AFFAIRE N° RG 12/01581 Code Aff.
ARRÊT N°
C.P
ORIGINE Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire
d'ALENCON en date du 21 Mai 2012 - RG n° F 11/00136
COUR D'APPEL DE CAEN
1° Chambre sociale
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2013
APPELANT
Monsieur Fabrice Z
FRANCE
Représenté par Me SABLE, avocat au barreau d'ALENCON
INTIMÉE
SAS CRIMO FRANCE
VILLENEUVE LE ROI
Représentée par Me FONTAINE, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS A l'audience publique du 26 Juin 2013, tenue par Madame VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER Mme FLEURY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Madame PORTIER, Président de Chambre,
Madame PONCET, Conseiller,
Madame VINOT, Conseiller, rédacteur
ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 27 Septembre 2013 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Madame VINOT, Conseiller, et Madame POSE, Greffier
M. Z a été embauché à compter du 13 décembre 2002 par la société Crimo France en qualité de technicien.
Il a présenté sa démission par lettre du 6 septembre 2010, son préavis expirant le 6 octobre.
Soutenant qu'elle avait, postérieurement à ce départ, découvert que M. Z avait, pendant son préavis et en concertation avec un autre salarié démissionnaire, établi, signé et enregistré les statuts d'une société concurrente dénommée REP2L dont il était par ailleurs le gérant, la société Crimo France a saisi le conseil de prud'hommes d'Alençon d'une demande d'indemnisation du préjudice résultant de ce manquement à l'obligation de loyauté.
Par jugement du 21 mai 2012, le conseil de prud'hommes d'Alençon a
- dit et jugé que la société Crimo France est recevable et bien fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de M. Z
- dit et jugé que M. Z a manqué à son obligation de loyauté en se livrant à des actes de concurrence déloyale pendant son préavis
- débouté la société Crimo de sa demande de dommages et intérêts en l'absence de préjudice
- condamné M. Z à régler à la société Crimo France la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. Z aux dépens.
M. Z a interjeté appel de ce jugement.
Pour l'exposé des moyens des parties il est renvoyé aux conclusions du 14 janvier 2013 pour l'appelant et du 26 juin 2013 pour l'intimée, reprises oralement à l'audience.
M. Z demande à la cour de
- infirmer le jugement
- dire prescrite l'action engagée par la société Crimo France pour obtenir remboursement des sommes figurant au solde de tout compte
- dire qu'il n'a commis aucune faute grave ou lourde lorsqu'il était au service de la société Crimo France ni aucun manquement à l'obligation de loyauté
- dire que la société Crimo France ne rapporte la preuve d'aucun préjudice
- débouter la société Crimo France de l'intégralité de ses demandes
- condamner la société Crimo France à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La société Crimo France demande à la cour de
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts
- statuant à nouveau, dire que les réticences dolosives de M. Z lui ont fait perdre une chance de le licencier pour faute lourde et de ne pas avoir à lui régler son solde de tout compte
- condamner en conséquence M. Z à lui restituer la somme correspondante de 3 262,42 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel
- dire et juger que la concurrence déloyale de M. Z lui a nécessairement causé un préjudice commercial qui sera réparé par l'octroi d'un euro symbolique
- ordonner la publication dans une revue spécialisée à l'attention des professionnels de santé - confirmer le jugement pour le surplus
- y ajoutant, condamner M. Z à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
SUR CE
- Sur la prescription
La société Lambert entend rechercher la responsabilité contractuelle de son ancien salarié sur le fondement de manquements répétés de ce dernier à ses obligations de loyauté et de fidélité.
Son action, engagée dans le délai de prescription de droit commun, est en conséquence recevable sans que puissent lui être opposés l'expiration du délai de six mois de contestation du solde de tout compte ou celle du délai de deux mois pour l'engagement de poursuites disciplinaires.
En effet, le reçu pour solde de tout compte signé le 14 octobre 2010, aux termes duquel M. Z reconnaissait recevoir les sommes indiquées comme étant celles de 339,20 euros pour salaire du mois, 763,69 euros pour indemnité compensatrice de congés payés, 148,56 euros pour indemnité de licenciement et 792,69 euros pour prime exceptionnelle, n'a de valeur libératoire que pour l'employeur, ce au terme du délai de dénonciation de six mois prévu à l'article L 1234-20 du code du travail, et ce délai n'a vocation à être opposé qu'au salarié qui entendrait dénoncer le reçu.
Quant au délai de deux mois dans lequel doivent être engagées les actions disciplinaires il ne saurait être opposé en l'espèce, la société Crimo France n'ayant pas engagé une telle action pendant le cours du contrat de travail mais une action en dommages et intérêts à l'expiration de celui-ci.
- Sur le fond
Aux termes de son contrat de travail, M. Z s'était obligé à 'consacrer toute son activité professionnelle à la société, l'exercice de toute autre activité professionnelle, même occasionnelle ou non rémunérée, soit pour son compte, soit pour le compte de tiers, lui étant en conséquence interdit, sans l'accord préalable et express de cette dernière.'.
Il est constant que M. Z a, le 1er septembre 2010, constitué avec deux associés, une SARL REP2L domiciliée à Beaumont sur Sarthe, ayant notamment pour objet la réparation et l'affutage d'instrumentation chirurgicale, dont les statuts, le désignant comme gérant, ont été enregistrés le 29 septembre 2010.
L'extrait k bis porte les mentions suivantes 'date d'immatriculation 5 novembre 2010, date de début d'exploitation 4 octobre 2010" tandis qu'une attestation notariée établit que la société REP2L a pris à bail le local correspondant à son principal établissement par un acte du 5 novembre 2010 prévoyant une prise d'effet au 15 octobre 2010 et que la déclaration unique d'embauche, confirmée par le bulletin de salaire de l'intéressé, fait état d'une embauche de M. Z par la société à compter du 7 octobre.
Quant aux comptes annuels établis par le cabinet d'expertise comptable Socotex, ils font mention, pour un exercice courant 'du 4 octobre au 31 décembre 2010",de sommes de 1 388 euros pour 'avances et acomptes versés sur commandes' et 8 663 euros pour 'avances et acomptes reçus sur commandes en cours', sans que pour autant soit connue la date à laquelle ont été générées ces avances, le chiffre d'affaires étant quant à lui comptabilisé comme étant de 0.
Ainsi, en dépit d'une date d'exploitation mentionnée au Kbis comme étant celle du 4 octobre, il ne résulte d'aucun élément que M. Z ait accompli, entre le 4 et le 6 octobre une réelle activité professionnelle pour le compte de la société REP2L qui n'a possédé la personnalité morale que le 5 novembre, étant rappelé que son contrat de travail ne lui interdisait par ailleurs pas la création d'une société.
La responsabilité du salarié n'est donc pas engagée.
En toute hypothèse et à titre surabondant, il sera relevé, s'agissant du préjudice matériel prétendument subi, que la société Crimo France ne peut être suivie dans son argumentation suivant laquelle elle aurait subi, par suite d'une réticence dolosive de son salarié, une perte de chance de le licencier pour faute lourde et de ne pas lui verser les salaires qui lui étaient dus.
C'est en effet à compter de la seule date du 4 octobre que le manquement était constitué et, le préavis expirant le 6 octobre, aucune circonstance n'aurait justifié que M. Z soit privé des sommes qui lui ont été versées et correspondant aux salaires dus jusqu'à cette date, aucun licenciement pour faute lourde n'ayant eu de chance de pouvoir être notifié avant cette date quand bien même la société aurait été avertie en temps réel du manquement de son salarié.
Quant au trouble commercial, il ne saurait être indemnisé, fût-ce à hauteur de 1 euro, sur la base d'une seule éventualité dès lors qu'aucun élément n'établit que M. Z s'est, entre le 4 et le 6 octobre, présenté auprès d'une clientèle commune en qualité de gérant et associé de la société REP2L.
La société Crimo France sera donc déboutée de toutes ses demandes et le jugement sera infirmé.
Il y a lieu d'allouer à M. Z la somme précisée au dispositif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement entrepris.
Et statuant à nouveau,
Déboute la société Crimo France de toutes ses demandes.
Condamne la société Crimo France à payer à M. Z la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Crimo France à payer les dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT EMPECHE
V. POSE I. VINOT