Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 4 Mai 1994
Cassation.
N° de pourvoi 92-14.537
Président M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonction. .
Demandeur MX
Défendeur époux ...
Rapporteur M. ....
Avocat général Mme Le Foyer de Costil.
Avocats la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP Delaporte et Briard.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Vu l'article 334-9 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, toute reconnaissance est nulle, toute recherche est irrecevable, quand l'enfant a une filiation légitime déjà établie par la possession d'état ; qu'il s'ensuit que la reconnaissance n'est pas nulle lorsqu'elle a été souscrite avant que la possession d'état d'enfant légitime soit constituée ;
Attendu qu'après leur mariage célébré le 30 août 1972, MY et Mme ... ont adopté deux enfants, nés respectivement en 1976 et 1978 ; qu'ayant engagé une procédure de divorce, ils ont été autorisés à résider séparément par ordonnance du 11 mars 1987 ; que Mme ... a entretenue une liaison avec M X, au domicile duquel elle a vécu de juin 1983 jusqu'en août ou septembre suivant, période pendant laquelle elle a également poursuivi avec son époux une " thérapie conjugale " ; que, le 11 septembre 1989, le juge aux affaires matrimoniales a donné acte aux époux ..., qui avaient repris la vie commune, de leur désistement de la procédure de divorce ; que le 2 octobre 1989, MX a reconnu devant un notaire l'enfant dont Mme ... était enceinte, en précisant que l'accouchement devrait " avoir lieu début mars 1990 " ; que, le 1er mars 1990, Mme ... a donné naissance à une fille, prénommée Sophie, qui a été déclarée à l'Etat civil par MY comme enfant légitime ; que, le 20 juillet suivant, le juge des tutelles a dressé, à la demande des époux ..., un acte de notoriété constatant que l'enfant avait la possession d'état d'enfant légitime depuis sa naissance ; que, le 15 octobre 1991, MX a formé contre les époux ... une action fondée sur les articles 334-9 et 311-12 du Code civil, en sollicitant, à titre subsidiaire, un examen comparé des sangs ; qu'il a invoqué à l'appui de ses prétentions des éléments de preuve tirés de diverses attestations sur son comportement après le départ de Mme ... et de lettres dans lesquelles celle-ci lui attribuait sans ambiguïté la paternité de l'enfant à naître ; que le tribunal de grande instance a constaté l'existence d'un conflit de paternité et ordonné une expertise sanguine ; que la cour d'appel a infirmé cette décision et annulé la reconnaissance ;
Attendu que, pour statuer ainsi, l'arrêt attaqué retient que l'enfant Sophie avait, depuis sa naissance, la possession d'état d'enfant légitime des époux ... ; que, dès lors, en annulant, sur le fondement de l'article 334-9 du Code civil, la reconnaissance souscrite par MX avant la naissance de l'enfant, sans constater qu'à la date de cette reconnaissance, l'enfant Sophie jouissait déjà de la possession d'état d'enfant légitime à l'égard des époux ..., la cour d'appel a violé ce texte ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.