Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 29 Mars 1994
Rejet
N° de pourvoi 92-80.728
Président M. Le Gunehec
Demandeur X
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Monestié.
Avocats la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET du pourvoi formé par X contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 19 décembre 1991, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, l'a condamné à 2 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 486 et 512 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt ne constate pas la présence du ministère public à sa lecture " ;
Attendu que l'arrêt mentionne qu'il a été prononcé à l'audience publique du 19 décembre 1991, " en présence de M. ..., substitut général " ;
Qu'ainsi, le moyen, qui manque par la circonstance sur laquelle il prétend se fonder, ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 23, 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable de diffamation publique contre un citoyen chargé d'un mandat public ;
" aux motifs repris des premiers juges que le tract litigieux a été diffusé dans les boîtes aux lettres des adjoints au maire et conseillers municipaux de la ville de Y mais que toutefois, M Z, qui n'est pas conseiller municipal, a également été destinataire de ce tract ; que si la diffusion d'une lettre circulaire aux seuls membres d'un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts ne constitue pas une distribution publique au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, l'élément de publicité est caractérisé par les distributions de cet écrit à un ou des tiers étrangers audit groupement ; qu'en l'espèce, il apparaît que si le tract se présente comme une "édition spéciale destinée aux adjoints au maire et aux conseillers municipaux de Y", il n'a pas été diffusé qu'auprès de ces seules personnes ;
" alors qu'en ne recherchant pas comme l'y invitaient les écritures d'appel de X si M Z, candidat malheureux aux dernières élections municipales sur la liste du maire, ne formait pas avec les conseillers municipaux élus un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts, la Cour de Douai a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que sur plainte avec constitution de partie civile de A, sénateur et maire de Y, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, en raison de sa mise en cause dans un tract anonyme, daté du 1er novembre 1989, intitulé " Humeurs, humour et révélations ", et sous-titré " Des abus de pouvoir au service d'un projet immobilier confidentiel " ;
Que X a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle, pour avoir rédigé le tract incriminé, et pour l'avoir distribué, avec B ;
Attendu que, pour déclarer établi l'élément de publicité du délit, les juges relèvent, par motifs adoptés, que le tract, qui se présente comme une " édition spéciale destinée aux adjoints au maire et aux conseillers municipaux de Y " a été diffusé dans les boîtes aux lettres des membres du conseil municipal de la ville de Y, mais aussi dans celle de Z, tiers étranger à ce groupement ;
Attendu qu'en cet état, abstraction faite du motif critiqué par le moyen, la décision de la cour d'appel n'encourt pas le grief allégué ; qu'en effet, les divers élus municipaux chargés de l'administration des affaires de la commune ne formant pas un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts, la publicité définie par l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 est constituée par la distribution, à ces destinataires, d'un écrit non confidentiel visant le maire à raison de sa qualité et de ses fonctions ;
D'où il suit que moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable de diffamation publique contre un citoyen chargé d'un mandat public ;
" aux motifs que, contrairement à ce que X soutient dans ses conclusions, les versions de MB ne sont pas contradictoires ; que lors de sa première comparution, MB a certes nié avoir participé aux faits mais il a mis en cause X en indiquant avoir fait le rapprochement entre les démarches de ce dernier en mairie au sujet de l'affaire C et la teneur du tract ; qu'ultérieurement, ayant appris qu'il avait été reconnu lors de la diffusion du tract litigieux, il a admis en avoir effectué la distribution et a précisé qu'avant que les enveloppes n'aient été déposées dans la boîte à lettre en vue de leur diffusion, le contenu du tract lui avait été lu la veille au téléphone par X, ce qui indiquait que ce dernier en était à l'origine ; qu'il a maintenu cette déclaration lors de la confrontation et à l'audience ; qu'il n'existe en l'espèce aucun élément susceptible de faire douter de la sincérité de la déclaration de MB qui est de nature à emporter la conviction du Tribunal ;
" alors qu'en affirmant que MB ne s'est pas contredit, tout en relevant à juste titre qu'il a admis avoir distribué les tracts après l'avoir nié et a accusé X d'en être l'auteur alors que, dans un premier temps, il avait seulement estimé que le tract faisait état de démarches qu'il avait accomplies, la cour d'appel s'est contredite et a privé son arrêt de motifs, tout en dénaturant, par une nouvelle contradiction, les termes clairs et précis des procès-verbaux des déclarations de MB " ;
Attendu qu'après avoir observé que X contestait être l'auteur du tract incriminé, et l'avoir distribué, les juges analysent, par motifs propres et adoptés, les éléments de conviction desquels ils déduisent la preuve de la participation du prévenu aux faits poursuivis ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant eux, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.