Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 14 Juin 1989
Cassation .
N° de pourvoi 87-15.730
Président M. Ponsard
Demandeur Société civile professionnelle titulaire d'un office notarial X
Défendeur époux Z et autre
Rapporteur M. Bernard Y Y
Premier avocat général M. Sadon
Avocat la SCP Boré et Xavier .
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen relevé dans les conditions prévues par l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile
Vu l'article 15 du décret du 19 décembre 1945 portant règlement d'administration publique pour l'application du statut du notariat, ensemble l'arrêté du 30 mars 1968 et l'arrêté modifié du 25 août 1972, pris en exécution de cet article ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers textes que les notaires ne peuvent conserver en espèces dans leur étude une somme supérieure à 20 000 francs et que tous les fonds autres que ceux conservés dans cette limite doivent être déposés par eux dans des établissements dont la liste est fixée par le troisième texte susvisé ;
Attendu que par acte sous seing privé du 28 juillet 1983 établi par la société titulaire d'un office notarial X, les consorts Z ont cédé aux sociétés Florentina W et Transalpino cinq cents parts de la société à responsabilité limitée " Atoll Voyages " sous la condition suspensive de la non-opposition de la direction du Trésor ; que le prix de cession s'élevant à 325 000 francs a été versé à un clerc de l'étude en qualité de tiers convenu, pour être affecté en nantissement au profit des cédants jusqu'à la réalisation de la condition suspensive ; que le 2 août 1983, M. Didier Z a demandé à un des notaires associés de virer à une banque, conformément à leurs accords, " l'intégralité des sommes reçues à l'étude pour le compte des vendeurs afin de les y faire fructifier " ; que le 3 août l'officier public a sollicité l'accord de M. Didier Z pour transférer les sommes déposées en son étude à un compte courant sur les livres de la banque La Hénin ; qu'en dépit de l'accord donné le jour même par l'intéressé et d'une mise en demeure vainement faite par lui suivant correspondance du 29 août, le notaire n'a jamais effectué le placement convenu des sommes séquestrées, qu'il a remises à M. Didier Z contre un reçu du 9 avril 1984 après la réalisation de la condition suspensive ; que les consorts Z ont alors réclamé à l'officier public la réparation du dommage occasionné par la perte des intérêts sur la somme litigieuse ; que l'arrêt attaqué qui accueille cette prétention énonce que la société titulaire de l'office notarial ne pouvait faire valoir après coup, pour tenter de justifier sa carence, qu'elle n'avait pas le droit de procéder au virement de fonds qu'elle s'était engagée à réaliser, puisque ni les articles 15 et suivants du décret du 19 décembre 1945 ni les prescriptions de la chambre des notaires n'interdisaient à ces officiers publics d'ouvrir un compte dans un établissement autre que ceux agréés en vertu de ces textes, pour y faire fructifier des fonds, lorsque ce compte était ouvert au nom des clients concernés et avec le consentement exprès des dépositaires de ces fonds ainsi que de l'établissement bancaire appelé à les recueillir ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai