Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 17 Mars 1993
Rejet.
N° de pourvoi 90-41.556
Président M. Kuhnmunch .
Demandeur Société SAG chaussures
Défendeur époux ....
Rapporteur M. ....
Avocat général M de Caigny.
Avocat M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 1990), que la société Sag chaussures a pris acte le 17 février 1987 de la rupture du contrat de travail de M. ... salarié protégé et de son épouse, gérants d'une succursale de commerce de détail de chaussures, qui ont refusé leur mutation de Bordeaux au Havre nonobstant la clause de mobilité figurant au contrat ;
Sur le premier moyen
Attendu que, la société Sag Chaussures fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts à M. ..., alors, selon le moyen, que prend la responsabilité de la rupture de son contrat de travail, qui ne s'analyse donc pas comme un licenciement, le salarié protégé qui refuse une mutation prévue par les dispositions tant de son contrat de travail que de la convention collective applicable et insusceptible d'entraver l'exercice de son mandat de caractère national, et qu'en qualifiant la rupture, consécutive au refus de M. ... d'accepter sa mutation au Havre, de licenciement imposant le respect des formalités protectrices, sans constater que cette mutation était substantielle ou était de nature à entraver son mandat syndical, la cour a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L 412-18 du Code du travail ;
Mais attendu que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par la loi au profit de salariés investis de fonctions représentatives interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens que ceux qu'elle institue, la rupture du contrat de travail ; que la clause de mobilité figurant au contrat de travail ne pouvait priver M. ..., délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise, des mesures spéciales instituées par la loi et qu'il appartenait à l'employeur de demander l'autorisation de l'inspecteur du Travail de licencier ce salarié à la suite de son refus de la modification de son contrat, que celle-ci fût substantielle ou non ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir alloué des dommages-intérêts à Mme ... ; alors, selon le moyen, que, d'une part, ne constitue pas un licenciement, la rupture du contrat de travail consécutif au refus du salarié d'accepter une mutation prévue tant par les dispositions contractuelles que conventionnelles, le salarié prenant alors la responsabilité de la rupture et qu'en s'abstenant de rechercher si Mme ... n'avait pas pris la responsabilité de la rupture de son contrat en refusant sa mutation au Havre, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L 122-14 et suivants du Code du travail ; alors que, d'autre part et subsidiairement, à supposer même que la rupture du contrat de travail de M. ..., délégué syndical, ait nécessité le respect des formalités protectrices prévues par la loi, l'indivisibilité du contrat des époux ... n'a pu avoir pour effet de conférer à Mme ... la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par le législateur au profit de salariés investis de fonctions représentatives, et qu'en déduisant de la nullité du licenciement de M. ... l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de son épouse la cour a violé l'article 1134 du Code civil et L 412-18 du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que constitue un licenciement, la décision par laquelle l'employeur considére que le contrat est rompu, fût-ce à l'occasion d'un manquement par le salarié à ses obligations contractuelles ; que, d'autre part, la cour d'appel a relevé que le licenciement des époux ... procédait de la même cause, que les conjoints avaient été affectés ensemble à Bordeaux et que le projet de mutation leur était commun en sorte que le contrat qui les liait à l'employeur consacrait l'indivisibilité de leurs engagements ; qu'ayant fait ressortir que la rupture de l'engagement de Mme ... dépendait de la rupture de celui de son mari et qu'elle ne pouvait, à défaut d'autre motif, être prononcée en raison de son refus, compte tenu de l'irrégularité du licenciement de M. ..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE Le pourvoi.