Jurisprudence : CE 5/6 ch.-r., 28-12-2023, n° 474289, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 5/6 ch.-r., 28-12-2023, n° 474289, mentionné aux tables du recueil Lebon

A98782A4

Référence

CE 5/6 ch.-r., 28-12-2023, n° 474289, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/103161599-ce-56-chr-28122023-n-474289-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

36-09-03-01 Gardien de la paix ayant accepté l’invitation à participer, au moyen de la messagerie WhatsApp, à un groupe de discussion, créé par l’un de ses collègues et composé notamment de ses collègues fonctionnaires de police de l’unité à laquelle il appartenait. Fonctionnaire ayant tenu des propos racistes et discriminatoires à quatre reprises....Révocation prononcée contre ce gardien de la paix à raison de ces faits mais également pour le motif que, témoin des propos violemment racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires émis par les autres membres du groupe, il n’avait eu aucun comportement modérateur ou dissuasif. ...Cour ayant annulé le jugement du tribunal administratif qui avait annulé cette révocation, et rejeté la demande du gardien de la paix....La cour a pu, sans erreur de droit, estimer que les faits reprochés à ce gardien de la paix étaient constitutifs d’une faute de nature à justifier légalement une sanction, même si les propos incriminés avaient été tenus au sein d’un groupe de discussion composé de collègues et si ces échanges étaient intervenus, en partie, en dehors du service.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 474289⚖️


Séance du 13 décembre 2023

Lecture du 28 décembre 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 5ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation. Par un jugement n° 2003804 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen⚖️ a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 21DA02968 du 23 mars 2023, la cour administrative d'appel de Douai⚖️ a, sur appel du ministre de l'intérieur et des outre-mer, annulé le jugement du tribunal administratif de Rouen et rejeté la demande de M. A.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 11 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. A ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 septembre 2020 le ministre de l'intérieur a prononcé la sanction de révocation de M. B A, gardien de la paix, à raison de sa participation à des échanges intervenus au moyen de la messagerie WhatsApp associant plusieurs fonctionnaires de police, gardiens de la paix et adjoints de sécurité et comportant de nombreux messages à caractère raciste et discriminatoire, échangés à l'occasion du service, et pour ne pas avoir réagi aux messages racistes, antisémites et sexistes diffusés par ses collègues, ces faits étant constitutifs d'un manquement à ses obligations statutaires et déontologiques et d'un manquement au devoir de contrôle des pairs, l'intéressé s'étant affranchi de son rôle d'encadrement des adjoints de sécurité. L'arrêté relevait en outre que ces faits avaient porté une atteinte au crédit de la police nationale, et étaient incompatibles avec l'exercice des fonctions de policier. Par un jugement du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision. M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé, sur appel du ministre de l'intérieur, ce jugement et rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 11 septembre 2020.

2. D'une part, en vertu du premier alinéa de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l'article L. 121-1 du code général de la fonction publique, le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. D'autre part, le comportement d'un fonctionnaire en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction si les faits commis sont incompatibles avec les fonctions exercées ou s'ils ont pour effet de perturber le bon fonctionnement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration. Enfin, aux termes de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure🏛: " Le policier () ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. / En tout temps, dans ou en dehors du service y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ". L'article R. 434-14 du même code dispose : " Le policier () est au service de la population. / () Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ". Et aux termes de l'article R. 434-27 du même code🏛 : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, gardien de la paix exerçant ses fonctions dans l'unité d'aide et d'assistance judiciaire de la police de Rouen-Elbeuf, a, à la fin de l'année 2019, accepté l'invitation à participer, au moyen de la messagerie WhatsApp, à un groupe de discussion, créé en octobre 2019 par l'un de ses collègues et composé notamment de ses collègues fonctionnaires de police de l'unité d'aide et d'assistance judiciaire à laquelle il appartenait. Il y a tenu, à quatre reprises, des propos racistes et discriminatoires. La sanction de la révocation prononcée à son encontre l'a été, comme il a été rappelé au point 1, à raison de ces faits mais également pour le motif que, témoin des propos violemment racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires émis par les autres membres du groupe, il n'a eu aucun comportement modérateur ou dissuasif.

4. D'une part, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a pu, sans erreur de droit, estimer que les faits reprochés à M. A étaient constitutifs d'une faute de nature à justifier légalement une sanction, même si les propos incriminés avaient été tenus au sein d'un groupe de discussion composé de collègues et si ces échanges étaient intervenus, en partie, en dehors du service.

5. D'autre part, l'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises. En jugeant qu'eu égard à la gravité des manquements commis par l'intéressé, par nature incompatibles avec la qualité de fonctionnaire de police, et alors même que ce dernier pouvait se prévaloir de bons états de service, les faits qui lui étaient reprochés justifiaient la sanction de la révocation, la cour s'est livrée à une appréciation des faits de l'espèce qui ne conduit pas au maintien d'une sanction hors de proportion avec les fautes commises.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. A doit être rejeté, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B A et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 28 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain

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