Matra transport, qui a confié, le 3 novemvre 1988, le lot afférent au creusement d'un tunnel à la société Borie SAE ; qu'une garantie à première demande a été délivrée par le Crédit lyonnais pour le cas où la société Borie manquerait à une de ses obligations ; qu'invoquant un retard d'exécution, la société Matra transport a appelé la garantie de cette banque, qui en a versé le montant et l'a porté au débit de la société Matra transport et le Crédit lyonnais en restitution de ce montant ;
Sur le premier moyen (sans intérêt) ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches
Attendu que la société Matra transport fait également grief à l'arrêt d'accueillir l'action en restitution du montant de la garantie à première demande, engagée par le donneur d'ordre, la société Borie SAE, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans la garantie à première demande, sont inopposables par le garant au bénéficiaire toutes les exceptions tirées du contrat de base passé entre le bénéficiaire et le donneur d'ordre, y compris l'exception de nullité de ce contrat ; qu'en estimant que, le contrat de base de la société Matra transport-Borie SAE étant nul, la garantie ne pouvait être appelée par le bénéficiaire (Matra transport) contre le garant (Crédit lyonnais), la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en l'espèce, une garantie était due par le Crédit lyonnais à la société Matra transport " sur sa première demande écrite indiquant que la société Borie SAE a manqué à l'une des obligations résultant du contrat " ; qu'en subordonnant le jeu de cette garantie, non pas seulement à " l'indication " par la société Matra transport au Crédit lyonnais qu'il y avait eu manquement contractuel de la société Borie SAE, mais en outre à la vérification du manquement indiqué, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, subsidiairement, que le donneur d'ordre étant tiers au rapport garant-bénéficiaire, n'a pas qualité pour se prévaloir contre ledit bénéficiaire d'une exception qui aurait permis à ce garant, s'il l'avait invoquée, de ne pas exécuter son contrat avec le bénéficiaire ; qu'en accueillant sur cette base le recours du donneur d'ordre (la société Borie SAE) contre le bénéficiaire (la société Matra transport), la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du Code civil ;
Mais attendu que le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que le bénéficiaire en a reçu indûment le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, ou par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie ou par la nullité du contrat de base, et ce sans avoir à justifier d'une fraude ou d'un abus manifeste, comme en cas d'opposition préventive à l'exécution de la garantie par le garant ; qu'ainsi, la cour d'appel a décidé, à bon droit, en conséquence de l'annulation du contrat conclu entre les sociétés Matra transport et Borie SAE et de l'absence d'obligation contractuelle pesant sur cette dernière, que la garantie prise pour le cas d'inexécution contractuelle à elle imputable ne pouvait avoir été irréversiblement mise en jeu ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.