Jurisprudence : Cass. crim., 07-04-1993, n° 92-84725, publié au bulletin, Cassation

Cass. crim., 07-04-1993, n° 92-84725, publié au bulletin, Cassation

A4150ACP

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Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 7 Avril 1993
Cassation
N° de pourvoi 92-84.725
Président M. Le Gunehec

Demandeur Procureur général près la cour d'appel de Reims
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Galand.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Reims, contre l'arrêt de la ladite cour d'appel, chambre des mineurs, en date du 30 juillet 1992, qui, dans la procédure suivie contre X, du chef de falsification de chèques et usage, a déclaré irrégulière la composition du tribunal pour enfants et après annulation de pièces de procédure, a renvoyé le dossier au juge des enfants.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, en date du 3 septembre 1992, ayant ordonné l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 6, alinéa 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L 522-2 du Code de l'organisation judiciaire
" en ce que ledit arrêt a " déclaré irrégulière la composition du tribunal pour enfants de Reims ayant siégé le 27 novembre 1991 et le 5 février 1992 sous la présidence du juge des enfants chargé de l'instruction du dossier ; annulé le jugement du 5 février 1992 (et) renvoyé le dossier au juge des enfants " ;
" au motif que, d'une part, " l'article 61 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit en matière pénale à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial qui décidera du bien-fondé de toute accusation dirigée contre elle ; qu'hormis les règles de publicité des débats que la Convention permet d'écarter à l'égard des mineurs, ces derniers, faute de dérogation expresse, bénéficient de l'ensemble de la protection instituée par ledit article ", (cette protection devant être appréciée), " non selon une démarche subjective, mais dans une optique organique et fonctionnelle visant à s'assurer que la juridiction chargée de décider du bien-fondé d'une accusation pénale offre des garanties suffisantes d'impartialité " ;
" alors que le fait pour les mineurs de bénéficier de garanties au moins égales à celles accordées aux majeurs, n'exclut pas toute spécificité procédurale comme l'illustre la règle selon laquelle la publicité des débats, garantie cependant fondamentale, est exclue à leur égard ; que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a posé sans la définir la notion " d'impartialité " ; que si, en diverses situations procédurales, la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de Cassation considérant la présence, dans la formation de jugement, d'un magistrat ayant connu de l'affaire à un stade antérieur et dans des fonctions différentes, comme un manquement à l'impartialité, elles n'ont jamais jugé ni que l'impartialité se limitait à cette incompatibilité fonctionnelle ni qu'elle l'impliquait nécessairement en toute situation procédurale quelle qu'elle fût ; qu'identifier de manière générale et absolue " impartialité " et " incompatibilité fonctionnelle " est réducteur et infondé ; que les finalités propres à la juridiction des mineurs, la primauté des facteurs psychologiques, la recherche d'une influence sur les structures mentales du mineur, appellent entre celui-ci et son juge une relation singulière d'autant plus nécessaire que les intervenants éducatifs sont plus nombreux et plus variés ; qu'en conséquence l'unicité du magistrat, au long du cursus procédural, favorable à cette relation singulière, n'est qu'une modalité parmi d'autres de la spécificité procédurale nécessaire à la juridiction des mineurs ;
" qu'enfin, la règle selon laquelle le tribunal pour enfants ne statue qu'en premier ressort, la possibilité, par la voie ordinaire de l'appel, d'un recours à d'autres magistrats, étrangers aux phases antérieures de la procédure, protège le mineur des conséquences d'une éventuelle " partialité ", tout comme, selon l'arrêt de la chambre criminelle du 28 janvier 1992, la voie ordinaire de l'appel protège le témoin défaillant de la " partialité " du juge d'instruction sanctionnant la carence qu'il a lui-même constatée " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Attendu que si le mineur auquel est imputé une infraction pénale doit bénéficier d'un procès juste et équitable, ce principe ne fait pas obstacle à ce qu'un même magistrat spécialisé, prenant en compte l'âge du prévenu et l'intérêt de sa rééducation, puisse intervenir à différents stades de la procédure ;
Attendu que, pour déclarer irrégulière la composition du tribunal pour enfants de Reims ayant siégé les 27 novembre 1991 et 5 février 1992, sous la présidence du juge des enfants qui avait procédé à l'instruction du dossier, les juges d'appel énoncent que, s'il n'est pas contesté que le magistrat concerné a conservé une parfaite impartialité personnelle, la réunion en une même personne des fonctions d'instruire et de juger est incompatible avec la garantie du droit à un juge impartial au sens de l'article 61 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'ordonnance du 2 février 1945, en permettant pour les mineurs délinquants, dans un souci éducatif, une dérogation à la règle de procédure interne selon laquelle un même magistrat ne peut exercer successivement, dans une même affaire, les fonctions d'instruction et de jugement, ne méconnait aucune disposition de la Convention européenne susvisée ; qu'une telle dérogation entre dans les prévisions de l'article 14 du Pacte international de New York, relatif aux droits civils et politiques, comme aussi dans celles des règles de Beijing, approuvées par les Nations Unies le 6 septembre 1985, qui reconnaissent la spécificité du droit pénal des mineurs ;
Que si la décision, par le juge des enfants, de saisir le tribunal pour enfants et non de prononcer lui-même une mesure éducative, implique qu'une sanction pénale puisse être envisagée à l'égard du mineur, le risque objectif de partialité qui pourrait en résulter est compensé par la présence de deux assesseurs délibérant collégialement en première instance et par la possibilité d'un appel, déféré à une juridiction supérieure composée de magistrats n'ayant pas connu de l'affaire et dont l'un des membres est délégué à la protection de l'enfance ;

D'où il suit que la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des principes susénoncés et que la cassation est, dès lors, encourue ;

Par ces motifs
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, chambre des mineurs, en date du 30 juillet 1992, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, chambre des mineurs.

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