Jurisprudence : Cass. com., 12-11-1992, n° 90-18.502, Rejet



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
12 Novembre 1992
Pourvoi N° 90-18.502
Camayor
contre
de la Grancière de Villez et autres
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. ..., Victor ..., demeurant à Paris (9e), 53, boulevard Haussmann, en cassation d'un arrêt rendu le 20 juin 1990 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section A), au profit
1°/ de M. Jacques ... ... ... ... ..., demeurant à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), 21, rue A Dumas,
2°/ de M. Alain ..., demeurant à Paris (4e), 49, rue des Blancs Manteaux, pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité de président-directeur général de la société ITVD,
3°/ de la Banque industrielle et commerciale du Marais (BICM), société anonyme, dont le siège est à Paris (1er), 15, rue des Pyramides,
4°/ de Mme Marie-Annick ..., divorcée ..., demeurant à Paris (7e), 7, avenue Emile ..., prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur de la société ITVD,
5°/ de M. Henri ..., demeurant à Caen (Calvados), 23, rue Beuvrelu, pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur de la société ITVD, défendeurs à la cassation ;
M de la Grandière de Villez, défendeur au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 juillet 1992, où étaient présents
M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, MM ..., ..., ..., ..., conseillers, M. ..., Mme ..., M. ..., conseillers référendaires, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. ..., de Me ..., avocat de M de la Grandière de Villez, de la SCP Rouvière, Lepitre et Boutet, avocat des époux ..., les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. ... de son désistement envers la BICM, Mme ... et M. ... ;
Met hors de cause M. ... et M et Mme ... sur le pourvoi incident, sur leur demande ;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 1990), que M de la Grandière de Villez, après avoir acheté des actions de la Société internationale télévision distribution (ITVD), a successivement participé à une augmentation de capital de cette société, y a effectué des apports en compte-courant et a signé en sa faveur des actes de nantissement ;
qu'il a également consenti au profit de la Banque industrielle et commerciale du Marais (la BICM), banque de la société, une promesse d'affectation hypothécaire garantissant une ouverture de crédit d'un montant de 500 000 francs destiné à être reversé au compte de la société ITVD ; que celle-ci ayant été mise en règlement judiciaire le 10 juin 1982, M de la Grandière de Villez a assigné la BICM, bénéficiaire des nantissements et de l'affectation hypothécaire, les dirigeants de la société, M. ..., Mme ..., M. ..., ainsi que M. ..., son commissaire aux comptes, en réparation du préjudice subi du fait des fautes qu'il leur imputait ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal pris en ses quatre branches
Attendu que M. ... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré qu'il avait commis une faute et de l'avoir condamné à payer à M de la Grandière de Villez une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société ITVD du 8 décembre 1981 que tous les actionnaires et donc M de la Grandière de Villez, y étaient présents et ont voté à l'unanimité la résolution refusant de prononcer la dissolution de la société malgré la perte de plus des trois-quarts du capital social ;
qu'en énonçant qu'il n'était pas établi que M de la Grandière de Villez ait participé à cette assemblée, la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal, violant l'article 1134 du Code civil ;
alors, d'autre part, que M de la Grandière de Villez n'a jamais soutenu ni allégué avoir été absent de l'assemblée générale extraordinaire du 8 décembre 1981 ;
qu'en énonçant qu'il n'était pas établi qu'il y ait participé, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
alors en outre, que M de la Grandière de Villez qui avait participé à l'assemblée générale du 8 décembre 1981 et voté la résolution refusant de dissoudre la société malgré les pertes excédant les trois-quarts du capital social, connaissait les très graves difficultés financières de la société avant de consentir le 18 février 1982 un nouvel apport de 500 000 francs ;
qu'en reprochant à M. ... de ne pas avoir attiré l'attention de M de la Grandière de Villez sur une situation qu'il connaissait parfaitement, la cour d'appel a violé l'article 234 de la loi du 24 juillet 1966 ;
et alors, enfin, que le commissaire aux comptes ne peut s'immiscer dans la gestion de la société qu'il contrôle ;
que l'opportunité de dissoudre la société relève d'une décision de gestion ;
qu'en reprochant à M. ... de ne pas avoir établi de rapport écrit sur l'opportunité de prononcer la dissolution de la société, la cour d'appel a violé l'article 228 alinéa 3 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'étant dans la nécessité de rapprocher la feuille de présence de l'assemblée générale du 8 décembre 1981 qui comportait, en face du nom de M de la Grandière de Villez, une signature barrée d'une croix, et le procès-verbal de cette assemblée générale qui constatait que tous les actionnaires étaient présents, la cour d'appel ne peut se voir reprocher de les avoir interprétés ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que la responsabilité du commissaire aux comptes était recherchée pour avoir manqué à ses obligations professionnelles, la cour d'appel a retenu qu'on chercherait en vain dans son rapport écrit daté du 12 octobre 1981, invitant les associés à approuver les comptes de la société, la moindre allusion à la perte des trois-quarts du capital social et ce, afin que les associés puissent en tirer les conséquences qui s'imposaient, que sa carence s'est poursuivie lors de l'assemblée générale extraordinaire du 8 décembre 1981 qui devait statuer sur l'opportunité de prononcer la dissolution de la société et où il était absent, tandis que dans ces circonstances particulières ses observations auraient été utiles ;
qu'en l'état de ces constatations et appréciations d'où il résultait que le commissaire aux comptes n'avait permis aux associés, en particulier M de la Grandière de Villez, ni de connaitre la véritable situation de la société ni de prendre une décision éclairée, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, a, abstraction faite du motif justement critiqué par la quatrième branche du moyen mais qui est surabondant, légalement justifié sa désicion ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses cinq branches
Attendu que M de la Grandière de Villez fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes dirigées à l'encontre de la BICM, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des propres motifs de l'arrêt qu'il ne pouvait, du fait du retard dans l'établissement des bilans, avoir connaissance de la situation de la société au jour où il a contracté des engagements de caution ;
qu'il aurait appartenu à la banque de ne pas se faire consentir des engagements de caution sans l'informer de l'importance des sommes portées au débit des comptes ouverts auprès d'elle ;
qu'en omettant de prendre en considération le devoir d'information pesant sur la banque, l'arrêt a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M de la Grandière de Villez s'était fait ouvrir par la banque un compte personnel dans lequel ont été versées des sommes destinées à la société ;
que, par conséquent, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, énoncer inexactement qu'il n'était pas le client de la banque ;
que l'arrêt a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors en outre, et en tout état de cause, que le banquier, investi d'une mission de service public, doit informer loyalement toute personne qui a recours à ses services ;
que la cour d'appel ne pouvait, dans ces conditions, exonérer la banque de tout devoir de conseil, sans violer l'article 1134 du Code civil ; alors au surplus, que la cour d'appel ne pouvait écarter la faute de la banque après avoir elle-même constaté que le banquier savait que la société avait des dettes s'élevant à l'époque à 9 millions de francs ;
qu'elle a ainsi violé l'article 1147 du Code civil ;
et alors enfin, que la caution subit du fait de l'ouverture par une banque d'un crédit à une société dont elle connait la situation désastreuse, un préjudice personnel distinct de celui subi par la masse des créanciers du fait de l'aggravation du passif du débiteur ;
que par suite, la cour d'appel ne pouvait légalement refuser toute action à M de la Grandière de Villez auquel la BICM avait ouvert un crédit avec affectation hypothécaire, destiné à être reversé à une société dont elle connaissait la situation désastreuse ;
qu'elle a derechef, violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la contradiction alléguée à la deuxième branche concerne non l'énonciation des faits constatés par la cour d'appel, mais les conséquences juridiques qui leur auraient été attachées ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que M de la Grandière de Villez avait fait bénéficier la société ITVD, depuis 1979, d'apports en capitaux importants, qu'il était l'actionnaire le plus important de la société par la détention de 30 % de son capital, et qu'il participait activement à sa politique commerciale et économique, l'arrêt retient que la BICM n'était devenue la banque de la société ITVD qu'à la fin du premier semestre 1980 et n'avait demandé qu'à partir de 1981, à M de la Grandière de Villez et au dirigeant social, des garanties pour accorder son soutien à la société ;
que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a considéré que la BICM pouvait légitimement croire que M de la Grandière de Villez était informé de la situation de la société par le président et par le rapport du commissaire aux comptes ;
qu'abstraction faite du motif justement critiqué à la cinquième branche, mais qui est surabondant, elle a justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. ... et M de la Grandière de Villez aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M le président en son audience publique du douze novembre mil neuf cent quatre vingt douze.

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus